40 ans de SFSC

 
 

Le sexuel s’explique par le sexuel ... et la science :
40 ans de sexologie française.
Et maintenant ?

 

La Société Française de Sexologie Clinique est née le 17 février 1974 (déclaration à la Préfecture de police publiée au JO du 14 mai 1974). Elle a donc fêté ses 40 ans il y a quelques mois. L’âge de la maturité ! Merci à tous ceux qui ont apporté leur contribution et en ont fait sa grandeur.

Rappelons brièvement les premiers babillages de ce beau bébé, son adolescence excessive, sa vie adulte avant que les membres fondateurs nous content cette belle histoire encore teintée d’émotion et de fébrilité.

La Société Française de Sexologie Clinique est l’association historique et fondatrice de la sexologie française. Elle a été constitué par des médecins qui ont tous eu leur heure de gloire, pas toujours heureuse : Ludwig Fineltain, Charles Gellman, Robert Gellman, Michel Guenkine, Michel Meignant, Gilbert Tordjman, Gérard Valles, Jacques Waynberg.. La Société Française de Sexologie Clinique a porté seule dès le départ la sexologie française. Ce n’est qu’en 1983 que se créa l’AIHUS, Association Inter Hospitalo-Universitaire de Sexologie, suite à une circulaire de l’OMS demandant aux facultés de médecine de créer des enseignements ayant trait à la sexualité humaine, en suggérant que la sexologie devienne une spécialité médicale.

Les cliniciens, pionniers de la Société Française de Sexologie Clinique, outre leur formation médicale initiale complétée de connaissances sexologiques, avaient comme dénominateur commun la psychanalyse. Bagage de connaissances déjà bien complet.
Très vite, la Société Française de Sexologie Clinique s’organisa : enseignements, supervisions, mise place d’un comité d’éthique chargé de la rédaction du code d’éthique. Le plus délicat fut de définir les conditions de formation et le périmètre de la formation psychanalytique minimale requise. Quelle effervescence ! Quelle richesse ! 40 ans après, le Dr Fineltain retient comme héritage de la Société Française de Sexologie Clinique « l’esprit de novation et la jubilation intellectuelle » qui y régnait.

L’adolescence est abordée plus loin par le Dr Nicole-Arnaud Beauchamp. Bien que n’ayant pas personnellement connu cette période, la gravité des agissements évoqués dépasse les turbulences de l’adolescence. C’est bien de faute grave dont il s’agit. Que les conséquences de ces débordements restent gravées dans nos esprits pour éviter que de tels agissements se renouvellent.
Ce fut sans doute l’un des ingrédients qui ont permis la récupération par l’Université des enseignements de sexologie. Bien que la plupart de l’activité sexologique fût effectuée dans le monde libéral par des professionnels libéraux compétent et sérieux, c’est à la faculté qu’on confia la mission d’harmoniser l’enseignement initial de sexologie, tandis que les pionniers poursuivirent leurs enseignements continus.

Le début de l’âge adulte fut marqué par les réunions au Conseil de l’Ordre des Médecins où le Dr Nicole-Arnaud Beauchamp représentait la Société Française de Sexologie Clinique. L’action conjointe avec le Syndicat National des Médecins Sexologues et l’Association Inter Hospitalo-Universitaire de Sexologie permit la reconnaissance de la sexologie comme mode d’expertise particulier de la médecine.
En effet, jusque-là, l’Ordre refusait que les médecins fassent état sur leurs plaques et sur leurs ordonnances de leur formation en Sexologie.
Or, le 29 juin 1995, le Conseil National de l’Ordre des Médecins prit la décision d’autoriser la mention d’un DIU de sexologie avec reconnaissance des personnes compétentes et formées antérieurement, de l’instauration d’une formation universitaire homogène sur le territoire national ouverte à tous les médecins généralistes et spécialistes intitulée « DIU de sexologie », sans toutefois aller jusqu’au bout de la commande de l’OMS et de la logique de décider la reconnaissance d’une nouvelle spécialité médicale et de la codification d’un acte de médecin sexologue. Ce manque est encore aujourd’hui une revendication des sociétés savantes et syndicale.
Cette décision, certes attendue et bénéfique, signifia la mort des enseignements privés, non universitaires. Paradoxalement, un conseil de coordination pédagogique interuniversitaire (CCPIU) se créa entre les responsables universitaires de chaque ville diplômante en lien avec l’AHIUS. Ironie du sort, l’Université reconnaissait ainsi la qualité de l’enseignement des pionniers cliniciens alors que l’Université ne voulait pas les reconnaître en 1974, date de la création de la Société Française de Sexologie Clinique, à l ‘exception notable de l’Université d’Aix Marseille dès 1975, rejointe l’année suivante par Lyon. Non seulement, l’Université validait l’enseignement des fondateurs mais entendait désormais les utiliser en récupérant le savoir bénévole de praticiens libéraux venant enseigner en faculté de médecine avec le support et la bénédiction bienveillante de l’Université.
La Société Française de Sexologie Clinique et ses pionniers n’avaient-ils eu comme seul tort que d’avoir raison trop tôt pour se voir retirer l’enseignement initial et devoir se consacrer exclusivement à l’enseignement continu ?

L’âge de la maturité de la Société Française de Sexologie Clinique fut concrétisé par la création de la Fédération Française de Sexologie et de Santé Sexuelle en 2010 par les deux présidents de l’époque : Pr Pierre Costa pour l’Association Inter Hospitalo-Universitaire de Sexologie et Dr Marc Ganem pour la Société Française de Sexologie Clinique. Ce regroupement des sociétés savantes fut l’évolution naturelle scellée par un accord initial parfaitement clair et loyal : organisation d’un congrès unique (devenu les Assises de Sexologie) au lieu des deux congrès préexistants ; poursuite des missions de formation initiale à l’Association Inter Hospitalo-Universitaire de Sexologie (en lien avec le CCPIU) et de formation continue à la Société Française de Sexologie Clinique. Bien qu’entériné, il est dommage que l’accord ne fut pas respecté. Gageons que les malentendus soient en passe d’être réparés puisque les associations sont en cours de rapprochement pour fusionner leurs activités de formation.

Et maintenant ? Quel sera le futur ?
Outre l’intégration souhaitable des enseignements continus évoqués ci-dessous, il faut être vigilant à l’enseignement initial et à son utilisation.
Ainsi que le dit très justement l’Association Interdisciplinaire Post-Universitaire de Sexologie (AIUS) sur son site Internet, les universités ne donnent qu’un diplôme d’acquisition de connaissances. Ces enseignements sont des formations venant en complément d'une profession qualifiante initiale mais ne sont pas professionnalisant.
La sexologie se situe au carrefour de plusieurs spécialités médicales, psychiatrie mais bien sûr aussi gynécologie et uro-andrologie. A cette intersection, le psychologue clinicien trouve naturellement sa place. Un autre pan de la sexualité humaine est social, moral, religieux et n’entre pas dans le registre du soin.
A l’heure où l’évolution technique s’amplifie, il ne faut pas perdre de vue que l’acte sexologique s’intéresse à une personne et pas seulement à son organe. Ni qu’à l’opposé, tout ne serait que pensées, comportements ou manifestations de l’inconscient.
Le sexuel s’explique par le sexuel ... et la science. Nous avons besoin des deux, nous avons besoin de sexothérapie, de médicaments, d’actes chirurgicaux.
Nous avons besoin de chacun, mais dans son champ de compétences. N’allons pas demander au sexologue clinicien d’opérer ni au gynécologue de faire une psychothérapie.
Plusieurs travaux ont étudié la population des sexologues en France et en Europe.
Tout d’abord, la sexologie n’est pas intrinsèquement un métier mais le complément d’un métier préexistant, une spécialisation dans le cadre d’une activité principale.
Ensuite, tous ces travaux reconnaissent l’exception française : la sexologie est une discipline plus médicalisée en France et plus sociale ailleurs ; Cette spécificité se caractérise par une majorité de sexologues en France qualifiés docteurs en médecine ou psychologues.

Pour conclure ce bref résumé de l’histoire de la Société Française de Sexologie Clinique, parlons du dernier bébé enfanté par son ancien Président avant de nous quitter, le Dr Marc Ganem, à qui c’est l’occasion de rendre un hommage appuyé et ému. La Chaire Unesco Santé Sexuelle et Droits Humains, dont l’incubateur fut un fois encore la Société Française de Sexologie Clinique vient à son tour de prendre son envol et son autonomie, pour faire rayonner de part le monde la conception française humaniste de la sexologie.
La Chaire Unesco Santé Sexuelle et Droits Humains a pour mission de promouvoir dans le monde le développement, l'épanouissement et le bien être des individus, des couples et des familles. Elle a pour objectifs principaux la protection des enfants et des femmes vis à vis des violences, l'égalité hommes femmes, la lutte contre les exclusions. Vaste et amitieux programme.

En France, la qualité de notre système sanitaire donne aux soignants la charge de la prévention et de l’éducation thérapeutique. Dans sa grande sagesse, l’Ordre National des Médecin, dont on a vu le rôle primordial qu’il a joué dans la reconnaissance de la sexologie, veille vient d’exprimer sa position en avril 2014 concernant la coopération entre professionnels de santé. « Ces coopérations correspondent aux pratiques dans la réalité des exercices au service des patients et de la santé publique. S’il peut s’avérer parfois nécessaire que ces coopérations fassent l’objet de protocoles, ces protocoles ne peuvent déroger aux contenus des cœurs de métiers résultant des cursus diplômant de formation. Ces coopérations, au service de la qualité et de la sécurité des soins et des prises en charge, supposent que nul ne dépasse le champ des compétences qu’il a acquises. La confusion du rôle et des missions de chacun dans une dynamique d’équipe de soins serait de nature à altérer la confiance, aujourd’hui massive, des patients dans le corps sanitaire français. Le CNOM rappelle que chaque profession de santé a un cursus et des contenus de formation qui lui sont propres, et que chaque métier doit conserver clairement son identification afin qu’il n’y ait aucune confusion à cet égard pour les patients. »

Voilà une route bien tracée pour la Société Française de Sexologie Clinique : poursuivre la formation des médecins, des psychologues et des paramédicaux dans le champ de la sexualité.


 
Eric TANNEAU
Président de la Société Française de Sexologie Clinique
 

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