Suite aux discours des précédents orateurs, l’envie vous est peut-être
venue de vivre vos fantasmes ou du moins d’élargir votre imaginaire
érotique. Je reviens vers une question soulevée par le Docteur Esturgié
qui était : «Cela n’est-il pas dangereux sur un plan psychopathologique
de vivre ses fantasmes ?» La question n’a pas eu de réponse et même si
on y répondra sûrement l’an prochain, aux Assises de Lille, je
souhaiterais intervenir maintenant sur le plan médico-légal, concernant
le risque d’incarcération et/ou de se retrouver en garde à vue si on
laisse son imaginaire érotique passer à l’acte. Le mot « fantaisie »
dans l’intitulé de ma communication a été choisi et a eu ma préférence
contre le terme de «fantasme».
Il est vrai qu’on distingue cliniquement deux
niveaux d’élaboration de ce qui peut servir à
nous exciter. La fantaisie, tout le monde l’utilise
soit pour faire naître le désir soit afin de l’entretenir.
Le fantasme renvoie à une dimension
plus inconsciente, les psychanalystes font une
nette séparation et je pense que cliniquement
cela représente quelque chose. Lorsque votre
partenaire vous mordille le lobe de l’oreille et
que la sensation éprouvée vous plait, il très
vraisemblable que vous revivez quelque chose
de l’ordre du fantasme cannibalique. Par contre,
si vous avez un partenaire Japonais, schizophrène
et un peu cannibale cela risque de mal
finir ; on voit donc bien les dangers psychopathologiques
des fantasmes.
Alors pourquoi se poser la question entre fantaisie
et délit, c’est tout d’abord lié à la représentation
chiffrée de la violence sexuelle.
Il y a quelques années, le Président de la
République Monsieur Sarkozy, était au ministère
de l’intérieur et il a fait un observatoire sur
la criminalité et la délinquance. On en parlait
beaucoup suite à la diminution des crimes et
des violences sexuelles, maintenant on en parle
plus, mais l’observatoire continue. Et ce qui
témoigne en 2007 par rapport à 2006, c’est une
augmentation de plus de 5% des crimes et des
délits sexuels en France. Une question se pose :
«Est-ce que la généralisation de ses pratiques
sexuelles marginales, leur inflation et l’accès illimité
à Internet peuvent être mis en relation avec l’augmentation
des crimes et des délits ?».
La première chose que l’on peut dire, et j’emploierais
indifféremment dans un souci de simplicité
les mots fantaisie et fantasme, mais c’est
de fantaisie dont je parlerais : Est-ce qu’il existe
un nombre limité ou illimité de fantasmes ? On
a tous des fantasmes et on peut toujours en
trouver d’autres.
Un auteur dans un livre extraordinaire, épuisé,
qui s’appelle : «Psychanalyse et copulation des
insectes» de Tobie Nathan essaie de passer en
revue tous les fantasmes imaginables. Sa théorie
est amusante, il dit que tous les fantasmes
imaginables se trouvent dans la nature chez
l’insecte. On peut aussi afin d’apprécier les fantasmes
de nos congénères réaliser et étudier
des enquêtes, la plupart qu’elles soient historiques
comme le rapport Kinsley, Nancy
FRIDAY ou mêmes récentes, elles comportent
des biais méthodologiques.
Nous sommes plusieurs experts à ce Congrès et
nous voyons au cours des expertises des sujets
rapportant des fantasmes non cités dans les
enquêtes, des choses extrêmement «gores». La
difficulté même dans les enquêtes efficaces
et/ou scientifiques est d’oser y répondre même
si c’est anonyme.
Quand on est interrogé par
l’I.N.S.E.R.M. de façon téléphonique
et qu’on annonce avoir
des fantasmes pédophiles, la
crainte d’être dénoncé est présente.
Cela est loin d’être évident.
Si toutefois vous souhaitez
faire le test ce soir auprès de
votre conjoint, vous lui annoncez
que vous avez rêvé la nuit
dernière à : «une ballade nu sur
une plage, la laisse du chien
autour du cou et qu’il menait la
promenade», et puis la semaine
dernière j’ai rêvé que : «j’étais entrain de violer la
petite Magalie le jour de son baptême», cela
risque assurément de créer des problèmes au
sein de votre couple.
Ceci montre l’existence de biais méthodologiques
et pourquoi on ne retrouve pas tous les
fantasmes au travers des enquêtes.
En 2008 une enquête s’appelant Seigneur
Planète a mis en évidence les 15 fantasmes les
plus retrouvés chez les hommes et chez les
femmes. Le fantasme qui prévaut chez les
hommes est d’avoir deux femmes à la fois et
celui des femmes est de faire l’amour en pleine
nature avec l’idée de pouvoir être surprise. En
parlant d’être surprise on retrouve l’idée de s’exhiber
et s’exhiber est un délit, le passage à l’acte
n’est pas rare.
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J’ai pris l’exemple de la Savoie, département
qui totalise 1 000 400 habitants. On peut jouir
en Savoie et en Haute-Savoie de 7 saunas libertins,
5 discothèques libertines, 9 sex-shops et
d’innombrables bars à hôtesse, dont 6 pour la
seule ville d’Aix-les Bains qui compte 25 000
habitants, une entraîneuse pour 150 hommes.
Tout cela signifie que les pratiques sexuelles
de prostitution sont peut-être en augmentation
du moins dans les départements reculés. Le
chiffre de 1 lieu libertin pour 100 000 habitants
peut-être éventuellement mis en relation avec
les 5% des Français fréquentant le milieu échangiste.
Et il existe un marché financier, la preuve
en est donnée. En ce qui concerne la loi, certains
fantasmes sont punissables. Notamment, le
seul fait de représenter un acte pédophile en
dessin et de le publier, est un délit.
La loi varie aussi d’un pays à l’autre, comme
dans certains pays du Maghreb ou s’embrasser
en public est interdit, à contrario, on revient
là sur la notion de norme pathologique, légale
et morale, certaines paraphilies (anormalités
psychopathologiques) ne sont pas poursuivies
pénalement. En garde à vue après avoir vu les
gens, on fait les expertises, alors on
peut se demander quels sont les
fantasmes qui sont le plus pourvoyeurs
d’expertise. Suite à une
étude, sur 1000 expertises, c’est l’exhibitionnisme
qui est le plus fréquent.
Les femmes aussi sont exhibitionnistes
et passibles d’emprisonnement,
on le voit bien sur
Internet où on assiste à des ébats
amoureux filmés.
Le fétichisme est peu lié aux expertises
sauf quand il y a eu vol de sous-vêtements.
La zoophilie est une pratique beaucoup plus fréquente que l’on ne le
croit. Suite à des interrogations de détenus
emprisonnés pour d’autres raisons et d’autres
crimes sexuels, on retrouve souvent des évocations
à l’acte de zoophilie alors que les
enquêtes et les statistiques ne parlent pas de
cela. On note très peu de poursuite judiciaire
pour les actes zoophiles.
Concernant le viol dans le couple, c’est quelque
chose qui devient de plus en plus fréquent dans
les expertises. En 2007 sur une année presque
1% des femmes reconnaissaient dans leur
couple avoir été violées (en sachant que toutes
les femmes violées ne portent pas plainte).
On recense deux types de viol, soit l’homme
impose à sa partenaire de façon violente un
acte sexuel, soit il y a un viol par surprise, quand
la femme dit oui au départ et puis non ensuite ;
l’homme dans son excitation ne va pas l’entendre,
et en général, on retrouve quelque
chose de l’ordre de la tentative de sodomie.
C’est toujours un coït à tergo qui glisse vers
une sodomie. La chose inacceptable c’est est-ce
que ce fantasme est si couramment admis ? Ce
n’est pas évident, en tout cas le vécu du viol
existe, d’autant plus quand la relation sexuelle
imposée est la pénétration.
Une enquête annonce que 35 % des Françaises
pratiquent la sodomie, quand même !
Autre fantasme intéressant c’est le fait de stimuler
son imaginaire érotique sur Internet. On
assiste mensuellement à la mise en examen
d’un ou deux sujets pour détention de matériel
pédopornographique. Généralement, le F.B.I.
fait son enquête et donne des listings et parfois
ce sont des saisis de disque durs réparés chez
Auchan où à la FNAC qui font office de preuve.
Les sujets entendus prétendent à un téléchargement
massif d’images et dans ce lot d’images
pornographiques qu’ils ont téléchargé, ils ont
été fascinés par les scènes qu’ils regardaient.
Le danger de la pornographie sur Internet à la
différence de XXL, ou Canal+, ou du sex-shop
c’est l’accès à des images tout à fait illicites et
sans limites. Elles sont certes pédophiliques
mais aussi zoophiles ou scatophages et ces
images fascinent les gens.
Le problème n’est donc pas d’avoir recours à la
pornographie mais surtout que la pornographie
sur Internet soit illimitée dans la nature
des fantasmes mis en scène. Les sujets qui manquent
de repères ou des sujets qui sont un peu
limités ou addicts vont trouver dans Internet
quelque chose qui va les faire basculer. Et derrière
cette fascination, ils vont
aussi télécharger.
Mais soyons clair, même s’ils
affirment ne pas être excités
devant les fantasmes pédophiles
téléchargés, ils vont
devoir le prouver devant un
jury et cela ne sera pas si évident.
Un petit mot sur les fantasmes
hard. Dans notre
étude, le cannibalisme avec
meurtre ou, un peu comme
Fourniret, des viols suivis de
meurtres, sont des choses
exceptionnelles. Concernant
les cas de 1000 expertises on a
retrouvé qu’un cas de sadisme
extrême avec meurtres de
plusieurs enfants et l’enquête
a conclu à une dénonciation
calomnieuse par un sujet
mythomane. Donc il y a peut être
moins de Fourniret que l’on ne croit et c’est
dommage que cela occupe le devant de la
scène tout en évitant d’avoir une perception
clinique. Quelles sont les situations à risque
concernant les patients, celles qui vont finalement
vous faire déraper ?
La première chose est que des patients possédant
un trouble aient du mal à distinguer le
symbolique de l’imaginaire et face aux images
d’Internet ne posséderont pas le recul nécessaire
afin de gérer au mieux la situation. Ceci est
un premier facteur de risque.
Le deuxième facteur de risque est, si on vit un
fantasme, qu’il vaut mieux être lucide afin d’obtenir
le consentement irréfutable de sa partenaire.
Souvent dans les cas de violence où les
sujets sont mis en cause pour des viols conjugaux
ou pour des fantasmes qui ont dérapé
avec exhibition, on retrouve cette notion de
discernement altéré par la prise d’alcool ou de
toxique. Qu’est-ce qu’on risque pour soi-même
en fréquentant des lieux échangistes ? Les
boîtes échangistes ont toutes des sites Internet.
Mais essayons de nous immerger dans tout
cela, après avoir surfé 1h30 sur les sites, vous
essayez ensuite de regarder pendant 3 à 4
heures un film pornographique sans vous masturber.
Et suite à ces activités, vous sortez faire
vos courses et vous verrez que la vision de la
caissière d’Auchan ou du vigile ne sera plus très
simple.
Nos patients sont dans le même trouble. Quand
on va dans les lieux échangistes on est
confronté à l’excitation environnante, puis à
une sorte de désinhibition, d’ivresse, qui fait
que le consentement n’est pas facile à donner,
et de même, le non consentement de l’autre
est peu entendu. Il est vrai que pour les experts
l’explosion de ces lieux échangistes amène un
travail certain.
Une pratique criminogène peu connu est la
psychothérapie. Le sujet a déjà été abordé l’an
dernier, les plaintes sont au moins de deux par
an depuis 6 ans et de un à deux thérapeutes
sont mis en cause pour des faits d’agression
sexuelle. L’intérêt de cette observation est que
ma communication parle de fantasme et un
thérapeute sur 3 en faisant l’amour pense à un
de ses patients contre une sur dix pour les
femmes. On peut imaginer, si on pense à un
patient durant la nuit en se masturbant ou en
faisant l’amour, que le lendemain en voyant ce
patient le dérapage est envisageable.
Les passages à l’acte sont relativement fréquent
on trouve 10% chez les médecins hommes en
France et aux Etats-Unis. Même en dehors du
passage à l’acte, finalement l’imaginaire érotique
n’est pas sans danger. Il est vrai qu’en tant
que sexologue on insiste sur le fait d’ouvrir
l’imaginaire érotique de vos patients. Mais peut être
pas à tout le monde ? D’abord, car certaines
pratiques sont légales dans certains pays
et non légales dans d’autres. Deuxièmement
on doit se rappeler ce qu’est jouer et à ainsi distinguer
l’imaginaire, le symbolique, du réel.
La grande difficulté est aussi d’apprécier le
consentement de son partenaire, on sait que le
nombre de plaintes déposées pour viol conjugal
est en pleine inflation. Autrement dit en
parlant des fantasmes, je montre là mon désaccord
avec Tobie Nathan car il n’avait pas imaginé
que deux insectes fassent l’amour sous le
regard d’un huissier. Et c’est ce regard que je
vous propose d’essayer, ceci afin d’être certain
du consentement écrit de votre partenaire
avant de vivre vos fantasmes.
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