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Publications | |||||
1res Assises Françaises de Sexologie | |||||
1er partie | |||||
DE LA VIOLENCE À LA PERVERSION
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EN FAIRE LA PREUVE Par Pierre FILLIARD | |||||
En
parlant de la loi, je me suis plongé dans celle-ci afin de vous
présenter l’évolution des choses, ce sera la première partie de
mon propos. Au travers de quelques études en ma possession,
j’aborderai certaines réflexions théoriques. Et enfin
j’illustrerai tous cela grâce à quelques vignettes cliniques
liées à ma pratique professionnelle.
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La Loi et l’histoire | |||||
Le
XIXe siècle montre une exigence morale attachée à un ordre
social et moral très important. En 1810 Bonaparte n’envisageait
pas les choses comme aujourd’hui, seuls, les comportements
sexuels troublant l’ordre public étaient réprimés (violences
caractérisées, violences sur des mineurs, manifestation en
public). En 1994 on commence à rapprocher les infractions aux mœurs regroupées dans une catégorie entière d’attentats aux mœurs. Ceci aura pour effet de disperser les infractions sexuelles dans le code et par voie de conséquence d’en compliquer la lecture et la compréhension. Certaines infractions se retrouvent dans une partie du code pénal qui s’appelle atteinte corporelle contre les personnes, cela peut être discutable quant on y retrouve l’exhibition et le harcèlement. En quoi cela peut-il constituer une atteinte corporelle ? D’autres sont rangées dans les atteintes à la dignité de la personne comme le proxénétisme, comme si à contrario les autres atteintes sexuelles ne constituaient pas des atteintes à la dignité de la personne. Et puis enfin, on en trouve dans les atteintes aux mineurs et à la famille, et là, on se retrouve à mon avis dans une position un peu idéologique qui sied mal à ce que devrait être la loi pénale. Dans la définition de l’agression sexuelle, on retrouve les notions de violence, de menace, de contrainte ou de surprise applicables à tous types d’actes sexuels imposés. De même pour le viol depuis la loi du 23 décembre 1980. Concernant la fellation imposée, suite aux critiques liées à la jurisprudence de la Cour de Cassation, l’idée de viol pour celui qui ne pénètre pas a rapidement été abandonnée. L’époux violent se retrouve dans des cas où il y a usage de la violence ou de la contrainte. La notion de menace ne semble pas s’exprimer dans ces situations là, quant à la notion de surprise, elle est inexistante. Bien entendu la question est d’établir l’existence de la contrainte ou de la menace dans la sphère privée.
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L’agressivité et la sexualité | |||||
Suite à quelques observations intéressantes entre la
psychanalyse et des dossiers professionnels personnels, un
recoupement s’envisage concernant l’agressivité comme composante
de la sexualité. On retrouve tout un langage chez l’homme, de la conquête à la soumission, mais encore, la sexualité comme facteur de limitation de l’agressivité. Des femmes ont témoigné de la proximité entre une violente dispute et un rapport sexuel non consenti, ceci afin de calmer le partenaire. Et enfin, l’agressivité comme substitut à la sexualité. Mais dans ce cas-là ne sommes-nous pas déjà dans une forme de pathologie ? A travers quelques cas étudiés des interrogations ont vu le jour concernant le lien entre violence et sexualité. C’est grâce à une étude Canadienne réalisée en 2000 sur des adolescents de Montréal de 12 à 17 ans entretenant, pour la plupart, une relation amoureuse qu’on peut s’apercevoir que les choses sont intimement liées au vécu. Dans les faits concernant les comportements de contrôle et de violence, moins de la moitié des jeunes les excluent de la relation amoureuse, 67 % seulement disent ne jamais en avoir subis ou que c’est rare dans leurs relations amoureuses ; dans 10 % des cas ils parlent de violence dans le couple et dans 2 % de ces jeunes couples la violence est dénoncée comme fréquente. Ils parlent aussi de manipulation et de chantage affectif (14%, essentiellement les filles), mais également de violence verbale. Au sujet des violences sexuelles : 20% d’entre eux ont trouvé acceptable d’insister beaucoup afin d’obtenir ce qu’ils souhaitent du partenaire, presque 30% trouvent qu’il est normal d’exiger une relation sexuelle après un certain temps d’une relation à deux et près de 40% n’acceptent pas que le partenaire dise oui et puis change d’avis. En tant que praticien, on sait que ce genre d’attitude est très fréquent avec des adolescents, à cet âge là, la situation n’est pas toujours très claire entre la fille et le garçon et si en plus on y ajoute de l’alcool ou bien des drogues, les situations sont parfois bien compliquées à gérer. Une autre étude liée à une association très féministe a mis en évidence des éléments qu’on trouve beaucoup dans les dossiers, à savoir une certaine soumission des jeunes femmes face à ces phénomènes. De même l’idée reprenant l’étude québécoise présentée ci-dessus, selon laquelle, il faudrait réagir dès les premières relations amoureuses tout en agissant auprès des jeunes afin d’éviter que les choses ne se figent dans la façon dont la partenaire est abordée. Par ailleurs l’étude met aussi en avant l’existence de stéréotypes comme quoi les garçons sont des prédateurs en matière sexuelle restant toujours impunis à l’inverse des filles plus soumises et jugées responsables de la situation vécue. Cela est encore le reflet des jeunes interrogés de l’étude Canadienne. L’idée que la victime porte une part de responsabilité est très fréquente et visiblement intimement liée à la personne, hormis les propos diffamatoires de tout un chacun, il semblerait que la victime elle-même s’accuse et se sente coupable. On observe fréquemment des oscillations entre la plainte et le retrait de plainte, le silence et la parole, et bien souvent les victimes vont venir à bout de cette violence grâce à leur attachement amoureux et inconditionnel. Cet état pousse à garder le silence et la situation peut ainsi durer des années. L’enquête nationale française de 2000 sur les violences conjugales de l’I.N.E.D., démontre dans sa grande ampleur l’intérêt suscité pour le sujet. En outre, elle révèle que le huit clos conjugal est un haut lieu de violence. La violence sexuelle est plus importante chez les plus jeunes et elle décroît avec l’âge, la violence physique est la plus représentée dans la tranche des moins de 25 ans. Selon la situation du couple et si la femme est séparée de son conjoint, elle révélera deux fois plus de situations violentes (situations retrouvées dans les procédures judicaires citées précédemment). Les explications peuvent être la soumission ou l’attachement, la femme ne parlera pas tant que le couple tiendra. Les deux tiers des femmes interrogées au cours de l’enquête, parlaient pour la première fois des violences conjugales subies. En ce qui concerne les chiffres, en 1998, année référente de l’enquête, 3 350 plaintes pour viol ont été recensées. C’est 0.3% de femmes majeures interrogées qui stipulent avoir subi un viol, ce qui, rapporté au pourcentage de la population totale de 1998 amènerait en réalité le chiffre à 50 000. Dans un souci de parité, il faut savoir que l’hypersexualité des femmes peut être aussi une cause de divorce pour les hommes, un cas a été révélé devant le tribunal de grande instance d’Annecy. La justice a appréhendé le phénomène de cette façon : «en effet pendant longtemps on a refusé d’incriminer le viol entre époux au nom d’une permission de la loi que les juges, d’un pouvoir un peu abusif, devaient conjuguer à l’issue du code civil qui fait du refus total de toutes relations sexuelles une cause de divorce». Toutefois cela n’était pas l’impunité la plus totale si un homme utilisait des violences avérées afin de parvenir à ses fins, il était poursuivi pour attentat à la pudeur avec violence mais jamais pour viol. Dés cette époque, à travers l’étude de la jurisprudence, on voit les cas soumis aux Tribunaux, notamment celui où la femme trouvait la fréquence des rapports insupportables mais aussi les pratiques imposées de force dont la sodomie.
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Réflexion théorique | |||||
Dans
les années 1970, des juristes vont s’interroger sur l’histoire
du consentement automatique du conjoint aux relations sexuelles.
Ces interrogations n’iront toutefois pas jusqu’à l’idée
d’engager des poursuites pour viol. En 1979 un grand professeur de droit pénal soulevait le problème du consentement présumé du conjoint à tout acte sexuel, demandant des poursuites plus faciles à l’encontre de celui-ci sans pour autant vouloir y répondre en engageant des poursuites pour viol. En 1980 la Cour de Grenoble renverra pour la première fois un conjoint en Cour d’Assise pour viol : un mari avait imposé à son épouse avec l’un de ses camarades des violences caractérisées. Ce cas n’avait pas plu au magistrat et l’arrêt de la Chambre de Grenoble a été renvoyé en Cour d’Assise. Cette affaire a été abondamment commentée à l’époque ; ainsi la jurisprudence part souvent d’un cas atypique afin d’en modifier la loi. En 1984, à nouveau un renvoi en Cour d’Assise suite à un couple en cours de procédure de divorce, les juges ont considéré que la présomption de consentement aux actes sexuels était bien distendue. En 1990 l’arrêt est le suivant : «le crime de viol n’exclut pas de ses prévisions les actes de pénétrations sexuelles entre les personnes unies par les liens du mariage, l’absence de consentement de la victime est l’élément caractéristique du crime de viol, la loi du 23 décembre 1980 ayant voulu ne considérer que la meurtrissure psychique résultant d’une atteinte à la dignité de la victime, femme mariée ou non». En 1992, une formule intéressante reprise par la Cour de Cassation : «la présomption de consentement des époux aux actes sexuels accomplis dans l’intimité de la vie conjugale ne valant que jusqu'à preuve contraire». Il est bien évident que la victime devra rapporter cette preuve contraire. Ce glissement de la loi et de la jurisprudence n’était peut-être pas une si bonne idée, ceci est peut être un peu provocateur mais auparavant si on parlait de violence, cela impliquait le non-consentement ; le critère de l’infraction était le côté véritablement imposé par la force. Ensuite la jurisprudence et la loi évoluent en se plaçant du point de vue de la victime, ce n’est plus la violence de l’auteur c’est le non-consentement de la victime. Mais finalement n’est-ce pas un cadeau empoisonné ? La victime pouvant prouver plus facilement les violences que le non-consentement. Même si cette situation est beaucoup plus satisfaisante sur le plan de la morale, elle est plus difficile à gérer pour le juriste. La loi du 4 avril 2006 consacre totalement cette jurisprudence, le législateur de 2006 reprend la formule de la Cour de Cassation sur la présomption de consentement des époux à l’acte sexuel et elle crée une circonstance aggravante dès lors que les faits sont commis par le conjoint, le concubin ou le partenaire pacsé. De ce fait les peines sont plus sévères concernant les violences de toute nature et les violences physiques sur le conjoint et l’ex-conjoint. Le problème reste entier afin que l’infraction soit constituée, outre les faits, il faut une victime non consentante et un auteur conscient de ce refus. Quand la victime ne connaît pas son agresseur la notion de consentement, dans certaine circonstance, va être difficile à prouver. Je pense notamment à des hypothèses de sortie de boîte de nuit et concernant le cas du couple, la preuve sera encore plus difficile à apporter. A défaut d’obtenir des expertises fabuleuses où une entière confiance à l’expert est possible, on peut s’appuyer sur le fait que la violence sexuelle entre conjoints s’inscrit dans une violence conjugale plus multi directionnelle : violence affective, morale et économique. Dans l’ensemble de ce contexte, le juge devra retrouver ses petits.
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Les vignettes cliniques | |||||
1 er Cas | |||||
Un
couple de 40 et 37 ans, tous deux cadres supérieurs. Dans la
procédure la femme le présente comme violent et manipulateur en
décrivant des scènes où il la traite comme un objet sexuel.
Suite à une demande de se rendre dans un club échangiste et au
vu du harcèlement intempestif de celui-ci, elle finit par
accepter. L’homme présente cela comme un souhait de son épouse
et prétend qu’elle avait des aventures. Elle parlera après la
séparation suite à des révélations d’abus sexuels faits sur sa
fille. C’est en déposant une plainte au nom de sa fille qu’elle
révèlera les abus la concernant.
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2 ème cas | |||||
Un
couple de 48 et 51 ans franco-japonais, tous deux sportifs de
haut niveau. La violence de leur séparation va conduire le juge
aux affaires familiales à ordonner une expertise psychiatrique
et ensuite une saisie du juge des enfants (ce qui m’amènera à
prendre connaissance du dossier). Là encore, la femme parle
d’une sexualité imposée, elle ne voulait pas de sexualité, la
présence proche des enfants la dérangeant. A l’inverse son mari
revendiquait une sexualité qui lui était due. Il va nier toute
difficulté dans la sexualité jusqu’au moment de la séparation. Comme on peut le constater les violences sexuelles n’ont pas été révélées à la Justice en tant que telles mais à l’occasion d’une procédure totalement différente et accessoire. La deuxième observation est la possibilité de la prise de la parole des femmes après la séparation des couples.
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3 ème cas | |||||
Un
homme séducteur dans l’âme est renvoyé en Cour d’Assise pour
viol sur deux de ses ex-compagnes et violence sur une femme et
la fille de l’une d’entre elles. La première victime va déposer
plainte après 15 mois de vie commune. Elle avait une fille d’une
précédente union. Elle décrit des violences dès le début de la
relation concernant des motifs futiles. Elle quitte plusieurs
fois le domicile mais elle revient car en pleurs il promettra de
se soigner. Le mari détient tout l’argent du ménage et le seul
téléphone portable de la famille. Alors qu’elle est enceinte de
7 mois (de lui), il refuse qu’elle se fasse suivre pour sa
grossesse. Dans les cas de crise afin de le calmer elle lui
accorde des relations sexuelles. Elle finit par voir une
assistante sociale qui la persuade de déposer plainte et la met
à l’abri. Le dernier aveu soulève le problème de la sodomie non
consentie mais aussi que le conjoint, suite aux cris trop
gênants, décide de prendre son plaisir seul. Les expertises
psychologiques de la femme sont : un stress aigu, un trouble du
sommeil et un trouble de l’alimentation, l’expert conclura qu’il
s’agit manifestement de maltraitance au long cours. Quant à l’homme, il prend la fuite en voyant arriver les gendarmes et sera retrouvé après 18 mois de cavale chez une nouvelle compagne à qui il aura promis le mariage et soutiré 18 000 euros. La deuxième victime se manifestera suite à un coup de fil de l’homme en question, celui-ci lui demandera de l’absoudre au téléphone afin de se disculper face à sa dernière compagne qui doutait de sa bonne foi. A l’inverse, le passé ressurgissant pour cette femme, elle affirme le viol et décide de déposer une plainte. Une autre compagne a décidé quant à elle d’oublier le passé et exprime sa peur de lui. L’homme nie tout et minimise les actes de sa sexualité, il pense ne pas avoir commis de viol et décrit le viol comme un acte barbare qui doit laisser des traces de point de sutures. L’expertise psychiatrique démontre une personnalité psychopathique, une inaffectivité massive et un désir permanent de manipulation. Le psychologue conclut à une personnalité paranoïaque dans sa structure et perverse dans sa dynamique, il avait déjà été condamné trois fois pour des faits de violence prenant une peine de dix ans. A l’époque, la circonstance aggravante n’existe pas et la peine maximale est rarement donnée.
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4 ème cas Autopsie d’un acquittement | |||||
Une
femme dépose plainte après deux ans de vie commune, elle est
enceinte de 5 mois et va dénoncer des violences. Elle ne parlera
qu’après avoir découvert une liaison extra conjugale
relativement poussée, son époux attendait un enfant d’une autre
femme dans une autre ville. L’épouse a été violée dans un sous-bois après avoir amené leur fille à l’hôpital. Elle a eu très peur d’être tuée face aux menaces de son mari et suite aux conflits perpétuels de leur relation. Afin de calmer la situation face à son enfant qui attendait dans la voiture et par peur d’être tuée, elle s’est laissé faire. Auparavant elle avait essayé d’engager une procédure d’annulation de leur mariage en le soupçonnant de n’avoir obtenu le mariage que pour son titre de séjour. La victime est immature, confusion transgénérationnelle, reproduction du modèle maternel (enceinte à l’adolescence, battue par son propre mari). Pendant toute la procédure elle a oscillé et entra la culpabilité d’avoir envoyé le père de ses enfants en prison et la colère contre celui-ci. Le mari prétend que si son épouse ne voulait pas faire l’amour elle aurait dû le dire tout en reconnaissant l’erreur de commettre l’acte devant les enfants. Au procès, il apparaît bien plus convaincant que sa femme et sera donc acquitté. Cependant, il est actuellement incarcéré pour motif d’escroqueries, la justice est sauve.
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Conclusion | |||||
Une
évolution des mentalités traduite par la loi. Une loi qui se
veut plus protectrice des victimes en élargissant les hypothèses
de viol, en dehors des cas de violences avérés et en atténuant
la présomption du consentement du conjoint aux actes sexuels. Il est bien évident que tout cela laisse la question entière de la preuve quand on ne parle que de contraintes. Bien souvent la victime est très fragile, elle est liée à une dépendance économique, une pression sociale et à la lourdeur de la procédure judiciaire. Quant au travail des magistrats il ne s’est pas simplifié. Se pencher dans l’intimité des couples ne va pas forcement de soi, on se doit d’être prudent face aux motivations troublantes qui peuvent présider à ce genre de révélation. En faisant un petit clin d’œil à la mythologie, rappelons que la boîte de pandore a été ouverte par une femme et la première chose à en être sortie a été la violence. Heureusement, au fond, il nous reste l’espérance. En ces temps, où le procès Fourniret montre à quel point on peut entendre des couples qui se comprennent bien dans leur sexualité, on a quand même bien besoin d’espérance. | |||||