40 ans de SFSC

 


LA SUITE…
 

Comme il a été dit par Charles Gellman et Ludwig Fineltain, la nécessité d’une passation de pouvoir était apparue à la première équipe fondatrice dès la préparation du congrès des 20 ans qui s’était tenu au Lutetia, car cette réunion préparatoire avait eu lieu au domicile de Marc Ganem , après le congrès européen de Copenhague.
En Janvier 1995 j’avais déjà représenté la SFSC pendant les réunions avec le Conseil National de l’Ordre des Médecins qui ont abouti à la reconnaissance de la Sexologie pour le monde médical et j’avais été aussi désignée membre de l’assemblée constituante de la Fédération Française de Psychothérapie. Il n’en reste pas moins que la demande officielle de Marc de l’accompagner comme secrétaire général dans le bureau de la SFSC m’a fait un sacré choc. Nous avons obtenu l’unanimité du conseil pour constituer un nouveau bureau le 20 octobre 1995, mais que les premiers mois furent difficiles !! : peu de participants au congrès annuel , des finances exangues , un fichier d’adhérents aléatoire, peu de candidats pour s’investir au conseil et une formation qui se réduisait en réalité à quelques jours par an ; heureusement une bonne fée dollar nous a permis de commencer par une splendide fête au Pré Catelan …nous y avons trouvé l’énergie nécessaire sans doute. Ce que je garde comme souvenir des premiers temps de notre gouvernance c’est le sentiment de happening permanent mais une ligne de conduite claire et simple : tout pour que la sexologie ait une vraie place en France et dans le monde, il faut se faire entendre, convaincre , être crédible et rayonner .
Première décision : création de « Sexologos » dont le nom a été choisi par Pierre Benghosi qui était vice-président ; ce fut parfois abracadabrantesque mais toujours passionnant : organe de faire savoir et faire valoir de la SFSC il a été dés le début associé au principe de santé sexuelle dans sa partie informative sur le SIDA, les discriminations ou les violences. La période faste des premiers médicaments efficaces en sexologie nous a permis de le faire vivre sans soucis, d’être lu par 5000 personnes et d’en augmenter la pagination petit à petit., grâce à la contribution de l’industrie pharmaceutique .
Deuxième décision : finir de former une dernière promotion de sexologues made SFSC, à notre goût : réflexion approfondie sur le programme, réel engagement des formateurs et gros travail sur la pratique avec des séminaires résidentiels en troisième année qui ont débouché sur la présentation d’un splendide mémoire commun : il faut dire que nous avons été aidés par une promotion engagée, intéressée et passionnante.
Troisième décision: faire à Paris le congrès mondial de la WAS en 2001 : la décision devait se prendre au congrès de Valencia en 1997 la façon magistrale dont Marc a « vendu « Paris restera ma première leçon de poker « live »
Les années de préparation de ce grand congrès ont été très chargées, l’inquiétude quotidienne, l’optimisme un peu cultivé parfois, les négociations serrées mais l’implication de nombreuses sociétés et en particulier de Jacques Buvat , alors président de l’ISSIR, nous ont donné la notoriété indispensable au succès. Et à notre grande satisfaction ce fut un vrai succès… Marc Ganem y a été nommé président de la WAS, les droits sexuels et le concept de santé sexuelle y ont été reformulés et dans les suites la rencontre entre Marc et Koffi Annan le patron de l’ONU débouchera sur l’idée et la création de la première chaire de l’UNESCO consacrée à la santé sexuelle et aux droits humains .
Quatrième décision : créer une Fédération Française de Sexologie. J’avais dés notre arrivée à la tête de la SFSC été chargée d’une mission exploratoire auprès de Mireille Bonierbale responsable de l’AIHUS. C’était prématuré.. il est vrai que la dot de la mariée n’était pas conséquente mais elle était surtout porteuse d’une tache quasi indélébile : le comportement qui semblait délictueux d’un des membres fondateurs de la SFSC avait créé la suspicion sur la Société toute entière : on lui reprochait une coupable permissivité envers ce médecin , en particulier de ne pas l’avoir radié de la liste de ses membres. Là je me dois de faire quelques précisions : les « anciens » n’en parlaient jamais en présence d’étrangers à leur groupe, ils ont très longtemps pensé que cela se règlerait : j’ai pour ma part été mise au courant par une de mes propres patientes qui s’en était plainte à moi… quand cette affaire a été évoqué en CA officiel il nous a toujours été opposé qu’elle n’était pas en justice. Le jour de la première réunion scientifique de la société organisée par notre nouveau bureau, ce confrère, interrogé déontologiquement par les deux psychiatres de ce bureau, a juré sur tout ce qu’il avait de plus cher qu’il était innocent. Comment vous dépeindre notre dilemme et notre douleur ?? vous dire aussi que j’ai demandé un rendez-vous privé à un des très proches de la première heure , que j’ai exigé d’avoir une réponse et qu’il m’a dit que ça avait été tellement douloureux pendant si longtemps de constater l’incapacité de tous à faire changer les choses qu’il n’en parlerait plus jamais.. On ne peut pas douter des sentiments complexes dans lesquels ont été plongés les membres de l’équipe dirigeante fondatrice ; de façon compréhensible avec le recul on peut admettre qu’ils aient tout fait pour protéger la SFSC.
Nous avons reçu avec Marc plusieurs personnes pendant cette affaire nous les avons soutenues et aidées en les dirigeant vers la justice et le conseil de l’ordre. Nous avons refusé à ce confrère l’accès et toute intervention au congrès mondial de 2001 ; il n’a pas eu accès au congrès, et nous avons pu ensuite très difficilement obtenir enfin sa démission, je vous dirai que Marc en a été physiquement inquiété. Mais voilà, cette affaire n’aura jamais connu la justice des hommes, du fait du décès de ce confrère.
Elle a néanmoins été difficile et a engendré beaucoup de méfiances envers nous et certaines démissions, mais elle n’a jamais été cachée, au moins au conseil quand les plus anciens l’ont quitté, car certains de nos jeunes confrères demandaient des comptes à juste titre. Je leur rends hommage car l’on sait les dégâts que font les secrets de famille.
Néanmoins l’énergie mise à monter des journées annuelles de valeur chaque année nous apportait une augmentation tangible d’adhérents et leur satisfaction à participer à nos manifestations était une vraie reconnaissance de la vitalité de la SFSC.
Enfin la décision de la Fédération a pu se faire quand Marc et le Professeur Pierre Costa ont pris en mains les destinées de la Sexologie Française : décision de fonder la Fédération, organisation d’un seul congrès de sexologie et santé sexuelle une fois par an, intitulé « les assises » et décision de se partager comme l’a dit Pierre Costa à Nantes en 2011 : la formation première à l’aihus et la formation professionnelle à la SFSC..
Cet aboutissement et la création de la chaire UNESCO ont été les dernières réalisations de Marc Ganem. J’ai vécu des années magnifiques à travailler avec lui ; Je suis rentrée à la SFSC en 1975, j’ai fait partie de la première promotion à y être formée, j’en ai été secrétaire général et vice-présidente, j’y ai vécu des moments extraordinairement exaltants et j’y ai côtoyé des gens qui sont mes amis. Que la sexologie vive dans ses aspects humanistes et éthiquement responsables ……….
 
Nicole Arnaud-Beauchamps
 
 

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