Débat de fond
sur le web
AUTOUR D’UN DéCRET | | | |
La parution au
Journal Officiel
le
22 Mai 2010 du
décret précisant
les
formations
universitaires
indispensables
pour pouvoir se
prévaloir du
titre de
psychothérapeute a
été l’occasion
d’une discussion
spontanée entre
certains d’entre
nous sur la
relation entre
psychothérapie et sexologie. |
Le
texte du
décret étant trop
long pour être
publié
dans son intégrité
dans Sexologos
voici
pour celles et
ceux qui ne le
connaissent
pas encore le lien
permettant de s’y
référer
:
http://www.journal-officiel.gouv.fr/frameset.html
( en date du 22/05/10, voir le chapitre 24)
Gilles Formet a
été le premier à
nous alerter
:
«Si pour les
psychiatres cela
ne pose pas
de problèmes cela
est bien différent
pour
les autres
puisqu’il va leur
falloir suivre des
formations et des
stages. Cependant
il y a
la clause du
grand-père, mais
est-ce que
le fait d’avoir
exercé la
sexologie depuis
plus de 5 ans sera
reconnu comme
pratique
psychothérapeutique et si cela
l’est,
restent ceux qui
professent depuis
moins
de cinq ans. Cette
dérogation est
accordée
par le préfet
après avis d’une
commission
régionale
d’inscription
composée de six
personnalités
nommées par le
directeur
de l’ARS qui
préside cette
commission ;
donc qui sera dans
cette commission ?
Comment pourrons
nous être entendus
?
(représentés il ne
faut pas trop y
compter)
On peut aussi se
poser la question
est-ce
que les médecins
sexologues veulent
faire
reconnaître leur
compétence en
psychothérapie
ou veulent-ils
être des
praticiens
en Santé Sexuelle
et non plus des
sexologues
? En effet avec
l’arrivée des
IPDE5 des
médecins
organicistes se
sont intéressés
plus
particulièrement
aux troubles
sexuels.
Cela a fait
avancer nos
connaissances.
Certains sont
restés dans une
médecine d’organe
et maintenant on
parle de Médecine
Sexuelle, d’autres
se sont dirigés
vers la
Sexologie.
Pour ma part il me
semble important
de
faire reconnaître
cette compétence
psychothérapique
si nous voulons
par la suite
des honoraires
autres qu’un C à
22 ou
23 Euro ? En effet
lorsque j’étais
consultant
auprès de la CNAM
pour la CCAM
clinique,
j’avais pu faire
reconnaître que la
psychothérapie
était une
composante
intrinsèque
de la consultation
de sexologie (ceci
étant
ensuite suivi par
les experts pour
la sexologie
que nous avions
proposés) et c’est
ce qui avait
permis (avec la
durée de l’acte)
que les sexologues
puissent avoir un
acte codifié à la
hauteur des
psychiatres et
que nous avions
des réunions
communes
psychiatres-sexologues ».
En réponse, André
Corman exprime
parfaitement,
me semble t’il,
l’opinion de ceux
d’entre nous qui
s’orientent vers
la position
de praticiens en
Santé Sexuelle
quand,
tout en faisant la
part du facteur
psychologique
dans les
pathologies
sexuelles, il
insiste sur les
difficultés et la
complexité
de leur prise en
charge médicale
dans le
cadre d’une
médecine d’organe,
à l’égal
d’autres
spécialités :
|
« Je voudrais recentrer le débat
déclenché par le décret réglementant l’exercice de la
psychothérapie. Que les pathologies sexuelles mettent en jeu des
problématiques psychiques et ne soit parfois que cela n’est contesté
par personne. Je rappelle du reste que les dysfonctions sexuelles
figurent dans la classification des maladies psychiatriques. Du
reste à mes yeux une médecine moderne ne devrait plus tronçonner à
ce point corps et esprit et la prise en charge d’un diabète comme
les suites d’un infarctus dépendent largement du psychisme.
L’éducation thérapeutique montre que le traitement de la résistance
du passage à l’insuline est une psychothérapie.
Ce dont il est question à mes yeux est de savoir ce qui fonde une
expertise dans la prise en charge clinique d’une dysfonction
sexuelle ? Je voudrais ici rappeler que les récentes découvertes
physiopathologiques et thérapeutiques aboutissant au bouleversement
de la prise en charge de l’impuissance ne doivent rien ès qualité
aux spécialistes du psychisme. Faire un diagnostic de DE complexe,
équilibrer un traitement et mettre en évidence les résistances
psychiques et relationnelles dont dépendent l’observance et le
pronostic n’est pas à mes yeux moins fondateur d’expertise que
d’équilibrer un diabète… Dans cette reconnaissance d’expertise et la
formation qui en découle, l’acquisition d’un savoir médical de haut
niveau dans le domaine me paraît aussi très important.
Voilà pourquoi je pense que le DIU ne doit pas devenir un
enseignement de psychothérapie et pourquoi ce décret nous concerne
comme de nombreuses autres disciplines médicales en ce sens qu’elle
pose le problème de la place de l’outil psychothérapique en
médecine… La sexologie appartient plus au domaine de la psychologie
médicale qu’au domaine spécifique de la psychiatrie. Ce décret pose
ainsi de manière décisive la place de la psychothérapie dans
l’exercice de la médecine ».
Laurent Carlotti prend ainsi ses
distances par rapport à la réaction d’André Corman : «Dans mon
acception, le champ de la médecine sexologique s’adresse à la
fonction sexuelle dans sa globalité où intervient une logique
d’organe ET des éléments de la fonction psychique. Il me semble par
là même que j’exerce pour partie dans chacun de mes actes une
fonction psychothérapique quand bien même mon acte ne saurait être
réduit à cette fonction.
Revendiquer de fait cette association de psychothérapie à mes
fonctions me semble légitime : on peut imaginer certains vaginismes
comme des «agoraphobies» à formulation singulière et certaines
masturbations compulsives comme des TOCs.
Je serais assez partisan d’une «revendication» catégorielle d’une
qualification de psychothérapeute car celle-ci, qu’elle soit
comportementale, psychanalytique, intégrative,… ou simplement
sur le mode du counselling me semble être partie de nos actes».
A mon sens, la sexologie ne peut revendiquer un statut de spécialité
que grâce à sa composante psychothérapique, en dehors d’elle je
pense, contre l’avis d’André Corman, qu’elle ne présente aucune
complexité véritable ni au niveau diagnostic, ni au niveau
thérapeutique et que tout généraliste averti est capable de
pratiquer une bonne médecine sexuelle, sans parler des urologues et
des gynécologues. En sexologie il est impossible de ne pas tenir
compte de la structure obsessionnelle d’un anajéculateur ou de la
structure hystérique de certaines anorgastiques. Une masturbation
compulsive peut être, comme le fait remarquer Laurent Carlotti
assimilée à un TOC (parfois associé à d’autres) et le vaginisme à
une phobie comme le souligne également
Catherine Solano. Pour répondre à André Corman il existe,
me semble t’il, une différence essentielle entre le rapport
psyché-soma dans d’autres spécialités d’organe et la place de la
psyché en sexologie. La sexualité, ainsi que Freud l’a le premier
révélé, est partie constitutive, ontologique du psychisme et dans
cette orthodoxie la médecine sexuelle s’adresse à la «génitalité» et
non à la «sexualité».
Je rejoins encore Catherine Solano quand elle a écrit qu’en traitant
des patients qui avaient des difficultés sexuelles, elle a pu guérir
des phobies de l’avion, de l’eau, de l’ascenseur, une addiction au
jeu (loto…), des dépressions.
Si la sexologie s’apparente aux sciences humaines en général autant
qu’à la seule médecine c’est qu’elle se situe au point de rencontre
de la médecine, de la psychologie, de la philosophie, de la
sociologie.
Là seulement réside la complexité de notre travail et c’est aussi ce
qui le rend passionnant. Winnicott, et bien d’autres, ont dit que
c’est en écoutant nos patients que nous apprenons notre métier : je
ne sais pas si c’est très conforme au fameux décret…
En tout cas le débat reste ouvert…
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Dr Claude ESTURGIE
Président de l’Académie des Sciences Sexologiques | | |
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