Parmi les nouveaux cas de sida, les immigrés sont désormais les plus nombreux. Les enquêtes montrent
qu’ils sont aussi les plus tardivement reconnus et les moins activement traités. Dans ce contexte,
il apparaît urgent de « mettre en œuvre des outils pour penser et pour agir » et notamment « penser
autrement la relation entre immigration et sida ».
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C’est un plaidoyer que s’est livré Didier Fassin à l’occasion de la 9e Journée annuelle
GlaxoSmithKline - Avancées VIH, sur le thème «Migrants et VIH». Invité à intervenir sur le sujet des politiques de migration en France,
l’anthropologue, sociologue et médecin a dénoncé «deux décennies de silence et d’inaction» avant
de plaider pour des politiques enfin construites «à partir d’une connaissance des réalités plutôt
que sur des présupposés et parfois des préjugés».
Ainsi, aux États-Unis, on a stigmatisé les Haïtiens ; en Russie, des Africains malades du sida ont
été expulsés ; en Europe, certains pays ont sélectionné les étudiants étrangers en fonction de leur
statut sérologique …
A la différence des homosexuels et des hémophiles, qui ont pu défendre dans l’espace public leurs
droits et leurs attentes, les immigrés ne se sentaient pas en position de faire valoir les leurs et
se sont peu mobilisés sur une question qui les renvoyait «à leur dangerosité et à leur
indésirabilité».
Depuis quelques années cependant, la situation a évolué : alors que, parmi les nouveaux cas de sida,
les immigrés sont devenus les plus nombreux, le ministère de la Santé, tout comme les associations,
commencent à en tenir compte, et l’Agence nationale de recherche sur le sida en a fait l’une de ses
priorités scientifiques.
Pour conclure, Didier Fassin a évoqué Paul Ricoeur, qui vient de mourir
«Penser soi-même comme un
autre, écrivait-il. A l’inverse, il faudrait penser l’autre comme un
soi-même».
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