La
lettre
du Secrétaire Général
Réponse |
Un lecteur nous écrit pour exprimer son mécontentement à voir
figurer le livre «Manuel de Guerilla à l’usage des femmes» de Mme
Sylvie Brunel (ex Besson) dans la rubrique livres du Sexologos n°35,
ouvrage qui ne serait que celui d’une vengeance de «femme blessée
dans son orgueil». Le courrier est pour ce lecteur l’occasion de
régler ses comptes avec la gent féminine dans une société «dominée
par le féminisme», puis de se plaindre de l’action des «féministes
bien placées dans les sociétés ou Congrès de sexologie et même
jusque dans la faculté de médecine». Dieu, comme il y va fort !
N’ayant pas moi-même choisi de faire figurer le livre en question
(que je n’ai pas lu mais à présent cela me tente…) et n’exerçant pas
de censure sur le choix des livres proposés, j’aurais pu me
contenter de ne pas répondre. Mais la dernière phrase m’interpelle
(au sens littéral) : «… je ne doute pas que M. Sevène ne se fasse un
plaisir de répondre par ses propos féministes habituels» (sic !).
Effectivement j’y prends un certain plaisir (à répondre) comme
d’ailleurs à chaque lettre du secrétaire général où j’expose un
point de vue. Mais dans un premier temps, j’ai surtout été étonné de
cette interpellation et j’ai recherché sur quoi reposait cette
affirmation : la pêche fut maigre mais je me rappelai la lettre du
même Sexologos où je prenais d’une certaine manière ou d’une manière
certaine le parti des femmes. Au-delà de ce cas, probablement ce
lecteur assidu des congrès de sexologie et des bancs de médecine
aura noté des (mes ?) propos prenant le parti des femmes.
Quelle que soit l’analyse faite du livre en question, il ne me
semble pas hors de portée des lecteurs éventuels de se fonder leur
propre opinion, voire d’adopter un point de vue identique à ce
lecteur sur les raisons ayant conduit Madame ex-Besson à écrire ce
livre. Quand bien même s’agirait-il d’une vengeance, sa lecture me
semble avoir alors, pour nous sexologues, un intérêt clinique
évident.
Néanmoins il me semble que ce lecteur a pour intention de dénoncer
l’emprise des femmes sur la société, l’assujettissement des hommes
et une intelligentsia active «bien placés dans les médias» dans une
société «devenant unisexe». Mais l’impression majeure qui a subsisté
à la lecture de ce courrier est celui d’une rancœur.
Au-delà de l’intérêt (ou non) de ce livre, toute personne mérite
d’être défendue, non par principe, mais à l’échelle de ce qu’elle
subit. Il ne s’agit pas de défendre une femme parce qu’elle est
femme, un noir parce qu’il est noir, un immigré parce qu’il est
immigré, etc., mais bien de dénoncer une oppression. Or, jusqu’à
preuve du contraire, les chiffres sont éloquents : les femmes et les
enfants endurent plus de violences et de discriminations de la part
des hommes que l’inverse ! À cet égard, je n’ai nul regret de
prendre la défense des femmes et être traité de «féministe» est un
honneur. Je revendique le parti d’être contre la violence faite aux
faibles, non celui de défendre la féminité contre la masculinité. Et
je défens l’abolition de l’esclavage, pas celle des sexes !
Néanmoins nous repérons aussi les souffrances des hommes à qui les
femmes font violences. Ces souffrances sont difficilement
exprimables, repérables, voire secrètes. Il n’est pas inexact de
dire que certaines violences féminines restent taboues (pédophilie…)
ou que notre société fait preuve d’une forme de tolérance à l’égard
des femmes (dans les affaires judiciaires l’homme est souvent
condamné plus lourdement que sa complice).
Finalement c’est seulement ainsi que je comprends ce courrier :
celui d’un homme blessé… par une femme.
Mais s’oppose t-on à l’évolution ?
Il est illusoire d’espérer s’opposer à l’évolution des mœurs comme
il est illusoire d’espérer une pensée unique. Et comme le suggérait
Laurent Carlotti dans la lettre du précédent Sexologos, est-ce
vraiment enviable ? Ce même Sexologos vous annonçait la création de
la Fédération de Sexologie : c’est chose faite! Et compte-tenu de
l’évolution démographique des femmes en médecine, elles seront
nombreuses à y participer. Il faudra bien s’y faire !
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Dr Arnaud SEVENE
Secrétaire Général de la Société Française de Sexologie Clinique
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