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Publications | |||||
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«Je m’étais délibérément retiré de la sarabande
du sexe, et cela, non pas parce que
mes pulsions, ni même mes érections
auraient faibli de manière significative
mais parce que je n’arrivais plus à faire
face aux exigences du sexe, à trouver l’esprit,
la force, la patience, l’illusion, l’ironie,
l’ardeur,l’égoisme, la résistance… ou
bien le professionnalisme érotique nécessaires
pour vivre avec ses implications
déroutantes et contradictoires»
Nathan Zuckerman, personnage ayant
subi une prostatectomie radicale dans
le roman de Philip Roth, la tache (6).
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A) Préambule. | |||||
Nous, sexologues, nous sommes habitués
à évoquer des complexités liées au psychologique,
à l’érotique et au relationnel. En abordant la prise en charge des complexités de la prescription liées aux comorbidités, «je me situe dans un registre médical. Autrement dit, pour paraphraser Conrad (1), il s’agit de «définir un problème en termes médicaux, d'utiliser un langage médical pour le décrire, d'adopter un cadre de pensée médical pour le comprendre et d'utiliser des formes d'intervention médicales pour le "traiter"». Je m’efforcerai d’être clair et accessible car je voudrai que les sexologues qui ne sont pas médecins puissent suivre l’élaboration de cette démarche clinique car, vous le verrez, ils y ont toute leur place.
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Comorbidité et tableau clinique. | |||||
Aborder la notion de comorbidité, c’est
s’intéresser à l’interdépendance entre
diverses maladies. Cette interdépendance
est une réflexion très importante
en médecine. Elle peut être étudiée
dans une population comme le montre
Mirko Grmek, avec le concept de
«Pathocénose(2)» : il existe un état d'équilibre
des maladies à un moment donné
de l'histoire et dans une société donnée. Ainsi la présence et l'importance d'une maladie dépendent de celles des autres maladies. Par exemple, concernant les maladies infectieuses, la vaccination et l’antibiothérapie vont entraîner une diminution des maladies bactériennes au profit de l’émergence de maladies virales comme le SIDA par exemple. La comorbidité s’intéresse à cette interdépendance chez le même individu. Elle signifie que les difficultés et les symptômes vécus par une même personne représentent des manifestations de deux ou plusieurs maladies. Comprenons : si morbidité signifie en médecine un trouble ou une maladie affectant un domaine de la santé, comorbidité va désigner un autre trouble ou maladie associé qui peut retentir sur son évolution et sa prise en charge. Le praticien enregistre ainsi plusieurs diagnostics qui vont constituer le tableau clinique. Ainsi, à côté de la maladie motif de soin qu’on appellera «maladie primaire», vont exister chez le patient différents autres troubles, constituant des facteurs pronostics indépendants dans la prise en charge de cette maladie primaire mais influençant le choix et les modalités thérapeutiques.
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Comorbidité et dysfontion sexuelle. | |||||
L’évolution du savoir médical en santé
sexuelle a permis de mettre en évidence
l’importance de comorbidités dans l’ensemble
des prises en charge des pathologies
sexuelles (3). Par exemple, s’agissant d’une dysfonction érectile accompagnée de comorbidités et caractérisée problématique complexe(4) selon les recommandations de l’AIHUS, le choix et les modalités de la prescription sont souvent difficiles.
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De quelques notions sur la démarche clinique et la prescription en
résence de comorbidités. | |||||
J’illustrerai mon propos par un cas clinique
qui me permettra de dégager quelques
notions essentielles concernant la
démarche clinique. JL. E m’est adressé par
une diabétologue pour une DE sévère évoluant
depuis 7 ans. Par ailleurs, un diabète
a été découvert il y a 7 ans, il a un surpoids,
une hypertension artérielle sévère
et difficile à équilibrer, une hypercholestérolémie
et un syndrome dépressif traité
par paroxétine 20 suite à un alcoolisme
sevré il y a 5 ans. Au total, on peut ainsi
qualifier le tableau clinique : il s’agit d’une
DE avec diabète, syndrome métabolique,
HTA avec traitement lourd, séquelles d’un
alcoolisme avéré, dépression et son traitement.
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Première notion dégagée: | |||||
Le praticien référent | |||||
C’est l’identité du praticien consulté qui
oriente la démarche clinique. Quand JLE consulte son diabétologue, le diabète est pour lui la «maladie primaire» et la DE est traitée comme une comorbidité. A contrario, la DE est pour moi la «maladie primaire» et le diabète une comorbidité. La comorbidité « DE » sera abordée par le diabétologue à travers son expertise (Fig. 1).
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Deuxième notion dégagée: | |||||
Quand l’organicité fait écran | |||||
On note ici l’importance des comorbidités
«organiques» susceptibles de favoriser
une DE. Quant à l’anamnèse sexologique
du couple, elle se résume à cette réponse
du patient : «Tout allait bien avant mon
diabète et tout s’est bloqué depuis». Le diabétologue décide de traiter la «comorbidité» DE.Voici ses propositions thérapeutiques (Fig. 2). | |||||
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En raison de ces échecs, le diabétologue adresse ce patient au sexologue. Le patient arrive seul à cette consultation. Il transporte un très gros dossier médical sur lequel il est totalement concentré et il ne parle que de ça. Après avoir consulté son dossier avec lui, je lui dis que nous allons parler de sa sexualité et de son couple. Cela va être très difficile. Voici un extrait de ce dialogue : Comment ça va votre sexualité? «Avant le diabète, tout allait bien mais depuis, tout est fini». «J’ai envie mais je n’y arrive pas et nous n’essayons même plus». Et votre couple, comment ça va? «Bien, sauf que je ne peux plus satisfaire ma femme». A l’issu de cette première consultation, une réaction traumatique à l’annonce du diabète me semble assez déterminante. Le mécanisme psychopathologique peut se résumer ainsi. Le patient fait une évaluation cognitive de l'impact actuel ou futur de la maladie : «Je ne peux plus entreprendre, Je suis diminué par ma maladie, Je ne vaux plus rien. Je ne suis plus intéressant pour personne» qui atteint les 2 besoins psychiques fondamentaux de l’humain : le besoin «praxique» et le besoin «phillique». La DE confirme et renforce ce phénomène : «Je n’ose plus, Je ne suis plus un homme, Qui voudrait de moi ?». Dès lors, il est facile d’imaginer l’importance de l’anxiété d’échec, l’évitement et le blocage des scripts sexuels rendant très problématique toute efficacité des traitements. Ce n’est donc pas forcément l’importance des comorbidités organiques qui explique les différents échecs thérapeutiques.
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Troisième notion dégagée : | |||||
Les comorbidités ne sont pas qu’organiques | |||||
Lors de la deuxième consultation, il est
possible parler d’autre chose que de son
dossier et le dialogue s’enrichit. Pourquoi votre partenaire n’est pas venue avec vous ? « Elle est «démobilisée» et ne veux pas que je prenne des traitements pour «ça» Qu’avez-vous dans la tête quand vous êtes en situation sexuelle ? «Le fait que je n’y arrive pas». Y a t-il des «câlins» entre vous ? «Ma femme ne me fait plus rien» Vous arrive-t-il d’avoir des orgasmes ? «Non, même pas tout seul» Nous faisons ici le diagnostic de deux comorbidités supplémentaires : - la partenaire est non demandeuse de relations sexuelles, non participante à la prise en charge et hostile à la démarche thérapeutique ; - anorgasmie favorisée par la prise de «Paroxétine© ». Le tableau clinique s’enrichit : il s’agit d’une DE avec diabète, syndrome métabolique, HTA avec traitement lourd séquelles d’un alcoolisme avéré, dépression et son traitement, mésentente sexuelle et relationnelle dans le couple, anorgasmie iatrogène.
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Quatrième notion dégagée : | |||||
La nécessité d’un praticien formé au travail de couple | |||||
La première proposition thérapeutique est
de voir la partenaire. L’échec des différents traitements facilitateurs prescrits précédemment ne peut être reconnu tant que les conditions d’une excitation n’ont pas été rétablies. Quant aux auto IIC, le patient ne les a en fait jamais réalisé. La place du thérapeute formé au travail avec le couple (qu’il soit médecin ou non) est ici indispensable pour prendre en charge la comorbidité « sexologique ».
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Cinquième notion dégagée : | |||||
La durée de la prescription liée aux comorbidités organiques | |||||
La présence d’un Diabète, d’un Syndrome
métabolique et d’une Hypertension artérielle
va justifier la prescription d’une aide
pharmacologique à l’érection d’autant que
le bilan doppler confirme une atteinte
endothéliale. Le sens du traitement est ici
la fragilisation de la fonction érectile. La
durée du traitement doit être explicitée
au patient. Sous réserve d’une modification
du tableau clinique, le traitement va s’imposer
ici sur le long terme.
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Sixième notion dégagée : | |||||
La notion de traitement correctif | |||||
L’intrication entre prise de médicaments
et co-morbidités rend difficile l’interprétation
de la iatrogénie (Franzen et al. 2001),
c'est-à-dire l’effet délétère des médicaments. Dans l’HTA, les traitements sont souvent incriminés par les patients dans la genèse ou l’entretien de la DE. Même si l’étude TOMHS (Grimm et al. 1997), concluait à la faible incidence des traitements antihypertenseurs sur la DE, il peut être logique de proposer la prise d’un IPDE5 en traitement correctif plutôt que de déséquilibrer le traitement antihypertenseur ou de casser l’observance. La dépression et son traitement retentissent aussi sur la sexualité du patient. Dans le traitement de la dépression, les IRS sont incriminés dans la DE et pour leurs effets sur la libido et l’orgasme (5). Dans ce cas précis, Il y a nécessité selon le psychiatre à poursuivre le traitement anti-dépresseur et, compte tenu de l’absence d’hypoandrogénie et de la présence d’une Hypertrophie Bénigne de la Prostate peu symptomatique, l’hypothèse d’un effet secondaire iatrogène du traitement antidépresseur peut être retenu s’agissant de l’anorgasmie. L’IPDE5 peut ici aussi être utilisé comme « correctif » du traitement anti dépresseur si ce dernier peut être incriminé dans la DE. Pour l’effet sur l’orgasme, pas de traitement correctif, mais une éventuelle substitution par Stablon© ou Norcet©.
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Conclusion Une richesse / Une démarche clinique systématique | |||||
La mise en évidence des comorbidités dans
la prise en charge des pathologies sexuelles
est une richesse permettant d’architecturer
le tableau clinique, de légitimer un travail
en réseau afin de dégager la stratégie
thérapeutique la mieux adaptée. La démarche clinique, aussi complexifiée soit-elle par la gestion des comorbidités, doit intégrer l’ensemble des dimensions de la sexualité du patient, de la partenaire et du couple – c'est-à-dire être systématique. Mais, le risque est de voir cet écran « comorbide » opacifier la démarche clinique, la rendre aveugle à la demande initiale du patient et lui faire perdre de vue son objectif : permettre une vie sexuelle satisfaisante.
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Références | |||||
1 - Conrad, P. (1992). Medicalization and social control. Annual Review
of Sociology,18, 209-232.. | |||||
2 - Mirko Grmek Histoire de la pensée médicale en Occident (Le Seuil,
1995-1999).. | |||||
3 -Franzen, D., A. Metha, N. Seifert, M. Braun and H. W. Hopp (2001). "Effects
of betablockers on sexual performance in men with coronary heart disease.
A prospective, randomized and double blinded study."Int J Impot Res
13(6): 348-51.. | |||||
4 - Grimm, R. H., Jr., G. A. Grandits, R. J. Prineas, R. H. McDonald, C.
E. Lewis, J. M. Flack, et al. (1997). "Long-term effects on sexual
function of five antihypertensive drugs and nutritional hygienic
treatment in hypertensive men and women. Treatment of Mild Hypertension
Study (TOMHS)." Hypertension 29(1 Pt 1): 8-14.. | |||||
5 - Montejo, A. L., G. Llorca, J. A. Izquierdo and F. Rico-Villademoros
(2001). "Incidence of sexual dysfunction associated with antidepressant
agents: a prospective multicenter study of 1022 outpatients. Spanish
Working Group for the Study of Psychotropic-Related Sexual Dysfunction."
J Clin Psychiatry 62 Suppl 3: 10-21.. | |||||
6 -Philip Roth, La Tache 2002 eds Gallimard. | |||||
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Mots clés : | |||||
comorbidités, tableau clinique, traitement correctif, demande du patient, satisfaction sexuelle. | |||||
Juin 2010, Dr André Corman | |||||