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Assises Françaises 
de Sexologie
et de Santé Sexuelle
Lille 2009 

Le couple face à la maladie :
savoir dépister, faire dire et traiter

Quand la maladie fait irruption
dans le couple

 
Introduction
 
L'annonce d'une maladie grave ou d'un accident représente pour chaque individu une effraction violente au sein de l'équilibre physique et psychique dont il a toujours plus ou moins feint d'en oublier la précarité par instinct de survie à l'épreuve du temps.
Si l'individu vit en couple, ce sera également à une entité bien spécifique, à laquelle va devoir, de fait, s'adresser le porteur de la «mauvaise nouvelle».
La «mauvaise nouvelle» ce serait le fait d’annoncer ce que l’on n’ose pas dire à quelqu’un qui ne veut pas l’entendre.
Comment alors les protagonistes – le médecin, le patient, le conjoint et le couple vont-ils devoir, savoir et pouvoir vivre cette révélation douloureuse ?
 
L'annonce de la maladie faite au couple
 
L'information est une nécessité légale technique et éthique qui fait partie du soin.
Ce droit de la personne et ce devoir de professionnel est régi par le Code de la Santé Publique qui en dicte le cadre.
Sur le plan légal, la relation médecin-malade concernant cette annonce doit tenir compte de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, notamment son article L.1111-2, dont l'esprit et la portée font encore débat autour de l’interprétation d’une information délivrée à un «consommateur» de soins…
Aujourd'hui, la question n'est donc plus de savoir s'il faut ou non dire la vérité au patient, mais de savoir comment la lui dire.
Comment appréhender à travers des critères juridiques, médico-psychologiques, sociologiques, et philosophiques, la réalité de cette épreuve à haute charge émotionnelle ?
L'annonce d'une maladie grave aiguë ou chronique, quelles qu'en soient les modalités d'évolution prévisibles reste un acte médical difficile.
La formation spécifique réelle des soignants sur la COMMUNICATION du diagnostic et du pronostic d'une maladie plus particulièrement vis-à-vis du conjoint doit s’appuyer sur des notions qui méritent d’être soulignées.
 
La qualité d'une véritable communication orientée vers le couple dépendra
 
1 - du soignant (personnalité et la formation)
2 - de la maladie ou des séquelles de l'accident
3 - du patient / du conjoint (typologie et vécu)
4 - des liens constituant le couple.
 
1 - Le soignant : éviter l'improvisation
 
Avant d’être la communication d’un diagnostic ou d’un pronostic, l’information au malade est d’abord un travail de mise en forme tenant compte de l'espace mental et affectif du patient.
Le défi restera d'infléchir la communication du savoir médical (informative) par l’expérience humaine (émotionnelle) dans la prise en compte du partenaire.
«La vérité a une mesure : la mesure de ce que je peux supporter» D.Folscheid 2002
«Informer est un acte actif de construction, non pas un lâcher brutal de données scientifiques susceptibles de blesser le psychisme»

Isabelle Moley-Massol Psychothérapeute 2005.
 
2 - Maladie : par ses caractéristiques

Ainsi qu’il s’agisse de la maladie neuropsychiatrique: marquée par des moments de solitude quand l’autre est perçu comme «étranger» à l’espace mental et affectif du partenaire ou la maladie cutanée grave : de la souffrance diffuse de l’image de soi à l’ambivalence du toucher ou du handicap moteur et le poids d’un le corps «encombrant» ou encore cancer : qui «ronge».
Toutes ces atteintes vont irrémédiablement instaurer de nouveaux codes relationnels au sein du couple.
 

3 - le patient/le conjoint :
 
La typologie de chacun des partenaires
- âge
- sexe
- état de santé antérieur
- personnalité
- vécu socio-professionnel
- vécu intime
- culture
- croyances.
 
4 - Les liens possibles du couple :
 
Social, affectif, charnel, religieux, moral sont autant de paramètres dont les combinaisons et prédominances conditionneront la congruence de la communication avec le soignant.
 
Le couple face à l'annonce
 
Si le médecin est désormais libéré de la «conspiration du silence», c'est au couple d'emblée confronté au partage de la souffrance et du désir, d'espérer être compris dans ses attentes.
 
Le vécu de l'épreuve sera différent pour chacun des partenaires selon le carré sémiotique :
- Résignation(ne pas vivre sans)
- Refus ou rejet (vivre sans)
- Acceptation (vivre avec)
- Déni (ne pas vivre avec).
L’irruption de la maladie signifie certes une intrusion médicale dans l'intimité mais aussi l’irruption des sentiments d'humiliation, de mutilation, d’abandon avec pour corollaire la rupture de l’homéostasie du
couple.
L’annonce du diagnostic et du pronostic va introduire une nouvelle clause dans le contrat à durée aléatoire du couple «le statut de malade».
LE COUPLE – SYSTEME va devoir intégrer l'omniprésence de la maladie au niveau de chacune de ses sphères structurantes sociale, familiale, intime, sensuelle, sexuelle, inconsciente.
Il va falloir prendre acte des restrictions des «possibles» qui alimentent l’évolution du couple. La manière dont sera évoquée la dépendance social, le «fardeau» familial, l’intimité «maternante», érotisme délité, les
anxiétés de compétences, les freins et obstacles à une sexualité accomplie.
Ainsi de la souffrance criante au sacrifice silencieux, c'est le deuil de la relation antérieure qui va s'accomplir.
Les stratégies de «coping» conscientes ou inconscientes guideront le couple d’une
DISSOLUTION acceptée du passé vers une SOLUTION acceptable pour l’avenir.
 
En conclusion
 
Il importe pour les thérapeutes en charge d'assurer l'accompagnement et d'évaluer d'emblée le potentiel de nouvelles «alliances» au delà des tabous mais dans le respect des pudeurs. « …nous percevons la différence essentielle entre un savoir professionnel et le savoir vécu de celui qui traverse l’expérience dans sa profondeur et son intimité.».
Dr P. Vinant, Département de recherche en éthique, université Paris-Sud 11, Réseau de recherche en éthique médical, INSERM.

 

Et pour les partenaires de temps de réaliser que «Le verbe aimer est difficile à conjuguer : son passé n'est pas simple, son présent n'est qu'indicatif, et son futur est toujours conditionnel»
(Jean Cocteau)

 

Références


L. Chastaing, L. Misery. Information du patient et annonce du diagnostic de maladie grave » , Revue de médecine interne 2005;26-960-65.
ANAES. Information des patients – Recommandations destinées aux médecins. Mars 2000
Pierre Le Coz. Code de déontologie médicale, article 35 « Qu’est-ce qu’informer ? » Conférence, 21-02-2002.
Ph. FRAISSE. Annonce d’un diagnostic grave : un acte thérapeutique, Département de pneumologie (Pr E. Quoix). Hôpital de Hautepierre, Strasbourg.
Dr J-M Gomas. Le dispositif d’annonce Plan cancer 2003-2007 Effets pervers et effets positifs de la loi du 04 mars 2002 : SFAP Montpellier Juin 2006
Pr P. Jego. Apprentissage de l’exercice médical Fac Méd Rennes «La Relation Médecin-Malade»
Ch Delaporte «Dire la vérité au malade» Odile Jacob 2001
M.Rusniewski « Face à la maladie grave : patients, familles, soignants » Préface de Robert Zittoun, Paris, Dunod, 1995, Pratiques médicales
E.Lévinas «Le Temps et l’autre» (1946-47), Paris, Presses universitaires de France, 1996
I. Moley-Massol. L'annonce de la maladie DaTeBe 2004 Ph. Bataille «Un Cancer et la Vie ; les malades face à la maladie» Balland 2004
A. Adriansen «L incidence de l'annonce d'un diagnostic grave» Mémoire de Psycho 2002
D. Le Breton « Du silence », Paris, Métailié, 1997, 282 p., «Traversées»
V. Satir « Thérapie du couple et de la famille » EPI 1971
Mony Elkaïm «Si tu m'aimes, ne m'aimes pas» Seuil 1989
R. Pelletier Montréal «Définition-synthèse du couple et de la thérapie conjugale» 1978
M. Erickson «L'hypnose thérapeutique»
I. Joly « La thérapie du couple dans une perspective systémique »Montréal 1986

 
 

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