Les personnes qui viennent consulter un thérapeute
de couple, soulèvent un problème de
difficulté de couple. La difficulté peut être
d’ordre sexuel mais elle est liée au contexte
relationnel. En se plaignant de dysfonction
cela s’inscrit dans ce contexte.
Au fil des années de travail avec les couples, la
conviction m’apparaît que le couple est une
organisation complexe. Celle-ci se met en
place dès que les deux partenaires se pensent
couple, la difficulté n’est pas la difficulté de
l’un ou de l’autre c’est quelque chose qui se
met en place entre eux et leur sert dans leur
organisation de couple. Cette réflexion afin de
vous démontrer que l’écoute s’est faite sur
l’entre deux, le lien. En somme, c’est ce qui se
passe entre eux plutôt que ce qui se passe
entre chaque conjoint.
Et quand le thème de la sexualité sera abordé
ce n’est pas les dysfonctions sexuelles qui
seront mises en avant mais la fantasmatique
du désir et comment il s’organise chez les
deux partenaires. Afin de vous parler du
couple, on va aborder : de la rencontre à l’engagement
amoureux, de l’engagement à la
crise et la sexualité face à ces situations.
De la rencontre à l’engagement amoureux
Un couple signifie la transformation amoureuse
en engagement, toute rencontre amoureuse
ne se transforme pas en couple et afin de se
transformer en couple certains critères sont
nécessaires.
Il faut que les deux partenaires se pensent
couple et s’inscrivent ainsi dans une certaine
durée avec un certain projet, voir de multiples
projets. En se pensant couple ils se font reconnaître
couple par leur entourage. Finalement
un couple donne la naissance à deux personnes
s’inscrivant dans une institution appelée
le couple. La relation a donc ses dimensions
affectives et sexuelles et va ainsi constituer
un dedans et un dehors. Il y a l’existence
à l’intérieur du couple et le monde extérieur,
les conflits peuvent se trouver à l’intérieur de
la relation ou entre le couple et l’entourage.
La façon dont le couple s’est construit peut
être trop rigide, reflétant l’absence d’échange
entre l’intérieur et l’extérieur, c’est le couple
métro, boulot, dodo. Ce modèle de couple
peut engendrer de la violence.
On peut voir aussi des couples qui ne
construisent pas leur enveloppe et dans
lequel le monde extérieur fait intrusion. Ce
modèle est fréquent chez les jeunes, où au
sein du couple tout est permis, il n’y a plus
d’intimité et d’échange. Le couple doit allier le
plaisir, la sexualité mais aussi la sécurité. Il doit
donner des satisfactions à la sexualité qu’il
organise dans une temporalité et doit renforcer
la sécurité en participant à l’élaboration
défensive des fonctions de chacun des
conjoints.
Ces deux fonctions peuvent être antagonistes
si bien que l’inscription d’une relation amoureuse
dans la durée peut faire baisser le désir.
Mais en devenant une relation de couple la
relation amoureuse se structure et devient le
lieu de dépôt des parties les plus archaïques
de la personnalité de chacun. Comme tout
groupement, en s’associant, on dépose au
lieu de l’association des choses que l’on ne
veut plus savoir, afin de constituer ensemble
quelque chose de dynamique. Mais ce qui est
déposé resurgit à un certain moment et de ce
fait les associations rencontrent des difficultés
relationnelles.
La relation de couple organise les parties
inconscientes à l’origine du choix amoureux
puisque souvent ce qui a fait attrait par delà
du plaisir sexuel c’est une problématique
archaïque commune. Un point de fixation
infantile dont les mécanismes sont souvent
complémentaires. Deux partenaires se retrouvent
sur une problématique d’avidité affective
pour l’un, sexuelle pour l’autre, ou s’en
défendent. Le lien en construction a une fonction
organisatrice et défensive. J’ai souvent
dit que le couple était un comité de défense
et de soutien. Il est à noter que chacun arrive
dans le couple avec d’autres histoires de
couple et chacun a donc des représentations
différentes du couple. On a la première relation,
la relation duelle, la relation à la mère ou
à celle qui en a fait fonction afin d’assurer nos
besoins et notre survie. Il y a encore la position
de tiers exclu de la position des parents,
mais encore nos modèles sociaux. Construire
un couple consiste à mettre en commun ces
représentations et à les transformer afin de
construire une représentation commune du
couple. Beaucoup de personnes y échouent.
De l’engagement à la crise
La première organisation va se complexifier
au fil du temps. Cette complexité liée aux événements
de la vie (les événements intérieurs à
chacun des conjoints et les événements extérieurs)
va mettre à l’épreuve ce premier équilibre
de couple. Le couple va passer de fragile
équilibre, en déséquilibre et nouvel équilibrage.
J’appelle cela le travail psychique du couple,
on prend conscience que le couple est un
organisme vivant qui aide au fil du temps à la
maturation de chacun des conjoints. Les événements
obligent à repenser notre position
au sein du couple comme après le début de la
vie commune ou d’une naissance.
Les crises reflètent un moment critique de
réorganisation et, au fil du temps, le couple va
vivre des crises à l’articulation d’un événement.
Les personnes qui consultent nous
amènent un événement et celui-ci va révéler
la structure de couple ; ce à quoi ce couple a
servi à chacun des conjoints. Et dans la crise
on va reprocher à l’autre ce qui nous a amené
à le choisir. La crise fait apparaître les composantes
du choix amoureux, dans ces composantes
on retrouve le côté narcissique et notre
identité mais aussi le côté objectal qui nous
fait sortir de nous-mêmes et déclenche la rencontre
amoureuse, le plaisir amoureux avec
l’autre.
A l’aide d’un exemple, on va se pencher sur
une crise et sur les composantes du désir
amoureux. Maurice et Brune consultent après
20 ans de vie commune en prétendant que
cela roule et que cela a roulé, puis depuis
quelque temps cela va très mal car la femme a
engagé une relation homosexuelle. On pourrait
croire que la relation homosexuelle en est
l’enjeu mais en fait il n’en est rien. On retrouve
là, toute la fantasmatique du couple.
En voici la trame : leur relation s’est construite
lorsque la femme sortait d’une relation homosexuelle,
relation liée à une femme supérieure
hiérarchiquement (importance de sa mère),
Maurice le conjoint la choisit à ce moment là.
Il a pu dire qu’au fil de la vie de couple, son
désir amoureux avait été mobilisé par l’idée
de faire l’amour avec deux femmes. Outre le
fait qu’il communiquait ces fantasmes à sa
conjointe, le moment où il venait me voir
c’était le moment où la réalité et le fantasme
pouvaient se rencontrer. En général, il était
pris d’un désir compulsif quand une amie de
sa femme venait à la maison, il voulait avoir
une relation avec elles deux, mais il sentait
qu’ils étaient en danger.
On peut affirmer que l’hétérosexualité de leur
couple était une défense contre l’homosexualité.
L’homme a pu dire aussi qu’avant de rencontrer
sa femme il avait eu des relations
homosexuelles avec des hommes, l’homosexualité
était donc partie prenante de leurs
deux problématiques. Ils s’étaient trouvés afin
d’organiser leur homosexualité dans leur
hétérosexualité. A un moment de crise générée,
existentielle, dans le travail mais aussi
dans les systèmes de valeur, il n’était plus cet
homme fort qui pouvait protéger sa femme
des femmes. Si bien que le désir pour les
femmes de sa conjointe avait resurgi à ce
moment précis où son mari était en défaut. Le fait que sa femme lui en parle, l’a mis d’avantage
en difficulté A l’inverse de là protéger il
n’a rien fait et tout c’est délité. Parallèlement à
cela les relations sexuelles restaient excellentes
entre eux.
Au niveau du plaisir ils en avaient tous les
deux mais au niveau de l’homme, les relations
sexuelles étaient devenues répétitives.
Se trouvant face à un trouble identitaire :
«était-il désiré en tant qu’homme ou en tant
que femme ?», il demandait des relations
sexuelles répétitives non pas pour le plaisir
mais pour rassurer son identité d’homme.
Derrière cela, ils avaient chacun une relation
à leur mère très compliquée. La femme parle
d’osmose avec sa mère et confie qu’elle avait
pris un conjoint afin de la protéger de sa
mère. On retrouve ici tout le fonctionnement
des couples, le couple par son érotisation permet
le détachement des parents de l’enfance
et continue cette séparation qui n’est jamais
terminée. On sait bien comment dans les
couples, les fantasmes de mères intrusifs sont
présents.
Un autre exemple met en scène une femme
qui faisait attendre son conjoint, la plainte
était du conjoint : «elle ne veut pas, elle refuse»,
jusqu’au jour où la femme a pu dire que le
moment insupportable, c’était le moment
après la relation où le désir était absent. A ce
moment précis, elle avait l’impression de ne
plus exister si bien que le refus permettait de
maintenir l’attention le plus longtemps possible.
Conclusion
Le désir est porté par toute une organisation
fantasmatique et la relation sexuelle peut
avoir un tout autre sens que la recherche de plaisir.
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