Il est important de distinguer deux situations
cliniques différentes concernant la durabilité
dans un couple.
Le jeune couple et la sexualité
De jeunes couples, se sentant menacés de ne
pas bien utiliser leur sexualité, viennent à
consulter. La démarche n’est jamais directement
et exclusivement liée à des raisons
sexuelles. Souvent ils commencent à se disputer
même si au début de la relation ils s’aimaient
beaucoup et étaient peu confrontés à
de réels problèmes d’entente.
La situation les inquiète, ils craignent pour la
durabilité de leur sexualité ou ils espèrent,
misant beaucoup sur la sexualité, qu’elle
garde une certaine vitalité afin de résoudre,
éventuellement, un retentissement dans les
disputes exprimées en dehors de celle-ci.
A ce moment là, le sexologue les prenant en
charge, doit se vouer plutôt à une sorte de
prévention de la non durabilité.
Voici quelques conseils émanant de ma pratique
: il faut que le couple commence à se
parler, pas de la sexualité en tant qu’acte
sexuel mais de la conception que chacun a de
la sexualité. Le couple doit s’interroger sur la
conception de la sexualité et pas seulement
celle qui a trait à la sexualité reproductive et
érotique mais aussi sur la fréquence des rapports
sexuels et sur le rythme. Ceci en pensant
à l’avenir et pas seulement à l’immédiat. Le
mâle n’a pas un rythme biologique imposé
comme celui de la femme et il a tendance à se
constituer un rythme de fréquence sexuel
auquel il est très attaché, même si celui-ci
devient monotone et extrêmement répétitif.
A l’inverse le rythme biologique féminin
imposé par la nature pousse la femme, afin de
s’en libérer, vers une sexualité surprenante,
espiègle et irrégulière. Ceci est un motif de
conflit à éclaircir. En outre, il faut penser dès
que possible à exorciser le couple idéal.
Le couple idéal et les émotions
Ce couple relie toujours les émotions et les
sentiments à l’impulsion sexuelle, on doit les
informer de l’existence d’oscillations au
niveau du rythme impliquant que par
moment l’acte sexuel est favorisé par la mise
en demeure des émotions et qu’au contraire
parfois il y est renforcé. On doit donc accepter
cette réalité. Il est intéressant de noter que
toutes les émotions considérées comme
négatives sont d’emblée estimées en tant que
telles et ayant une influence néfaste sur la
sexualité. Mais ceci n’est pas toujours le cas et
cela est loin d’être toujours le cas. A titre de
représentations :
• On peut faire allusion à l’agressivité. Souvent, un couple qui se dispute et s’agresse
verbalement pense que cela va nuire à sa
sexualité. Ce n’est pas le cas, dans l’agressivité
les émotions ont une certaine vie autonome
et l’agressivité peut être commutée en propulsion
érotique. Des couples le font spontanément,
après une dispute ils se réconcilient
dans un rapport sexuel, même si cette situation
n’est pas toujours recommandable, il faut
en tenir compte.
• On peut trouver aussi de l’anxiété, l’anxiété
de performance. Il faut savoir que l’anxiété
n’est pas forcément à éliminer, elle est un
fort stimulant érotique en soi. Mais on doit
essayer de la commuter en quelque chose de
favorable, un vent en poupe plutôt qu’un vent
contraire.
• La culpabilité est un état émotionnel
extrêmement stimulant. De nos jours les
personnes ne savent plus quoi transgresser
afin d’alimenter la culpabilité. La culpabilité a
deux visages, elle peut être inhibitrice mais
aussi très stimulante.
• Afin de finir dans l’exorcisation du couple
idéal, on observe que le désir et l’orgasme
vont toujours ensembles. En conséquence si
on a le désir on a droit à un bon orgasme, en
l’absence de désir, l’orgasme est menacé.
Mes pensées vont vers le Kama Sutra qui
entretenait une «suma théologica» de l’art
sexuel. Il prêche la dissociation du désir et de
l’orgasme. Toute l’activité sexuelle que le
Kama Sutra prêche et il n’est pas le seul traité
oriental à prêcher cet état, c’est de viser un
acte sexuel long dans sa durée en essayant
soigneusement d’éviter l’orgasme. L’orgasme
étant considéré comme un piège, une destruction
du désir, plutôt qu’une alimentation
du désir.
D’un autre côté, on peut voir la perspective
plus connue, des couples qui consultent parce
que leur sexualité ne marche plus. Ce sont les
cas de couples observés le plus souvent. Que
faut-il faire ?
Des suggestions ont été proposées tout au
long de ce congrès et même déjà les années
précédentes, on est aux assises du couple et
on devrait assister à des conclusions plus pertinentes
et plus percutantes l’année prochaine
à Lille.
L’attention doit être requise me semble t-il,
face au couple où la sexualité n’est plus une
menace indirecte comme dans le premier
type de couple étudié, mais une menace
directe. Dans ce cas là, les dialogues conflictuels
sont à l’intérieur de l’individu. En sachant
que chaque homme possède une partie féminine
et chaque femme une partie masculine,
le conflit entre les deux partenaires est intériorisé.
Ceci pas seulement dans les choses
abstraites et psychologiques mais aussi d’un
point de vue hormonale. On sait que la
femme produit moins de testostérone et
pourtant on dirait qu’elle sait mieux l’utiliser.
On ne connaît pas énormément de chose sur
la fonction sexuelle des œstrogènes chez
l’homme, mais on sait grâce à l’expérimentation
médicale que les reins sont stimulés par
les injections d’œstrogènes plutôt que par les
androgènes. Cela agit à tous les niveaux sensitifs,
et donc aussi avec l’administration médicamenteuse.
Le VIAGRA et ses cousins ont une efficacité
indiscutable chez l’homme, contrairement à
la femme, où le viagra a été un échec cuisant.
C’est grâce à des années d’activité professionnelle
dispensées à l’université de Turin que j’ai
pu suivre les recherches de Pfizer concernant
l’utilisation du VIAGRA d’un point de vue
gynécologique.
On peut affirmer de façon élémentaire qu’il
existe bien une partie féminine chez tout
homme et une partie masculine chez toute
femme et suite à cela, les conflits doivent être
pris en charge de l’intérieur et pas seulement
de l’extérieur.
Une deuxième chose qui est paradoxale, étant
un psychanalyste, le terme de refoulement a
été introduit indiscutablement par Freud, mais
c’est à travers la sexologie que j’ai constaté
avec une grande surprise, que le refoulement
n’était pas exclusivement lié à des événements
non désirés et à des souvenirs désagréables.
Tout paradoxal qu’il soit, il peut exister un
refoulement du plaisir et un refoulement au
niveau de la mémoire corporel de quelque
chose d’agréable. On se souvient d’avantage
d’une certaine agressivité et des mauvaises
qualités de son partenaire. Cet état peut être
lié à l’insuffisance de stimulations mais aussi
au souvenir de quelque chose de désagréable
dans les rapports de couple et engendrer face
à cela le refoulement de l’aspect agréable
qu’on ne veut plus voir.
Le plaisir est très fugitif comme l’orgasme il est
le prototype de quelque chose d’extrêmement
fugitif. Quand le plaisir est attrapé on est
jamais sûr de pouvoir le garder, on se met
donc plus volontiers en état d’attente de plaisir
en se disant : «oui j’ai droit à du plaisir, je l’aurai» plutôt que :
«Madame, Monsieur, vous
l’avez tout de suite à vous de jouer».
Afin de finir, il est bon de s’interroger, en ce qui
concerne la dialectique entre conscient et
inconscient mais pas un inconscient de type
Freudien conflictuel et un peu abstrait. A ce
sujet, influencé par Schopenhauer, Freud ne
nous a pas laissé en héritage quelque chose de
positif, il pensait à la force inconsciente qui lui
semblait beaucoup plus forte que le conscient.
Il fallait donc conscientiser l’inconscient afin de
mieux le contrôler puisque fondamentalement
c’était un inconscient ennemi. Mais on
doit penser à un inconscient ami et cela ne
peut être que le sommeil. Ce soir quand on
s’endormira après quelques organisations
mentales concernant la journée du lendemain
on s’interrogera concernant l’utilité du sommeil.
Mais en réalité ces interrogations doivent
se renverser et nous donner à penser : «qu’est ce
que le sommeil fera de nous ?». L’impression
que les choses vécues dans la journée vont
influencer le sommeil est erronée. A l’heure
actuelle ne sommes-nous pas encore sous l’influence
de la nuit précédente ? Et les neurones
du sommeil ont peut-être une influence directe
sur la vie sexuelle. Dans le sommeil, l’existence
des rêves fait partie du monde imaginaire,
d’ailleurs quand on rêvasse le jour, on est
peu obnubilé contrairement à la nuit où on
rêve davantage. Il peut-être intéressant de se
raconter tous les matins le rêve fait la veille et
je terminerai par un proverbe oriental : «ce
n’est pas parce qu’on dort dans le même lit qu’on
est sûr de faire le même rêve.».
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