Pouvoir Vivre sa sexualité au quotidien est le résultat d’une évolution considérable de ces dernières décennies ; après l’époque « peace and love » des années 70 où la libération sexuelle battait son plein de vieilles inhibitions et de concept erronés de la sexualité faisant le beau temps de la naissance de la pratique sexologique. L’apparition de l’époque Sida a donné un coup de frein considérable à l’idée que la liberté sexuelle était la voie royale ; il fallait mesurer les conséquences en terme de « punition de l’espèce » à trop avoir voulu détacher le plaisir de la reproduction ... Cette époque a vu se perdre beaucoup de ce qui venait de s’acquérir, et cela a correspondu avec la fin de la bataille de la redéfinition des perversions sexuelles ; l’homosexualité venait de sortir du champs des perversions et du DSM III et se voyait ainsi remise au ban de comportement coupable, la génération montante se voyait elle, coiffée de préservatifs passés au rang de modernité des premiers rapports alors que la descendante n’arrivait pas à assumer ces coiffes et ce changement et redoublait de difficulté érectiles à s’adapter préférant la sagesse de la relation unique à la multiplicité des relations.
La découverte qu’une substance injectée dans les corps caverneux pouvait déclencher une érection tira la sexualité de l’œil bienveillant de Freud et des sexologues Mastériens pour la jeter dans les bras sinon les mains des urologues. Beaucoup d’hommes désespérés par les effets de l’âge, du diabète ou des atteintes neurologiques ou vasculaire sur leur comportement érectile devinrent des stakhanovistes de l’auto injection, les autres, qui n’étaient plus écoutés dans le champs de leur désir, peurs, et difficultés relationnelles, après un essai de sexualité mécaniste abandonnèrent ce procédé.
Puis vint l’ère Viagra®, un médicament pouvait restaurer un comportement sexuel déficient ; la sexualité entrait complètement dans le champ médical, les médecins généralistes se retrouvaient prescripteurs de comprimés dont ils ne savaient pas toujours à quelle question leur prescription répondait. Des siècles d’ignorance universitaire sur la sexualité ne pouvant se combler en si peu de temps ce fut l’industrie pharmaceutique qui s’appuyant sur l’expérience des plus anciens lança des cycles de formation médicale. Le Diplôme Inter Universitaire de Sexologie devint une formation dont les médecins purent faire état.
La sexualité se parla alors au quotidien dans les médias avec une surenchère d’information poussant à des performances dont les arcanes de la relation était du domaine du non à dire.
La sexualité au quotidien de nos jours se mesure, se compare, se produit dans des interviews fait l’objet d’émission radio pour les jeunes et les moins jeunes, mais il ne s’agit plus de sexualité, seulement de comportement sexuels.
La misère des relations affectives et d’épanouissement personnel reste toujours présente et beaucoup essaient de la combler par une fuite dans le comportement pour combler leur vide, et du coté médical le vide du sens attaché au sexuel reste encore grand, ce qui ne peut que cantonner les patients en difficultés dans leur mal être.
Pourtant l’ère Viagra® a inauguré un grand moment de la thérapie des difficultés sexuelles, elle permet de ne pas mettre toute l’énergie du patient et du thérapeute dans la restauration d’un comportement, ce à quoi se sont employés toute une génération de sexologues, et ainsi de pouvoir aller aux questions essentielles de ce qui a amené la défaillance ; la guérison véritable est à ce prix pour ne pas rester dépendant d’un médicament qui deviendrait fétiche pour exorciser des peurs non élucidées.
Alors la sexualité au quotidien ? C’est celle qui a le sens de la vie de chacun, il va falloir l’entendre.
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CV
Mireille Bonierbale est psychiatre, praticien Hospitalier au CHU de Marseille dans le service du Pr C Lancon , rédacteur en Chef de la revue Européenne de Sexologie ; Sexologies qu'elle a créé en 1992, membre fondateur de l'Association Inter Hospitalo Universitaire de Sexologie (AIHUS) dont elle est Vice Présidente, Directeur d'enseignement dans le Diplôme Inter Universitaire de Sexologie.
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