Sexologos  n° 23

Novembre   2005 

David ALIMI

Publications

 

NEUROPHYSIOLOGIE 
DU DÉSIR
FÉMININ 

 

 

Manger, boire et s’accoupler sont les 3 comportements innés de l’homme. 
Les pilotes génétiques de ces 3 sauvegardes ne sont qu’une composante du désir féminin. Les circuits cérébraux corticaux et sous corticaux et leurs cortèges de neuromédiateurs en font partie intégrante.
Une relation sexuelle réussie est la résultante de l’assouvissement d’un désir bien exploité. 
Cette exploitation est sous la dépendance de facteurs volontaires conscients et automatiques inconscients.

Très tôt dans l’embryogénèse, les facteurs génétiques et les facteurs hormonaux sexuels exercent des rôles déterminants: 
pour les gonades (facteur SRY qui produit le TDF qui induit le développement des testicules), 
pour la densité dendritique hippocampique, favorablement influencée par les estrogènes
pour la différenciation anatomo-fonctionnelle des cerveaux masculin et féminin (hypothalamus, corps calleux, commissure blanche antérieure, lame médullo-thalamique, index neurofonctionnels des lobes frontaux et temporaux)
et donc, en fait, pour tous les facteurs déterminants la sexualité :
désir 
plaisir-récompense
soulagement.
Les travaux modernes d’IRM fonctionnelle (J. Tiihonen et al., 1994 ; H.S. Kaplan., 1995 ; Susan Greenfield (ed)., 1996; FR. Farnham., 1997 ; S. Stoléru et al., 2003 ; J.C Yang., 2005) nous ont permis de comprendre que c’est toute une cascade de mécanismes neurophysiologiques qui déclenche le désir sexuel:
Activation des aires antérieures des lobes temporaux (qui augmentent l’efficience de la catégorisation) et des amygdales (qui lèvent l’inhibition de certains neurones du noyau ventro-médian hypothalamique (qui lui-même gère le comportement sexuel féminin, le désir d’engouffrement dans la bouche et la sensation de faim))

C’est alors dans le noyau ventro-médian de l’hypothalamus que prennent naissance les activités électriques responsables des comportements sexuels spécifiquement féminins
 

 S’allume alors une longue boucle neurobiologique qui va orchestrer le désir féminin :

Les élans de lascivité partent de ce noyau ventro-médian, qui devient hypersensible aux oestrogènes (le désir sexuel est plus fort pendant la phase de montée pré ovulatoire de LH, avec plus de fantaisies sexuelles) et submergent le cerveau conscient, qui recueille, analyse et transmet les informations sexuellement pertinentes présentes dans l’environnement

Suit alors un embrasement de la plupart des régions corticales, dans l’ordre :
Inhibition du lobe frontal gauche, à la face inférieure du cortex orbito-frontal, au niveau du gyrus rectus. Ce dernier inhibe de façon tonique d’autres aires, essentielles dans l’apparition du désir sexuel : l’inhibition de l’inhibition donne une activation

Cette levée d’inhibition permet l’activation d’aires spécifiques qui libèrent le désir :
- 3 permettent d’anticiper tous les patterns moteurs du désir
- L’aire motrice supplémentaire, bilatéralement
- L’aire prémotrice ventrale gauche
- Le gyrus cingulaire gauche
- La 4ème, le lobule pariétal inférieur gauche, responsable de l’imagerie fantasmatique, permet la représentation imaginaire du désir

Puis s’effectue une mise en éveil du lobe frontal droit, afin de préparer le ressenti de l’orgasme
Ces excitations commencent par accentuer la lordose, en vue d’exhiber les organes génitaux. Ce comportement, du moins sa modulation, reste constamment sous le contrôle du conscient

Les sécrétions d’adrénaline et de testostérone s’ajustent pour régler au mieux l’intensité du désir

L’aire cérébrale représentative des organes génitaux (cette aire sensori-motrice est plus vaste que celles du torse, de l’abdomen et du dos réunies) augmente ses potentiels d’activation. Cette aire, à l’acmé de l’orgasme émet des tracés électrophysiologiques proches de ceux des crises d’épilepsie

Si le désir devient ardent, 2 autres molécules interviennent: dopamine et phényléthylamine : elles activent les connections menant du système limbique au cortex cérébral, pour renforcer et maintenir en boucle l’allumage des circuits 
En vue de consolider les liens sexuels amoureux, l’hypothalamus augmente sa sécrétion d’ocytocine. Cette dernière, proche chimiquement des opioïdes, possède une action mnémogène de fixation et intervient pour favoriser « les coups de foudre » et leur corollaire : la dépendance en cas d’orage hormonal.

 

Ainsi le désir amoureux modifie biologiquement nos organismes : production de substances euphorisantes, activation du circuit naturel du plaisir, désir de nouveau désir pour nouveau plaisir ; d’où danger de dépendance : le désir devient passion qui devient pulsion qui peut devenir addiction.

Montaigne écrivait : « on aime un corps sans âme ou sans sentiment quant on aime un corps sans son consentement et sans son désir »
Pour Spinoza, le désir est puissance : « puissance de jouir et jouissance en puissance » et il ajoutait : « ce n’est pas parce qu’une chose est bonne que nous la désirons, c’est inversement parce que nous la désirons que nous la jugeons bonne»
Freud assimilait le désir à une pulsion de vie …ou de mort.

Le dictionnaire définit le désir comme : « une tendance particulière à vouloir obtenir quelque chose pour satisfaire un besoin, une envie ; et comme l’attirance sexuelle qui fait « brûler » de désir »
La sexualité devient ainsi une occurrence du désir grâce à cette formidable machinerie neurohormonale qu’est notre cerveau.

 

Le circuit du plaisir.

 

Aire motrice
supplémentaire

Lobule pariétal
inférieur
 
Images d’ IRM fonctionnelle obtenues dans l’exploration du désir sexuel dans les études récentes menées par les chercheurs précités, notamment S. Stoléru et al.

Aire prémotrice
ventrale

 



Dr David ALIMI 
Neurophysiologiste – Paris.

 

XXXIe Congrès de la Société Française de Sexologie Clinique. UIC, PARIS.
Vendredi 21 et samedi 22 octobre 2005. 
Symposium III «PFIZER» «Les saisons du désir féminin»
 

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