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ÉTHIQUE
ET SEXUALITÉ
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Éthique
et déontologie, sexualité et sexologie.
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Parler d’éthique et de sexualité impose une analyse beau-coup
plus large que de parler de déontologie et de sexologie. Les récents évènements fort médiatisés concernant les
pratiques professionnelles peu déontologiques de certains sexologues
ne font qu’aborder le problème sous un angle moral et réglementaire. L’approche éthique de la sexualité mérite
mieux que cela.
L’éthique est une notion beaucoup plus ouverte que la déontologie.
C’est une bonne chose qu’elle ait fait l’objet il y a presque vingt ans de la mise en place d’un comité national
comprenant en plus de médecins des sociologues, des philosophes,
des théologiens etc…
Limiter l’éthique aux seules bonnes pratiques professionnelles
c’est l’enfermer dans un cadre étroit réservé aux soignants.
Or la notion même d’éthique est universelle, et dépasse de loin les bonnes pratiques.
La sexualité est elle aussi une notion beaucoup plus large que la sexologie, qui reste l’étude généralement clinique et
psychologique des dysfonctionnements sexuels et le moyens à mettre en oeuvre pour y remédier.
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Éthique
et sexualité : dimension culturelle et sociologique : le devoir d’apprentissage et de connaissance
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La rencontre de l’éthique et de la sexualité dans le contexte
sociologique et culturel de nos pays occidentaux s’est effectuée
de manière assez chaotique en cette fin de XXe et début
de XXIe siècle. Les mœurs se sont libérées, mais avec elles
certaines pratiques sexuelles dont on a de la peine à
formaliser les limites de ce qui est éthiquement normal.
(homo-sexualité, échangisme, sadomasochisme, etc…).
L’accomplissement d’une sexualité épanouie fait partie intégrante
de ce que l’on appelle la bonne santé, et comme pour la pratique du sport ou l’amélioration de l’image corporelle,
l’exigence des patients – consommateurs est sans limite, phagocytant comme pour les autres domaines de la santé la
sexualité au sein d’un mécanisme consumériste difficilement
contrôlable. Si l’on en appelle de plus en plus à la
responsabilisation du patient, cela reste un vœu pieu, et certaines
disciplines médicales comme la sexologie, considérée comme non vitale, subissent la pression d’un marché qui tend à la
confier à des non médecins…Ce qui n’est pas une façon de l’aborder avec la plus grande sécurité sur le plan éthique !
Les médecins appréhendent- ils eux même la sexualité dans une démarche éthique ?
Nos maîtres nous ont appris le médecine en nous tenant habilement à l’écart des problèmes de sexualité. Nous avions
l’impression que nos futurs patients étaient des sommes d’organes ou de systèmes asexués, les organes génitaux
n’étant qu’un système parmi les autres. Les problèmes sexuels n’ étaient abordés que par l’étude de ces systèmes,
dans le cadre de la reproduction, ou d’une fonction régionalement
apparentée (gynécologie, urologie, endocrinologie). La psychiatrie semblait aborder la sexualité en son entier
psychologique, mais sous un angle très freudien qui depuis longtemps semblait tenir de la para médecine…
Seule notre pratique médicale de tous les jours nous faisait découvrir, au
contact de problèmes dont il osait parler de plus en plus, que le patient était sexué, et que sa sexualité, ses pratiques
sexuelles, sa situation sexuelle au sein de sa famille, de son groupe social, pouvaient avoir une influence sur son état de
santé physique ou mental, et réciproquement. L’épidémie de
SIDA et ses implications éthiques a servi de révélateur à beaucoup de problèmes sexuels dont l’abord
sociologique et culturel a été changé radicalement.
Dans un cabinet médical de médecine générale, c’est plus par le mental, le psychologique, que l’on aborde les
problèmes sexuels. Toutefois, il est paradoxalement plus facile
de palper des organes génitaux, parce que le geste est codifié
sur le plan des pratiques, que de parler d’une impuissance, d’une anorgasmie ou d’une éjaculation précoce. A
une question de mal être souvent psychologique, la réponse était malheureusement stéréotypée dans l’examen d’un
organe. Et cet espace de non droit scientifique laissait libre cours à tous les abus.
Ainsi le premier devoir éthique que devraient s’imposer nos confrères après des années d’absence de prise en compte des
problèmes sexuels dans leur globalité, c’est apprendre la sexologie sans à priori, comme ils ont appris à se former en
pneumologie, en cardiologie, en dermatologie, et en laissant de côté leurs pesanteurs culturelles et sociologiques. On ne
peut pas répondre valablement à une attente concernant la sexualité si l’on a pas fait l’effort d’être capable de le faire,
c’est à dire étudié de manière scientifique les mécanismes
psychologiques et organiques des désordres sexuels. Certains psychanalystes iront même jusqu’à dire qu’il faudrait que
chaque médecin ait analysé ses propres problèmes sexuels !!!
…Dans cette démarche maïeutique se profile peut être un peu d’abus pour le médecin moyen, mais une certaine
rigueur dans l’apprentissage généralisé de la sexualité et de
ses problèmes ne serait pas de trop. Cet apprentissage est à l’heure actuelle laissé au libre arbitre de l’intérêt intellectuel
ou personnel du praticien, selon des modalités complémentaires
aux études dites officielles, et cela est bien dommage.
Car la sexualité est dans son accomplissement un des piliers incontournables de la bonne santé, et ne doit pas être laissée
de côté dans une zone de non droit scientifique. Comme pour d’autres disciplines, elle doit être une et entière et faire
l’objet d’enseignement dès le cursus de base de tout futur médecin. L’application de cette rigueur scientifique lui
donnera ses lettres de noblesse et corrigera des années de relégation
en une zone réservée à une médecine dite de confort.
Ce but global, social, et universitaire est éminemment éthique et doit réconcilier la sexualité avec l’homme et la
société du XXIe siècle.
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Éthique
et sexualité : le devoir de qualité et de compétence
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Toutes les branches de l’exercice médicale doivent satisfaire
à une démarche qualité, c’est un devoir éthique d’être
compétent et d’assurer le contrôle de cette compétence.
L’étude de la sexualité et la pratique de la sexologie ne
doivent pas échapper à cette démarche, et même s’y soumettre
à fortiori pour deux raisons.
La première est qu’elles font partie de domaines comme on l’a vu précédemment peu officialisés ou académiques du
cursus médical. C’est une raison supplémentaire pour y
cultiver la qualité et la compétence des médecins qui l’exercent
et ainsi clarifier les positions des praticiens de tout bord désirant
l’exercer. Plus une démarche de recherche de qualité officielle sera effectuée pour la sexualité et la sexologie et
plus leur notoriété s’en trouvera renforcée.
La deuxième raison tient à la nature même d’une discipline
où le subjectif, le psychologique, l’intime tiennent une place
importante et rendent donc les démarches d’évaluation, de référentiels, très délicates.
Un qualiticien professionnel avec lequel nous avons travaillé
au Conseil de l’Ordre sur le sujet de la recherche de qualité
en médecine, nous avait fort justement indiqué que moins une discipline médicale était
scientifique, (dans le sens expérimental et science fondamentale), comportant une grande
partie difficilement quantifiable selon des critères suffisamment
stricts, plus la démarche de qualité devait s’appuyer sur des principes éthiques et déontologiques , en particulier
ceux de la relation très particulière qui s’établit dans le
colloque singulier. La sexualité et la sexologie comportent cette
partie très peu quantifiable, et la démarche qualité qui doit
s’y appliquer passe par le respect d’une éthique et déontologie
rigoureuses. L’éthique devient donc pour la sexualité un des meilleurs barèmes de la qualité, en plus bien sûr de
toutes les études scientifiques fort sérieuses sur lesquelles
vous vous appuyez. Quelque part un sexologue, un médecin s’occupant de sexualité doit faire encore plus référence à ces
règles éthiques et déontologiques qu’un gastro-entérologue
ou un cardiologue, disciplines où des démarches codifiées très scientifiques servent de guide à l’attitude du praticien.
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Éthique et sexualité : le devoir de bonne
communication
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On peut affirmer que la sexualité en médecine et la pratique
de la sexologie doivent sur un plan éthique privilégier plus
que dans d’autres disciplines la qualité de la communication
qui s’établit entre médecin et patient. Notre formation a conduit nombre de médecins à devenir
"détecteurs de diagnostics", mais ne nous a pas appris à communiquer de manière satisfaisante avec le patient, alors
que cette communication constitue au moins la moitié de notre efficacité professionnelle. La récente importance prise
par la sexualité aux yeux des patients, conjuguée à une extension de leur responsabilité dans la décision médicale
(accès direct au dossier, judiciarisation des fautes médicales)
doit conduire dans une discipline très sensible, à valoriser la
communication au cours du colloque singulier. Secret médical,
consentement éclairé, information compréhensible et pédagogique trouvent ici toute leur valeur éthique et
déontologique ; plus encore que lors d’un acte médical ou chirurgical
technique pur.
La qualité de cette communication est partie intrinsèque de la qualité citée plus haut, et la compétence d’un sexologue se
mesure peut être plus à sa capacité à communiquer qu’à celle
d’user de techniques nouvelles.
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Conclusion
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Éthique et sexualité peuvent se conjuguer sur trois axes forts
du devoir éthique de nos confrères : le devoir d’apprentissage
correct, celui de qualité et de compétence, celui d’une bonne communication.
Plus encore dans cette discipline que dans d’autres disciplines
médicales, ces devoirs s’imposent pour préserver l’image de médecins dont je suis sûr qu’ils sont à 99% des
professionnels sérieux et responsables.
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CHASSORT André
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Ancien secrétaire général
adjoint de l'Ordre des médecins
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