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L’homme en 2002 a-t-il
toujours une sexualité ?
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Où en est la sexualité de l’homme ? Aujourd’hui, on connaît presque tout des enzymes et des neurotransmetteurs entrant en jeu dans les mécanismes érectiles. On peut les manipuler et les faire agir. On sait comment fonctionnent une érection et une éjaculation. Et grâce aux techniques modernes d’imagerie fonctionnelle cérébrale, on sait que les lieux anatomiques du désir peuvent se localiser dans les régions cérébrales du claustrum gauche, des régions paralimbiques (cortex orbitofrontal droit, cortex cingulaire antérieur gauche) et certains noyaux gris centraux (putamens, tête du noyau caudé droit)1.
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Mais que sait-on du désir de l’homme et de ses peurs ?
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Ne les a-t-on pas réduits à leur plus élémentaire expression : le désir de l’érection et la peur de ne pas y arriver. La sexualité de l’homme a été étudiée chez les rats ou les primates. Plus personne ne s’y intéresse autrement que pour répondre à des questionnaires « scientifiques » : A-t-il retrouvé une érection suffisamment ferme pour pénétrer un vagin (et non une femme) ? A-t-il une érection d’une durée suffisante ? Mais à qui profite ce discours ?
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· A l’industrie pharmaceutique ? A moins de fabriquer encore plus d’impuissants autour d’une sexualité robotique, le marché de l’impuissance n’est pas encore assez fructueux pour s’y battre autrement que pour la recherche.
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· Aux chercheurs ? Si la recherche sur le sexuel doit se réduire à une exploration déshumanisée, le prix de la Paix faute du Nobel ne sera pas celui vers lequel elle pourra lorgner.
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· Aux hommes ? Il y a sûrement quelque chose de leur humanité, de leur désir, à côté de quoi on est en train de passer. Est-ce cela qui se manifeste dans la pédophilie, le cybersexe, la prostitution, le tourisme sexuel, l’homosexualité, la crise d’identité, qui fait fleurir les transgenders, les clubs d’échangistes, de sadomasochisme et les divorces à la chaîne ?
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· Aux femmes ? Celles (les féministes) qui ont cru récupérer le phallus en exigeant de l’homme ce à quoi il s’astreint aujourd’hui ? En lui prenant même le droit de la séduction sous prétexte de harcèlement ? Si oui, alors telle est prise qui croyait prendre, confrontée aux relations éphémères et à une sexualité mécanique.
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L’homme en 2002 a-t-il toujours une sexualité ? Aujourd’hui cette question est d’autant plus légitime que les mécanismes du sexe de l’homme n’ont (presque) plus de secrets. Faute de savoir se servir de son sexe, l’homme a pour devoir de le faire marcher.
Dans l’Antiquité gréco-latine, le phallus était la représentation figurée de l’organe mâle. En psychanalyse, ce terme souligne la fonction symbolique remplie par le pénis dans la dialectique intra et intersubjective. Le terme de pénis est lui plutôt réservé pour désigner l’organe dans sa réalité anatomique.
L’ère freudienne ouvre la voie du questionnement. Elle montre combien la sexualité de l’homme dépend des processus d’identification et des difficultés liées à la phase œdipienne. La sexualité n’est plus dans la seule réalité visible et mesurable, elle devient langage et porteuse de sens. Avec Masters et Johnson dans les années soixante, débute «l’ère scientifique». L’accent est alors mis sur les aspects physiologiques et anatomiques du «sexuel».
Mais démystifier des mythes peut-il donner un «savoir-faire» ? Comme si la connaissance de la salivation de la mastication et de tous les enzymes en jeu dans la digestion était à même de mieux nous faire apprécier un Bocuse ou tout art culinaire ? Tout ce qui est de l’art échappe au réel même s’il s’y étaie, pour s’épanouir dans l’imaginaire et le symbolique. Ainsi en est-il de la sexualité qui doit rester dans le domaine du plaisir des sens de la relation et de l’Etre et non pas seulement de l’Avoir.
Il va falloir sûrement reparler d’amour avant que l’on oublie ce que c’est. Que l’amour est un aphrodisiaque, un faiseur de relation et de rencontres, et qu’avant la science, il a fait marcher les milliers de femmes et d’hommes qui ont donné le jour à des milliers d’enfants.
Bien que ce ne soit encore qu’une brise, il semblerait que le vent commence à tourner. Dans les derniers congrès sur l’impuissance sexuelle, on commence à se questionner sur ce qu’un manque d’estime de soi ou de l’anxiété chez l’homme peuvent entraîner un dysfonctionnement sexuel. Il reste la place de la partenaire et la qualité de la relation à mieux évaluer. Les réflexions actuelles sur la prise en charge du patient reposent plus sur le naturel de la sexualité que sur la performance.
Mais le message prioritaire pour 2002 est devenu «attention, si vous avez un problème de sexe, c’est avant tout un problème de santé publique. La dysfonction érectile est une sentinelle épidémiologique des pathologies associées qui vulnérabilisent la fonction érectile (les maladies cardio-vasculaires, l’HTA, le diabète, la dépression, l’hyperlipidémie, le tabac, l’alcool, etc)». Même s’il semble que ces pathologies multiplient le risque d’impuissance sexuelle, tous les diabétiques ne sont pas impuissants. Ceux qui le sont, ont souvent vécu des événements de vie non négligeables entrant en jeu dans leur problème. Les moins de 50 ans, quant à eux, ont des difficultés psychologiques de stress, de timidité, de conflits relationnels, de manque de confiance en eux, qu’on ne leur permet plus d’exprimer.
La pénurie de médecins formés en sexologie, le manque et le discrédit souvent apporté à la profession de sexologue, jouent contre ceux qui ont besoin d’un espace de parole pour comprendre ce qui les a amenés à avoir des problèmes sexuels et à leur trouver les solutions et les savoir-faire qui leur manquent. Parfois, trop de science tue l’humanisme, trop d’informations la création, et trop de sexe la sexualité.
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Mireille Bonierbale est psychiatre et sexologue, une des pionnières de la sexologie française, membre de la SFSC dès les premiers jours, membre fondateur de l’AIHUS , rédacteur en chef de la revue européenne de Sexologie «Sexologies». Directeur de l’Enseignement de sexologie des facultés de médecine de Marseille et Montpellier, elle a créé dès 1988 un service Minitel d’information et de conseil en sexualité et travaille actuellement à la recherche et à la prise en charge, outre des dysfonctions sexuelles, des troubles de l’identité de genre.
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(1) Approche du désir et de l’excitation sexuels par l’imagerie cérébrale fonctionnelle. S. Stoléru, (2002), Sexologies XI, numéro 41 : 63 – 68.
(2) J. La Planche, JB. Pontalis (1967) In Vocabulaire de la psychanalyse, PUF, Paris : 311
(3) Association Inter Hospitalo Universitaire de Sexologie
(4) 3615 Brain
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