Mai    2011

 

Sexologos   #  01


Et si la sexualité était de «nature initiatique»…
 

La sexologie tente de traiter les liens possibles entre le corps et la psyché mis en cause dans le symptôme sexuel. Ainsi doit-elle considérer le symptôme sexuel au delà des concepts cartésiens dualistes qui opposent corps et psyché. Dès lors, le patient est considéré dans sa globalité. C’est la prise de conscience d’Eros qui va permettre le rétablissement du lien entre Psyché et Soma. Eros est cet élan de vie poussant l’individu à aller vers l’inter-relationnel. Ainsi, pouvons-nous dire que la sexologie est une thérapeutique qui tient compte de la subjectivité intimement reliée à l’autre où elle ramène le somatique au psychique et inversement, le psychique au somatique. En fait, le psychique est relationnel comme le somatique. Le psychologique et le somatique s’inscrivent tous les deux dans une organisation relationnelle où Eros préside.

La sexologie est donc une entreprise pluridisciplinaire qui associe plusieurs niveaux dans la fonction érotique. Le psychosexologue clinicien va donc aider à intégrer les troubles sexuels dans une dysfonction relationnelle en explorant les trois niveaux de la fonction érotique :
Soma  génétique, hormonal, fonctionnel, sensoriel.
Eros  énergie, émotionnel, relationnel, affectif.
Psyché  idées, imaginaire, symbolique, esthétique, spirituel.

Le travail psychosexologique est de créer un pont entre ces trois niveaux de la fonction érotique : Soma, Eros, Psyché.
Car il n’y a pas de conscience sans émotion. Pas de Psyché seule faite de jugements, d’opinions, d’idées, d’imaginaire sans être mis en confrontation à l’autre. Pas de Soma seul, fait d’organicité, de réaction biochimique, endocrinologique, fonctionnelle, de tension musculaire sans connections avec l’imaginaire, l’imaginaire érotique, amoureux, le désir d’union, le désir d’aimer. C’est l’émotion qui permet la conscience de soi.

Ainsi pouvons-nous entrevoir la sexologie comme un travail de connections entre les sensations, les images traumatiques, refoulées, les émotions. Elle interroge le corps et l’esprit et inversement, pour prêter attention à un Eros blessé, bafoué, qui veut grandir, progresser dans une nature supérieure de l’amour. Elle retrace la ligne de vie qui décrit les étapes de la vie qui ont entravées son développement d’homme ou de femme vers une sexualité satisfaisante, vers une aptitude à aimer et à être aimer. C’est un chemin d’évolution et de maturation. Quel patient n’a pas confondu sa partenaire avec ses parents faisant de cette fusion amoureuse un remarquable creuset d’illusions de réparer les manques d’amour du passé. Nous avons à l’aider à reconnaître dans sa colère l’expression de la douleur des blessures de son enfance. Nous avons à l’aider à comprendre que les attentes de satisfaction complète rappelant l’unité originelle mère-enfant, la nostalgie du paradis perdu, sont réouvertes par les frustrations inévitables et indispensables que sa/son partenaire lui fait vivre.

L’autre est un véritable révélateur de l’Eros blessé dans l’enfance et qui doit trouver guérison autrement que dans l’amour fusionnel. Eros doit évoluer et se transformer en un amour mur qui nécessite bien l’aide d’un psychosexologue clinicien.

En quelque sorte, l’amour doit devenir cette unité qui diffère de l’amour infantile en ce qu’elle ne désire pas simplement la satisfaction personnelle de ses besoins, mais davantage la satisfaction de l’autre.

La difficulté est bien présente pour le psychosexologue, puisqu’il doit aider son patient à pouvoir quitter ses propres besoins narcissiques d’amour liés à une enfance douloureuse autrement qu’en cherchant le Prince charmant ou la Belle au Bois Dormant. Et la gageure paraît d’autant impossible de l’aider à combler son Eros blessé en l’invitant à développer une sensibilité à l’autre, en rejoignant la souffrance de l’autre.
Il faudra du temps, souvent le temps de toute une thérapie, ou d’une vie pour que chacun prenne le temps d’écouter Eros blessé de l’autre. Ainsi pourra t-il identifier chez celui-ci les manques et frustrations ayant entravés son devenir d’homme ou de femme. Par cette attention, la compassion, la patience, l’espérance, il fait grandir Eros et s’ouvre à cet amour supérieur qui comble son creux de mère ou de père. C’est là, l’art du psychosexologue à conduire son patient et à le confronter avec les grands thèmes de la vie : l’abandon, l’injustice, le pardon, la vengeance, la haine, l’amour, la naissance, la famille, la mort, la liberté, le bien et le mal, qui par leur élaboration lui permettra de se libérer et de croître dans une position d’homme ou de femme.

Et si la sexualité revêtait « une nature initiatique »…
 

Laurent Malterre
Psychosexologue clinicien - Psychanalyste
Auteur de « La guerre des sexes » et « L’unité psychothérapique »
Aux éditions L’Harmattan
74, rue des Gravilliers 75003 Paris
 

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