À l’occasion des dernières Assises de Montpellier un de mes amis m’a fait
judicieusement remarquer à quel point l’assistance se féminisait d’années en
années. Je lui ai répondu que cela me semblait un juste retour des choses et que
la médecine et la psychologie attirant de plus en plus les femmes, il était
inévitable que la sexologie qui se trouve à leur intersection les regroupe dans
nos congrès. Après tant de décennies où les hommes ont eu l’outrecuidance de
discourir gravement sur le plaisir féminin il est bien naturel que les femmes
puissent se pencher, si j’ose dire, sur nos problèmes d’érection.
Le sexisme est le premier des racismes, sans doute un des plus odieux car il
sévit jusqu’à l’intime.
Le racisme, chacun le sait, est le rejet de la différence, le mépris ou la haine
de l’autre.
De la même manière qu’un de nos politiques prétendait récemment qu’«il y a des
civilisations plus valables que d’autres» il y a eu très longtemps et il existe
encore dans certaines cultures un sexe plus valable que l’autre (n’oublions pas
malgré tout, les limites de ce rapprochement car si la catégorisation par le
sexe a une base biologique la répartition de l’humanité en races n’en a aucune).
Les progrès accomplis dans ce domaine en Occident, les femmes ne les doivent
qu’à leur combat, même si certaines avancées médicales comme la contraception
hormonale ont joué un rôle positif évident.
Le combat féministe a beaucoup de victoires à son actif mais il a encore
beaucoup de victoires à obtenir sur le plan professionnel, sur le plan social,
sur le plan politique, sur le plan relationnel et notre devoir commun est de le
soutenir partout dans le monde.
Mais toute lutte a tendance à pousser à la radicalisation des positions, voire
au fanatisme, tout racisme peut éveiller des réactions racistes chez ceux-là
mêmes qui en sont victimes : certains mouvements féministes n’ont pas su et ne
savent toujours pas éviter cette dérive : «Leurs écrits nous montrent que, même
si nous ne nous en apercevons point, nous, les femmes, vivons dans une sorte
d’enfer. En effet, sous les dehors pacifiés d’une société comme la nôtre, les
filles, les femmes, les mères, les épouses, les copines de classe, les collègues
de travail sont soumises à des regards lubriques, à des bousculades, à des
coups, à des mots méprisants, à des humiliations, à des attouchements, à des
meurtres, à des viols, à des discriminations, à des refus de services au motif
qu’elles sont des femmes.». C’est une femme, Marcela Iacub, qui dans son livre
Une société de violeurs ?, prend ainsi
ironiquement fait et cause contre certains excès du féminisme radical.
La notion d’identité de genre préétablie par le discours performatif de la
société sur les sexes a donné aux différents courants du féminisme et
particulièrement aux plus virulents d’entre eux d’excellents arguments pour
dénoncer l’essentialisme dont les femmes ont souffert depuis des siècles. En
retour elles élaborent un nouveau discours essentialiste sur les hommes
présentés systématiquement comme machistes, violents, harceleurs, obsédés
sexuels, ce qui est très loin de correspondre à la réalité sociologique
masculine actuelle. Dans leur juste combat contre la ségrégation par le genre
elles voudraient nous faire oublier la différence génétique des sexes et, en
écartant les interprétations psychanalytiques, la dimension symbolique de cette
différence.
Que reste-t-il de la féminité pour ces féministes ? Sans en revenir à un
naturalisme depuis longtemps dépassé (cet éternel féminin inventé par les hommes
à leur profit) nier la spécificité du féminin renvoie aussi à un certain
sexisme, les différences biologiques - dont au premier chef le pouvoir
d’enfanter- ne peuvent qu’induire des différences psychologiques et
comportementales et rappelons que tout racisme est refus des différences alors
que c’est leur rencontre qui pour l’être humain comme pour les civilisations est
source d’épanouissement et d’enrichissement mutuel. Les caractéristiques de
genre performées par la société ne sont pas nées ex nihilo mais se sont greffées
pour une part sur le socle physiologique de la différence sexuelle, la féminité
comme la masculinité est un héritage pluri millénaire complexe qu’il est
nécessaire de remettre en question mais dont on ne peut nier le rôle qu’il joue
encore dans les relations entre les sexes, de la séduction à l’érotisme.
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