Septembre    2012

Sexologos   #  03

Claude ESTURGIÉ 


BILLET D’HUMEUR
de Claude ESTURGIÉ.
 

 

Sexisme, féminisme et fémini… 

 

 

 

À l’occasion des dernières Assises de Montpellier un de mes amis m’a fait judicieusement remarquer à quel point l’assistance se féminisait d’années en années. Je lui ai répondu que cela me semblait un juste retour des choses et que la médecine et la psychologie attirant de plus en plus les femmes, il était inévitable que la sexologie qui se trouve à leur intersection les regroupe dans nos congrès. Après tant de décennies où les hommes ont eu l’outrecuidance de discourir gravement sur le plaisir féminin il est bien naturel que les femmes puissent se pencher, si j’ose dire, sur nos problèmes d’érection.

Le sexisme est le premier des racismes, sans doute un des plus odieux car il sévit jusqu’à l’intime.
Le racisme, chacun le sait, est le rejet de la différence, le mépris ou la haine de l’autre.
De la même manière qu’un de nos politiques prétendait récemment qu’«il y a des civilisations plus valables que d’autres» il y a eu très longtemps et il existe encore dans certaines cultures un sexe plus valable que l’autre (n’oublions pas malgré tout, les limites de ce rapprochement car si la catégorisation par le sexe a une base biologique la répartition de l’humanité en races n’en a aucune).

Les progrès accomplis dans ce domaine en Occident, les femmes ne les doivent qu’à leur combat, même si certaines avancées médicales comme la contraception hormonale ont joué un rôle positif évident.
Le combat féministe a beaucoup de victoires à son actif mais il a encore beaucoup de victoires à obtenir sur le plan professionnel, sur le plan social, sur le plan politique, sur le plan relationnel et notre devoir commun est de le soutenir partout dans le monde.

Mais toute lutte a tendance à pousser à la radicalisation des positions, voire au fanatisme, tout racisme peut éveiller des réactions racistes chez ceux-là mêmes qui en sont victimes : certains mouvements féministes n’ont pas su et ne savent toujours pas éviter cette dérive : «Leurs écrits nous montrent que, même si nous ne nous en apercevons point, nous, les femmes, vivons dans une sorte d’enfer. En effet, sous les dehors pacifiés d’une société comme la nôtre, les filles, les femmes, les mères, les épouses, les copines de classe, les collègues de travail sont soumises à des regards lubriques, à des bousculades, à des coups, à des mots méprisants, à des humiliations, à des attouchements, à des meurtres, à des viols, à des discriminations, à des refus de services au motif qu’elles sont des femmes.». C’est une femme, Marcela Iacub, qui dans son livre Une société de violeurs ?, prend ainsi ironiquement fait et cause contre certains excès du féminisme radical.
La notion d’identité de genre préétablie par le discours performatif de la société sur les sexes a donné aux différents courants du féminisme et particulièrement aux plus virulents d’entre eux d’excellents arguments pour dénoncer l’essentialisme dont les femmes ont souffert depuis des siècles. En retour elles élaborent un nouveau discours essentialiste sur les hommes présentés systématiquement comme machistes, violents, harceleurs, obsédés sexuels, ce qui est très loin de correspondre à la réalité sociologique masculine actuelle. Dans leur juste combat contre la ségrégation par le genre elles voudraient nous faire oublier la différence génétique des sexes et, en écartant les interprétations psychanalytiques, la dimension symbolique de cette différence.

Que reste-t-il de la féminité pour ces féministes ? Sans en revenir à un naturalisme depuis longtemps dépassé (cet éternel féminin inventé par les hommes à leur profit) nier la spécificité du féminin renvoie aussi à un certain sexisme, les différences biologiques - dont au premier chef le pouvoir d’enfanter- ne peuvent qu’induire des différences psychologiques et comportementales et rappelons que tout racisme est refus des différences alors que c’est leur rencontre qui pour l’être humain comme pour les civilisations est source d’épanouissement et d’enrichissement mutuel. Les caractéristiques de genre performées par la société ne sont pas nées ex nihilo mais se sont greffées pour une part sur le socle physiologique de la différence sexuelle, la féminité comme la masculinité est un héritage pluri millénaire complexe qu’il est nécessaire de remettre en question mais dont on ne peut nier le rôle qu’il joue encore dans les relations entre les sexes, de la séduction à l’érotisme.
 

Claude Esturgie
Vice- Président de la Société Française de Sexologie Clinique

 

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