D’abord, vous dire l’honneur que j’ai, d’ouvrir ce numéro 24 de
SEXOLOGOS, la voix de la Société Française de Sexologie Clinique dont je poussais la
porte, il y a plus d’une vingtaine d’années, alors jeune psychiatre
à la recherche d’un savoir sur la sexualité humaine qui enrichisse
et complète l’approche uniquement psychodynamique
que j’en avais. Au-delà d’un discours, au-delà d’une pragmatique d’un savoir qui nourrissent encore aujourd’hui
ma pratique, il y a eu des rencontres.
Permettez-moi de rendre hommage à Gérard Vallès et Charles Gellman qui ont su accueillir mes balbutiements
; en écrivant ces lignes, c’est d’abord vers eux que se tourne ma reconnaissance. Et puis, il y a ceux
qui, depuis, sont devenus mes amis; parmi eux Marc Ganem et Nicole Arnaud-Beauchamps ont une
place à part. Cheville ouvrière de notre Société depuis plus de 10 ans, ils m’ont prouvé à maintes
reprises leur confiance (je m’efforce d’en être digne), me permettant de dépasser mes hésitations et mes
doutes pour avancer plus tranquillement dans cet art passionnant mais difficile de la prise en charge de la
souffrance sexuelle.
Passionnant et difficile, ça l’est assurément par la nature même de la sexualité humaine qui lie le corps
et l’esprit au-delà de l’indissociable, dans un rapport de consubstantialité. Nous avons une connaissance
de plus en plus précise de la fonction sexuelle dans ses dimensions anatomique, biologique, physiologique,
neurobiochimique, ce qui nous permet, et nous permettra encore, d’avoir à notre disposition les
moyens efficaces de la prise en charge du dysfonctionnement.
Du chemin reste encore à faire, qui ne se fera que dans l’échange et la mise en commun de
nos savoirs fussent-ils d’horizons différents, et dans la rigueur de notre posture clinique et de notre réflexion
scientifique. Il nous fera les acteurs d’une médecine sexuelle émergente, oeuvrant à son postulat: la santé
sexuelle.
Mais, à une époque où le droit à la santé devient un devoir de santé (la santé sexuelle n’y déroge pas), je
ne voudrais pas que la médecine sexuelle ne soit que pourvoyeuse d’une sexualité humaine hormonale,
neuro-transmise et vaso-active, porteuse d’une normativité ne devenant ainsi qu’une déclinaison de plus
de préceptes hygiénistes. La sexologie (je tiens pour ma part à cette dénomination) aurait alors beaucoup
à y perdre, risquant de n’y devenir qu’une "génitalogie" prescrivant la bonne érection pour le
bon orgasme.
Je ne sais pas si la sexualité est au cœur
de l’humain, mais ce qui est certain c’est que l’humain est au
cœur de sa sexualité. Tout entier dans son humanité.
Sa sexualité ne se résume pas à une fonction : la fonction sexuelle, pas plus qu’elle ne se résoud à un agir :
l’acte sexuel ; elle est d’abord un éprouvé qui nous porte dans le sensible et le subtil, et nous met face à
l’inobservable et au difficilement quantifiable. L’homme est acteur de sa sexualité parce qu’il l’élabore.
D’abord dans une réalité historique singulière, celle qui, dans le meilleur des cas, fait de chacun de
nous un sujet. Mais aussi dans une réalité historique culturelle, celle qui imprime à notre sexualité ses us et
ses codes. Ainsi la sexualité se pose comme une
expérience individuelle des plus intimes sise au cœur d’une culture qui tient du collectif. Parce qu’elle se
place à cet endroit même du lien entre le sujet et le groupe, la sexualité a toujours fait l’objet de prescriptions
et de tabous comme pour mieux contenir la nature éventuellement subversive du sexuel. Elle est le
lieu de croyances qui toujours se fabriquent, façonnent nos comportements et nourrissent nos
phantasmes.
Il est de notre devoir de sexologues de ne pas éluder cette part-là de l’intime.
Nous ne manquerons pas, durant cette année, d’entrouvrir
cette porte; la SFSC consacrera son congrès à ce thème: "Croyances et sexualité".
Vous dire enfin, le plaisir que j’ai de travailler avec vous tous et l’impatience que j’éprouve à vous revoir.
Merci!
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