ÉDITORIAL

 

Sexualité : la liberté d’être.

 

Il y a quelques années apparaissaient sur les panneaux d’affichage une publicité que l'entreprise les "Afficheurs" s'offrait à elle même. Elle consistait en la reproduction d'une peinture célèbre retrouvée sur un mur d’une villa de l’époque romaine à Pompéi représentant un couple faisant l’Amour.

Comme seule inscription figurait : "la liberté d'expression est née sur les murs". La sexualité a toujours été un enjeu de liberté, donc objet de contrôle des institutions, surtout des plus totalitaires. Même en France, pays libéral s'il en est, l'exposition en première de couverture du tableau de Courbet, "l'origine du monde" conduisit, en 1994, à faire interdire un livre (Adorations perpétuelles de Jacques HENRIC). 
Si l’homme a acquis la possibilité de vivre une sexualité affranchie des périodes de reproduction, se différenciant en cela du modèle animal, cela ne peut pas être résumé à une dépendance ou à une quête effrénée du plaisir. Il y a dans cette recherche, celle d'une liberté d'exister. 
Cette liberté est revendiquée par nombre de nos patients comme essentielle, manifestant ainsi la nécessité d’acquérir une sexualité ou de (re)trouver celle qui leur convient pour « être ». Cette aspiration, comme expression d’une volonté individuelle, est cependant soumise dans ses manifestations au contrôle social quand il y voit le risque d’une « perversion » ou d'une dérive sociale mettant en danger les institutions.


A l’instar de la maladie, dont on se rend bien compte à quel point le problème social (c'est à dire sous l'angle du coût supporté par la nation) interfère sur la qualité de la prise en charge de la santé individuelle, la santé sexuelle nécessite d’être considérée dans son environnement social. Il ne s’agit pas seulement de discuter de la position subversive, politique, de la sexualité mais aussi des influences qu’elle subit (la publicité, la pornographie…) et de la place qu’elle occupe ou qu’elle entretient avec la société. Ainsi les rapports entre le sexe et la société, comme Marc GANEM le souligne dans son article, doivent faire l'objet de toute notre attention car ils déterminent la qualité de nos soins.


Cette vision d’une sexualité « sous influences » doit éveiller en permanence notre curiosité, notre écoute et notre envie de découvertes. Ainsi en a t-il été de ce passionnant exposé d’André Bonaly lors de la première journée de l’Académie des Sciences Sexologiques réalisée sous la direction de Claude ESTURGIE qui a pris brillamment la suite de Gérard Vallès, lui rendant ainsi le plus vivant hommage qu’il mérite. Et si cet exposé dérange ou suscite des réactions, c’est tant mieux : il aura pleinement et utilement joué son rôle. Il éveille notre esprit et nous rappelle que chaque Science propose son éclairage et que chacun y a sa place, professionnel de la santé ou non.

Nul doute qu’un vent de liberté soufflera encore lors du XXXIème congrès de la SFSC en octobre 2005 à Paris, où les intervenants exploreront les remèdes permettant une sexualité durable au gré des saisons. 

Les époques mêmes, sont porteuses de leurs tourments. La nôtre soulève la peine à définir, comme au cours du récent congrès de l’AIHUS, ce qu’est actuellement la masculinité. Comment ne pas comprendre alors les difficultés de certains de nos patients quand il est proposé d’abandonner l’idée même de définir la masculinité par rapport à l’autre sexe pour se construire une nouvelle identité sexuelle indépendante des rôles masculins ou féminins ?
Comment traverser toutes ces années qui nous sont offertes par les progrès d’une médecine performante sans être confrontés aux crises, ruptures de couples, pannes d’érection ou de désir, maladies à impact sexuel, solitude et révolutions sexuelles ?

L’exercice de la sexologie est une Art difficile. Car, sans oublier que nous sommes avant tout des cliniciens, qui plus que nous, cependant, a le privilège et la responsabilité d’intervenir au sein d'une relation qui souvent s'appelle l'Amour ?.

Dr Arnaud SEVENE
Membre du Conseil de la SFSC
Directeur d’enseignement au DU de sexologie de Paris V.

 

 

 

Éditoriaux 

Sexologos N°22

Index