ÉDITORIAL

 

J’ignore si...

 

J’ignore si cet éditorial vous plaira mais il est la traduction de mes pensées en une après-midi morose.
J’ignore si vous allez bien et surtout si vos patients sont plus heureux, après vous avoir rencontrés.
J’ignore si la Sexologie existe toujours, tant il est vrai que j’ai l’impression d’une léthargie ambiante.
En effet, nous sommes en France, capables d’écouter, conseiller, accompagner nos patients, sur à peu près tout le territoire avec une mise en place de réseaux de soins de plus en plus compétitifs.
Cependant, nous continuons malgré tous nos efforts à entendre tous nos compatriotes, qui pourraient avoir besoin de parler de leurs difficultés à vivre une sexualité heureuse.
Toutes les campagnes, y compris à la radio et à la télévision, tous les articles qui s’étalent dans tous nos tabloïds, toutes les émissions où la sexualité vient s’expliquer à l’écran, tout cela n’y fait rien, même si ceux qui le font le font bien.
Trop d’hommes et de femmes continuent à souffrir en silence, ayant peur d’eux-mêmes, du qu'en dira-t-on, de nous et de notre « toute puissance ».
J’ignore s’ils viendront un jour tant il est vrai qu’aborder la sexualité dans notre pays « gaulois » semble incongrue, y compris pour nos autorités de tutelle.
Pas le temps, pas d’argent, pas le moment, pas nécessaire, superflu et pensez donc si en plus du déficit de la Sécu on doit rembourser des médicaments pour le sexe !!
Oui, mais ce que je sais, c’est qu’il y a URGENCE.
J’ignore si je serai entendu un jour, mais j’ose proclamer qu’il y a urgence à s’occuper réellement de la sexualité de nos compatriotes, non pas comme un entomologiste qui regarderait les ailes fripées d’un papillon de nuit, mais comme des responsables qui enfin comprennent combien la notion de Santé Sexuelle doit devenir une priorité nationale. De plus, nous dispensons trop tard une éducation sexuelle à nos chers enfants où l’on ne parle que de la procréation ou du rôle mortifère de la sexualité à travers les MST et le Sida.
Pourquoi ne pas leur apprendre que c’est le plus beau des dialogues, car universel et porteur d’AMOUR.
Pourquoi ne pas leur apprendre à se respecter et à respecter leur corps, gage probable d’une prévention des abus sexuels.
J’ignore si la violence intra-couple, qui tue des femmes, trouvera un jour une solution, mais je sais qu’elle pourrait être évitée si ceux qui en arrivent là avaient une meilleure sexualité, accompagnée d’un vrai dialogue avec l’autre et donc avec eux-mêmes.
J’ignore si les addictions à l’alcool, au tabac, à la nourriture pourront être minimisées un jour, mais je suggère que bon nombre n’existeraient pas si ceux qui en souffrent pouvaient vraiment faire l’amour.
J’ignore si ce qui fait exploser le nombre des divorces va changer un jour, mais ce que je sais à travers les patients désorientés qui me consultent, c’est que les troubles de la sexualité viennent aggraver une mésentente plus globale et les mots blessants que l’on se jette au visage avant de se séparer sont ceux qui mettent le plus de temps à disparaître.
A la fin de mon éditorial ce que je n’ignore plus c’est que maintenant tout le monde sait à quel point la sexualité est une fonction certes non vitale, mais si fondamentale. Quand elle balbutie, elle peut-être dangereuse pour celui ou celle qui le ressent, pour l’autre, pour les enfants qui regardent et enregistrent la souffrance, pour nous tous.
Ce que je n’ignore plus aussi c’est combien, comme vous le lirez dans le texte merveilleux de Mr COMPTE SPONVILLE, l’amour transcende tous ceux qui le rencontrent..

Dr Marc GANEM
Président de la SFSC

 

 

 

Éditoriaux 

Sexologos N°20

Index