Avant les choses étaient
simples, trop simples même !
Il n’y avait RIEN, c’est- à-dire un NON DIT quotidien et bien pensant
sur la sexualité, puis est apparue la SEXOLOGIE moderne dans les
années 70 du XX e siècle.
Là tout a changé, car on a commencé à nommer les choses d’abord et à permettre aux mots de
revenir dans les dialogues au quotidien.
• L’onanisme est redevenu la masturbation.
• Le plaisir est redevenu l’orgasme.
• Copuler est redevenu faire l’amour.
• L’orgasme a pris le train en marche pour retrouver ses lettres de
noblesse, avant de s’ériger en dogme féministe d’abord et médiatique ensuite,
et enfin de rentrer de nouveau dans un rang sans normativité.
• L’impuissance était bien celle du patient et du thérapeute, réunis
dans un dilemme où le temps n’était pas forcément un ennemi.
C’était le temps des COMBATS, le
temps où nous étions des "Hors la Loi", dont les adresses se refilaient
sous le manteau et où nos prescriptions appelaient immanquablement un
appel de la part des pharmaciens nous demandant une confirmation de
la posologie, au mieux, une justification des prescriptions hors AMM, au
pire.
C’était le temps où nous étions ignorés de la part des médecins, "les
vrais" qui eux ne cherchaient pas à l’époque à recevoir ceux qui
souffraient dans leur sexualité, car cela faisait "désordre" et leur prenait trop
de temps.
C’était le temps où nos congrès n’avaient aucune couverture médiatique,
mais cela importait peu car chacun d’entre nous apportait ses sensations, ses convictions, ses
hypothèses.
Certes, nous échafaudions des théories sans présenter des cohortes de patients
soignés (avec quoi !!) en double aveugle contre placebo. Ces théories
n’étaient pas si idiotes que cela, car elles ont trouvé ensuite un écho
scientifique, la recherche médicale s’y est investie et elles ont permis à bien
des gens de reprendre une sexualité parfois épanouie.
Naturellement, on était loin des pourcentages retentissants des succès à
l’américaine de Masters et Johnson, mais chaque succès nous suffisait et
leur rendait l’espoir.
En 1975, lors d’un colloque de l’OMS
à Genève, est apparue pour la première fois la notion de Santé Sexuelle,
bien vite reléguée au rang de l’oubli unanime, même de la part des
sexologues, repliés sur la prise en charge des symptômes.
Depuis 1998 et l’arrivée du VIAGRA, nous tombons dans l’excès
inverse ! Tout le monde s’occupe de sexualité et traite grâce à une
pharmacopée active et révolutionnaire, les symptômes qui s’étalent à la une des
journaux, avant de coloniser nos cabinets.
Le temps n’a plus la même importance et bon nombre d’entre nous vivent
leurs prescriptions dans une notion d’urgence, d’urgence de résultats et
d’urgence de puissance.
Mais traiter un symptôme est-ce traiter la sexualité de celui ou celle qui le
porte et qui n’est pas forcément celui ou celle qui fait " mal " fonctionner la
sexualité du couple ?
S’occuper du futur de nos patients en s’interrogeant sur des co-morbidités
(quel mot horrible !), est-ce bien régler leurs problèmes souvent
inhérents à la constitution même de leur couple ?
Il est long le parcours entre la récupération physique et la récupération
sexuelle.
C’est le même parcours qui sépare la Médecine Sexuelle de la Santé
Sexuelle. Prendre en charge et de mieux en mieux, les symptômes et les
individus est de notre devoir, et nous l’avons tant demandé, écrit, réclamé
que nous n’allons pas boire le verre à demi ! Nous allons continuer à
communier avec nos patients à l’équilibre physique retrouvé !
A nous de savoir redevenir des sexologues, médecins ou non, afin de leur
rendre ce supplément d’âme pour qu’ils aient envie de ne plus fuir
l’autre, c’est-à-dire eux-mêmes.
La Santé Sexuelle, dont l’OMS a fait une de ses priorités en s’appuyant sur
la WAS (World Association for Sexology) que j’ai l’honneur de présider
est bien plus que la Médecine Sexuelle qu’elle englobe largement,
c’est un credo d’une génération, notre génération qui a enfin permis à la
médecine de ne plus parler uniquement de douleur, de pathologie et de
mort, mais de plaisir, de joies partagées et de vie.
N’est-ce pas ce dont ont toujours rêvé les médecins ?
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