EN BREF

 

Antihypertenseurs et sexualité : rumeur publique et données de la médecine factuelle.


Un homme hypertendu traité sur sept présente des troubles de l’érection. Un sur trois seulement en parle à son médecin. Il s’agit pourtant d’une cause fréquente de mauvaise observance, voire d’un arrêt du traitement qu’il convient de ne pas sous-estimer.
C’est dans la famille des traitements antihypertenseurs que l’on retrouve le plus souvent à la rubrique « effets indésirables » la notification de troubles sexuels, ou d’une impuissance. La connaissance de ces anomalies est très largement partagée chez les médecins et chez les patients, en particulier concernant certaines classes de médicaments comme les bêta-bloquants. Les données issues de l’analyse de la littérature, même si elles ne sont pas nombreuses, permettent toutefois d’arriver à des conclusions radicalement différentes de celles habituellement véhiculées par la « pensée collective ».

L’étude MRC (Medical Research Council) indique donc que, contrairement aux idées reçues, l’impuissance est plus fréquemment observée chez les hypertendus traités par un diurétique que par un bêtabloquant.
L’étude TOMHS (Treatment of Mild Hypertension Study) confirme que, contrairement aux idées reçues, l’impuissance n’est pas plus fréquemment observée chez les hypertendus traités par un bêta-bloquant que chez ceux traités par un placebo.
Les troubles de la sexualité sont plus dépendants de la famille médicamenteuse que de la baisse tensionnelle.
Ainsi, cette étude indique que plusieurs mécanismes jouent un rôle dans la survenue d’effets sur la sexualité :
1) l’administration d’un médicament même dénué d’action pharmacologique (effet nocebo) ; 
2) la baisse de la pression artérielle chez l’hypertendu ; 
3) la nature pharmacologique du traitement.
Conclusion :
L’ensemble des données de la littérature indique que les trois classes thérapeutiques antihypertensives les plus fréquemment incriminées dans l’apparition d’effets adverses touchant la sexualité sont par ordre décroissant les diurétiques, les bêtabloquants et les antihypertenseurs centraux. Il faut toutefois noter que cette classification correspond aux trois familles d’antihypertenseurs les plus utilisées dans les essais cliniques ayant inclus des paramètres de qualité de vie.
Les classes thérapeutiques les plus « épargnées » sont celles des inhibiteurs de l’enzyme de conversion et des antagonistes calciques. Mais ces familles thérapeutiques ont fait l’objet d’un nombre d’études plus faible.
Comme nombre de patients hypertendus stoppent leur traitement en raison d’effets secondaires d’ordre sexuel (impuissance ou baisse de la libido), l’amélioration de l’observance des traitements doit tenir compte des dysfonctionnements sexuels pouvant survenir sous ces traitements. Un interrogatoire adapté doit permettre d’évaluer cette possibilité.
Si chez un patient la survenue d’un trouble de la sexualité est observée avec une famille thérapeutique, un changement de médicament doit être proposé car le trouble peut ne pas être seulement dépendant de la baisse tensionnelle mais aussi lié à la nature pharmacologique du traitement.

J.J. MOURAD, X. GIRERD – Service de Médecine interne et HTA, hôpital Saint-Michel,
Hôpital Broussais, Paris.
GENESIS, juin 2001, n° 67..

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