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 Un 
vieux dicton affirmait : «Il n’est bon bec que de Paris». Je ne crois pas que 
l’auteur d’un récent roman qui connaît, comme on dit un gros succès de librairie 
soit parisien mais au moins a-t-il bon bec ?Il s’agit en fait de son plus mauvais livre, écrit à la diable, sans style, avec 
des personnages dénués d’épaisseur, même si des personnalités réelles se mêlent 
sans nécessité à ces fantoches de fiction comme pour leur donner par ricochet un 
peu de la consistance qui leur fait défaut. L’humour en est toujours prévisible, 
aussi facile que le déplorable calembour qui sert de titre à ce billet. Mais il 
faut reconnaître à Michel Houellebecq une qualité : il est à travers son œuvre 
littéraire un parfait témoin de la misère sexuelle de notre temps, misère 
généralisée sous le couvert d’une libération qui a fait long feu : tourisme 
sexuel de masse sous les tropiques, sexagénaires qui vont chercher au Maghreb ou 
ailleurs une jeune épouse qu’il faudra satisfaire à grand renfort d’IPDE5, 
supermarchés des sites de rencontres chacun, chacune, derrière son caddie 
informatique, trentenaires qui délaissent leur compagne pourtant jolie pour des 
masturbations quotidiennes sur les sites pornos d’ internet. «La sexualité est 
une chose fragile, il est difficile d’y entrer, si facile d’en sortir» conclut 
excellemment notre auteur.
 
 A la suite de mon dernier billet j’ai reçu d’un de nos collègues une lettre qui 
m’a beaucoup réconforté et dont je le remercie ici vivement. Philippe Touzé 
m’écrivait entre autres : «A ma consultation je ne vois que des hommes estropiés 
et obsédés par leur mécanique sexuelle, des angoissés de la performance. Je ne 
vois que des femmes qui souffrent de vivre avec ces estropiés qui n’ont rien 
compris à la sexualité féminine. Ils sont aussi des estropiés du cœur». Je 
voudrais aujourd’hui, cher collègue, illustrer la justesse de votre constat par 
l’histoire d’un couple que j’ai vu récemment. Lui assez grand, le cheveu rare 
mais encore blond, l’oeil bleu et vif, elle plus petite, bien en chair, un 
visage qui dût être charmant et dont le sourire fait oublier l’apparente 
vulgarité, tous les deux la soixantaine.
 Appelons les Jean et Corinne. Jean vit à Paris, il a été opéré il y a un peu 
plus d’un an d’une prostatectomie totale en raison d’un adénocarcinome. Le 
chirurgien lui a assuré avoir pu respecter les nerfs érecteurs. Dans les suites 
il a consulté à Paris un de nos amis qui l’a parfaitement informé d’un 
inévitable délai de deux à trois ans avant de pouvoir récupérer une érection 
efficace et de la nécessité d’ici là d’utiliser les IPDE5 et si c’était 
insuffisant les injections intra-caverneuses de Prostaglandines. Il ne s’en est 
trouvé que partiellement satisfait et notre ami qui est un excellent sexologue 
lui a parlé de l’intérêt qu’il y aurait à rencontrer aussi sa compagne. Comme 
Corinne vit à Bordeaux où ils se retrouvent chaque week-end, ils sont donc venus 
me consulter samedi dernier. Corinne lui a avoué qu’elle n’a plus tout à fait 
les mêmes sensations qu’avant, Jean pense qu’il ne peut plus la pénétrer assez 
profondément, il a tout essayé : s’il augmente la dose de Prostaglandine 
l’érection devient très douloureuse à la limite du priapisme, l’association à un 
IPDE5 ne fait que lui entraîner des céphalées et le vacuum est décevant, pour 
lui tout provient du fait que depuis l’intervention son sexe a raccourci. 
J’essaie d’argumenter que malgré les intra caverneuses la turgescence du gland 
n’est peut être pas aussi forte qu’avant, que de toute manière même s’il 
récupère encore, sa sexualité ne sera jamais plus exactement ce qu’elle était, 
il n’en démord pas. Corinne est adorable : elle lui explique avec les mots que 
je pourrais employer moi-même que ce n’est pas grave, que si elle n’a plus les 
mêmes orgasmes qu’avant elle prend toujours beaucoup de plaisir, qu’il y a bien 
des manières différentes de faire l’amour et pour elle d’arriver à la 
jouissance, qu’elle est toujours aussi heureuse dans ses bras et qu’elle l’aime 
et le désire toujours autant. Son problème à lui c’est qu’il lui manque un ou 
deux centimètres. Cela n’est pas sans me rappeler cette autre histoire, qui nous 
a fait beaucoup jaser sur le web, où cette fois le pénis était trop long. 
L’érotisme, l’amour, le bonheur serait donc une question de CENTIMETRES ?
 
 Déjà en 1991 Philippe Muray de sa plume acerbe stigmatisait la mort du sexe, 
«l’envie de se passer de sexe (de la volupté, du désir, des fantaisies, de la 
frivolité et surtout de l’opacité du secret, le divin secret) tourmente la 
plupart des vivants de la fin de ce siècle». Le nouveau siècle a déjà dix ans 
-l’âge de raison ?- et rien n’a changé, au contraire, le propos de Muray reste 
prémonitoire, comme était prémonitoire l’envie du pénal qu’il s’évertuait à 
dénoncer et dont les princes qui nous gouvernent, illustrent la réalité jusqu’à 
la caricature, s’empressant de légiférer après le moindre fait divers surtout si 
celui-ci touche de près ou de loin au sexuel. La frontière est devenue poreuse 
entre séduction et harcèlement, une nouvelle pathologie, l’addiction sexuelle, 
nous est venue des U.S.A. «Mon copain a envie de faire l’amour tous les jours, 
parfois deux fois par jour, est-ce qu’il n’est pas malade ?». L’heure reste à la 
transparence sauf qu’elle n’existe que dans un seul sens comme une glace sans 
tain.
 Une charmante et très jeune collègue, philosophe de surcroît, fondatrice de l’ASBL 
Love Génération, vient de publier un livre qui apporte toutes les solutions aux 
problèmes que pose la sexualité en 2010, il s’intitule : «Pour une libération 
sexuelle véritable». Elle y propose monogamie, fidélité éternelle, «pouvoir 
considérer le lien entre sexualité et fécondité comme source d’émerveillement et 
pas de problèmes» contraception naturelle par la méthode Billings (pour ceux qui 
l’ont oublié c’est la surveillance de la glaire cervicale) et l’abstinence 
périodique. Mots d’ordre : famille, population, développement. Féministes de 
tous les pays, nous en sommes là après tant de combats !
 Je ne peux ni ne veux pourtant conclure ce billet d’humeur de façon aussi 
pessimiste. Ce matin en me rendant à mon cabinet j’ai croisé une sublime jeune 
femme, elle a compris mon regard et l’a rendu au vieil homme que je suis 
accompagné d’un éblouissant sourire… tout en passant son chemin. On pourra 
toujours tout espérer de cette éternelle et secrète alchimie entre l’homme et la 
femme, entre la femme et l’homme.
 
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