Tassé au fond du fauteuil, il
avait étendu ses grandes jambes devant lui. Il se
redresse à mon arrivée, corps longiligne déambulant
jusqu’au bureau, chemise ample et jeans vaste
tombant du bas de ses fesses, en accordéon sur ses
baskets. Il reprend la même posture face à moi, cheveux
clair en broussaille cachant légèrement un regard bleu
encore mal assuré et peut être embué. Je pouvais
deviner que l’heure peut être trop matinale,
l’avait précipité hors de son lit dans le premier bus
venu, vers cette consultation particulière. Jeune, il le semblait
et il l’était : 17 ans.
Il avait depuis quelques mois une «amie sérieuse» qu’il voyait
régulièrement. Rencontre d’un début d’année scolaire sur les
bancs d’une « prépa » littéraire. Sexuellement, «ce n’était pas
vraiment le pied» et devant les difficultés qui s’accrochaient, il
venait me consulter sur les conseils de son médecin de famille.
Ce n’était pas sa première partenaire. Depuis 2 ans, il avait eu
quelques expériences passagères dans des «contextes moins
épanouissants». Là, devais-je comprendre, il y avait du sentiment.
Aussi ce qui auparavant, avait pu passer inaperçu ou sans
importance, prenait aujourd’hui une dimension toute autre.
L’enjeu était réel, renforçant troubles et maladresses. Il était
«éjaculateur précoce», expression qu’il me lançait alors,
à la fois verdict et condamnation.
Mais l’histoire ne s’arrêtait pas là, ou plutôt lui semblait-il, avait
des racines plus anciennes.
Et, dans son désir légitime de rationalisation, il avait «fait
quelques liens», autour de ce trouble incontrôlable, qui lui
échappait, le prenait par surprise. Il s’est ainsi souvenu d’un
symptôme qui le prenait tout aussi régulièrement, le laissant
dans une même déconvenue : il avait entre 5 et 7 ans et était
énurétique ! Le «lien» uro-génital avait fait tilt. À l’époque son
pédiatre avisé lui avait donné une méthode qui s’était avérée, au
bout du compte, efficace. Et c’est ainsi que, sans plus attendre, il
s’était remis sur son éphéméride, à dessiner des soleils et des
nuages pluvieux. Ajoutant, sur un ton d’humour triste, «là, c’est
surtout des nuages».
Et sous un ciel à ce point assombri, ce qui en définitive le mène à
franchir le pas jusqu’à me consulter, c’est que depuis quelques
semaines, avec honte et effroi, il voit réapparaitre…l’énurésie !
Le reste du temps, j’avais dans la tête ce proverbe qui tournait : «Minima de
malis» ; mais quel était le moindre des maux ?
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