Un homme, une femme. La
cinquantaine. Assis à l’opposé l’un de l’autre dans
la salle d’attente, quand je vais les accueillir. Lui:
long qui n’en finit pas de se lever. Elle: vive déjà presque à la porte du bureau. Elle hésite sur le premier siège qui se présente, se reprend et
envahit le second. Lui se pose sur le siège restant;
il aura le soleil dans les yeux, un peu. Il
hésite, cherche la meilleure position contre
l’éblouissement. Elle dit qu’il fait chaud, se dégrafe et
prend ses aises.
Instant suspendu où trois protagonistes s’observent.
L’entretien débute, se déroule; ils ne se regardent pas. Il dit
les manques et les manquements, les "plus d’envie" et les
craintes; le temps qui passe, plusieurs mois déjà.
L’attachement aussi, l’amour encore. Il parle comme il est:
tout en lenteur, tout en longueur. Un peu ailleurs.
Elle l’arrête, intervient enfin dans l’urgence à dire ce qu’elle
a à dire et qui tient dans une phrase: " Quand on
a quelque chose entre les jambes, c’est fait pour s’en
servir!"
Telle était l’apostrophe qu’elle lui faisait, d’un ton
qui en disait long sur son impatience à éprouver de
nouveau ce "quelque chose" en action. Comme une
injonction qui renverrait à une histoire vieille comme le
monde où ce qui nous dote ne vaudrait que par le fait de s’en servir.
Ou bien, faut-il entendre là, l’émergence d’une
interaction où l’exigence de l’une rencontre et inspire
l’incapacité de l’un?
Il n’y a pas de réponse univoque, et ce que je pressens
de la problématique sophistiquée de ce couple ne me
permet aucune généralisation.
Lui, dans un premier temps surpris par la violente tournure
que prenait l’entretien, se recala dans sa chaise et
choisit de n’en rien dire. Faut-il ajouter: une fois de plus?
Le soleil avait tourné et était devenu moins gênant.
(à suivre.....).
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