Le mathématicien André Bonaly signe un article intitulé «le temps et l’image dans la sexualité» et tente d’appliquer la notion de fractale à l’expérience émotionnelle et cognitive et ses conséquences sur la sexualité.
Certes, il semble difficile de contester l’existence de configurations neuronales à un instant donné dans une expérience cognitive, ou émotionnelle (cf Damasio, la conscience même de soi), par contre,
il semble plus hasardeux d’imaginer que ces «cartes mentales» puissent se transporter ainsi à travers le temps vécu et déterminer ainsi un univers comportemental prisonnier de ses problématiques.
C’est faire fi de ce qu’on sait aujourd’hui sur la mémoire (cf Damasio, L’erreur de Descartes). Depuis la plus haute Antiquité, les pères de la science historique, (Thucydide, Denys d’Halicarnasse) ont posé que la mémoire est un processus qui consiste à reconstruire dans le présent une représentation du passé, et non d’aller puiser dans des sources mnésiques des images bien rangées et prêtes à l’emploi. Il est naïf de croire en effet que nos souvenirs existent à l’état de «documents», à la manière des livres d’une bibliothèque, et qu’il suffit d’aller les chercher là où ils sont. Toute une approche de la psychologie se fonde sur cette croyance, dont on sait aujourd’hui les limites heuristiques.
La question de la perception du temps a préoccupé de nombreux champs de recherche, et notamment la philosophie, l’anthropologie, la psychologie. Toute problématique s’inscrit dans des dimensions
temporelles complexes, il est simpliste de croire qu’il existe un temps spécifiquement féminin ou masculin, que la perception cyclique du temps n’appartiendrait qu’aux femmes du fait de leur cycle menstruel. Il est également simpliste de croire que le temps commun est nécessairement linéaire. On pourra se référer utilement à William James, philosophe, fondateur de la psychologie scientifique qui présente la perception du temps sous différents aspects, et surtout Edward T Hall qui, pour sa part identifie le temps comme un phénomène essentiellement culturel, dont la perception s’acquiert et se modifie chemin faisant.
Enfin, nous citerons Alberoni qui a proposé une intégration de la dimension temps dans la compréhension de la sexualité humaine.
Enfin, nous aurions aimé trouver une définition du terme «fractal» qui aurait pu justifier son application métaphorique aux configurations mnésiques neuronales. Pour mémoire, rappelons que
c’est le mathématicien Benoît Mandelbrot qui a inventé ce terme pour désigner des figures géométriques complexes, dont chacun est une approximation plus petite du tout. Le terme fractal (latin fractus) évoque la cassure, la séparation caractérisant les formes géométriques complexes. La géométrie fractale permet de visualiser un paradoxe : faire tenir l’infini dans un espace fini ( c’est le fameux modèle du triangle de
Sierpinsky). L’IA (intelligence artificielle) et à la cartographie sont actuellement les domaines d’applications actuelles des fractales.
Transposer l’idée de fractale à la construction de cartes mentales, bon, on admet la métaphore, mais l’appliquer à la perception du temps semble déjà plus hasardeux, surtout si on aboutit au fait que
ces configurations individuelles aboutirait nécessairement aux mêmes problématiques sexologiques. N’en doutons pas, cette théorie a de quoi séduire tous ceux qui nient la capacité des êtres
humains à s’adapter chemin faisant. Elle permettra ainsi de fournir un quota constant de névrosés, de frigides, d’éjaculateurs prématurés, d’impuissants…. La fin de la
sexotherapie n’est pas pour demain, merci Monsieur Bonaly…
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