Ce jour-là, elle avait choisi le téléphone pour me le dire. Dés que je décroche, elle est déjà en larmes. Entre deux sanglots je comprends son désir d’enfant, paroles qui se mêlent avec d’autres moins audibles qui racontent un enfant perdu.
Je devais les rencontrer le jour même pour un troisième entretien. Couple de la quarantaine, d’un milieu simple que j’avais déjà vu à deux reprises pour des difficultés sexuelles évoluant depuis plusieurs années autour d’une éjaculation prématurée secondaire. Le contact était marqué par leur retenue. Gène, manque du mot juste ? Discours en pointillé où l’écoute doit faire parler les silences. C’est surtout lui qui dit. Son manque, ses maladresses, son “plus savoir que faire”. Elle cache son regard derrière ses paupières baissées et sa frange écran. Juste approuve t-elle de la tête les phrases que je finis et les quelques conseils que je donne. A l’issue de ses deux premiers entretiens, ils laisseront derrière eux comme des points de suspensions...
Cet après-midi là, pour la troisième rencontre, l’émotion est perceptible presque vive. Il a le regard qui fuit, perdu, ces yeux sont rouges. Elle a relevé les paupières. Je parle de l’appel téléphonique du matin. Il sait. C’est elle qui dit alors son impossibilité de le toucher, son irritabilité quand il la touche, la tension et les disputes. Pourtant elle désirerait tant ce sixième enfant.
Il la regarde, lui dit ses qualités de mère et la belle éducation qu’elle a su donner aux cinq enfants, tourne son regard mouillé vers moi et m’explique le malheur qui tombe sur eux, le jour où cet enfant trisomique est né. Son impossibilité à assumer cette naissance et les contraintes qu’il a dû exercer sur elle pour qu’elle accepte enfin de l’abandonner.
Ce jour-là, l’enfant perdu avait 15 ans...
( à suivre.....)
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