Billet d’humeur ou de mauvaise humeur ? C’est un billet pour entrer
sur le stade, pour combattre. Les médecins en ont ras-le-bol, tous, et
les sexologues aussi. Ras-le-bol d’être manipulés, exploités, surveillés,
déconsidérés. Ras-le-bol d’être responsables du coût de la maladie,
ras-le-bol d’être manipulés au bon vouloir des caisses, ras-le-bol de
compter, les recettes et les dépenses, les patients, les C, surveiller les SNIR et
les abus des autres, respecter les protocoles et les consensus, substituer
des génériques, télétransmettre sans contre-partie décente, faire des
gardes, des urgences, sacrifier la vie de famille et faire le secrétariat en
plus, devoir participer aux formations qui forment aux " bonnes
pratiques " (c’est à dire celles qui font faire des économies), s’inquiéter de
la retraite, au lieu de prendre le temps de soigner, discuter, écouter la
plainte du patient, l’examiner avec l’attention qu’il faut, réfléchir,
pouvoir seulement réfléchir au cas du patient, écrire le courrier, joindre les
correspondants, se former dans ce qui lui tient à cœur : soigner un être
humain et non une procédure.
Ras-le-bol de douter de nous, de nos intentions : à force, nous aurions
presque fini par le croire que nous étions des privilégiés à 50, 60 ou 70
heures de travail par semaine ! Nous aurions bien fini par le croire que
nous étions des mauvais français, des mauvais citoyens, à dépenser
ainsi sans compter en examens biologiques, en prescriptions médicamenteuses,
bref quelle irresponsabilité à vouloir soigner ainsi les maux
dont l’autre souffre ! Mais je vous l’affirme, il n’y a qu’une personne
devant moi et sa plainte est la mienne : il n’y a quelle que j’écoute à cet
instant là. Ras-le-bol de craindre les procès, la répression des caisses, les
erreurs auxquelles nous conduisent notre course éperdue pour
soigner vite et bien et comme ils veulent et comme il faut.
Alors au sein du SNMS, nous avons décidé de combattre. D’abord se
battre contre nous-mêmes, notre masochisme d’hommes et femmes
consciencieux, respectueux de notre société et de son système, contre
notre individualisme, notre naïveté commune. Ne savez-vous pas que
les instances savent et reconnaissent que les consultations des
psychiatres dont nos consultations en sexologie se rapprochent valent
110 à 120 € ? Que le prix moyen d’une consultation de psychiatrie en
Europe est de 90 € ? Que la consultation d’un généraliste en France est
la ou l’une des moins payée d’Europe ? Mais le médecin n’est pas
marchand.
Et bien nous avons décidé que nous allions défendre nos droits et nos
besoins et que cela n’était pas incompatible avec le soin des patients, bien
au contraire : soigner la sexualité est plus que la santé, c’est approcher
l’être intime, l’être révélé, l’être sensible, l’être écorché. Il nous faut être
attentif, patient, sensible et compétent.
C’est pourquoi les médecins sexologues doivent se regrouper pour défendre
ensemble leur façon de soigner, une façon de soigner dont ils sont fiers. Il
faut unir nos compétences, associer nos intelligences pour combattre les
sanctions abusives dont nous sommes l’objet.
Avant d’être amers ou dégoûtés.
C’est pourquoi des médecins sexologues, de la SFSC, de l’AIHUS ou
d’ailleurs, ceux qui sont sur le terrain tous les jours, se mobilisent dans le
SNMS pour donner une place à la sexologie dans les discussions
conventionnelles actuelles. Ce que le SNMS a réussi. Les médecins
qui s’y sont investis ont une tâche lourde : ne vous y trompez-pas, il
s’agit de l’avenir de la sexologie médicale conventionnelle. Ne plus
subir le bon vouloir des caisses, obtenir la possibilité que nos patients
puissent bénéficier d’actes cliniques en sexologie remboursables.
Mais si cela nous apparaît comme une attitude morale
indispensable, à l’évidence il ne nous semble pas que tous les actes ou que la
totalité des actes doivent nécessairement faire l’objet d’un
remboursement.
Il faut y réfléchir. De même, en effet, qu’il faut réfléchir aux
alternatives possibles aux tarifs opposables : en l’absence de toute
possibilité actuelle de réouverture du secteur II, seul le principe d’un
espace de liberté tarifaire peut nous permettre d’espérer être honorés
à notre juste valeur sans mettre en danger les comptes sociaux. Cela
permettrait également d’éviter le redoutable piège d’un
enfermement dans un acte opposable à petit prix signant la mort d’une
sexologie médicale conventionnelle. Il faut vous mobiliser : la sexologie
ne peut se construire qu’avec vous, par vous et les négociations à venir
sont votre avenir.
Faire vivre la sexologie médicale, c’est savoir aussi faire et se faire
violence, la " violence nécessaire " pour être entendu. C’est un billet de
rage et d’espoir aussi.
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