Sexologos  n° 13

Mai - Juin   2002 

De BOISGISSON Philippe 

Billet

 

L’HISTOIRE DE LA TESTOSTÉRONE. 



La testostérone a 77 ans.
L’hormone mâle est le fondement biologique de la pulsion. Elle n’est connue que depuis la fin des années 1930.
On imagine que ses effets ont été découverts, il y a 6000 ans avant JC quand un berger d’Asie mineure été le témoin des effets d’une castration accidentelle sur un animal, devenu ainsi domesticable.
Ce n’est pas avant le 19° siècle que l’on commença à comprendre les effets de la castration chez l’animal.
Arnold Berthold, chez le coq, constate la régression des caractères secondaires et leur réapparition après une greffe d’organe intra-abdominale.
Charles Brown-Séquard médecin français, fils d’une réunionnaise et d’un américain va explorer la pathologie endocrinienne pendant plusieurs dizaines d’années.
Le Ier juin 1889, il communique devant la Société de Biologie de Paris sur l’effet d’auto-injections d’extraits de testicule de chien, capables d’augmenter ses propres capacités physiques et mentales et son appétit.
L’organothérapie est née. Brown-Séquard est suivi par de nombreux chercheurs puis par les cliniciens.
Ces derniers réalisent des injections d’extraits testiculaires ou la transplantation de testicules humains ou de chiens dans le traitement de maladies aussi diverses que tuberculose, diabète, paralysie, gangrène, anémie, 
athérosclérose, grippe, maladie d’Addison, migraine, hystérie.
En août 1905 la revue Lancet publie l’article de Bayliss qui crée le terme hormone (en grec : je déclenche l’activité).
Mais le début du siècle sera celui des pratiques de rajeunissement.
Eugen Steinach constate l’effet de rajeunissement de la vasectomie chez l’animal, cette technique sera appliquée chez l’homme, Sigmund Freud est censé l’avoir utilisée. Steinach puis Voronoff utilisent ensuite la greffe chirurgicale de testicule de chien chez l’homme. En Europe et surtout aux Etats unis des milliers d’hommes se feront traiter. Un peu plus tard Niehans en Suisse met au point la thérapie cellulaire utilisant des injections de cellules animales pour traiter des patients dont les organes ont été considérés déficients.
C’est l’intérêt de la recherche pharmaceutique pour l’organothérapie qui permettra d’isoler la Testostérone.
L’Allemand Adolf Butenandt isole la première hormone sexuelle l’œstrone en 1929 ; en 1931, il isole l’androstenedione.
Leopold Ruzicka à Zurich synthétise l’androstérone en 1934.
En 1935,4 chercheurs des laboratoires Organon isolent la Testostérone. La même année Butenandt et Hanisch synthétisent la Testostérone avec les laboratoires Schering de Berlin. Huit jours plus tard, Ruzicka et Wettstein parviennent au même résultat. Ce sont Ruzicka et Butenandt qui se verront attribuer le prix Nobel de chimie en 1939. Les nazis empêchent Butenandt de le recevoir.

Depuis, la recherche sur la testostérone a progressé. Cette hormone mâle est un androgène fort (d’autres hormones ont une activité moins marquée), elle est synthétisée à partir du cholestérol essentiellement par les cellules de Leydig des testicules (95%), beaucoup moins par les surrénales (5%).
La sécrétion est contrôlée par effet rétroactif par l’hormone anté-hypophysaire LH.
La testostérone stimule la synthèse de protéines spécifiques en agissant sur un récepteur nucléaire.
Au moment de la naissance survient un pic de testostérone maximum à 3 mois, qui diminue au taux plancher vers 7 mois. 
C’est à partir de la puberté que le taux plasmatique va s’élever progressivement vers le taux adulte.
La sécrétion quotidienne est de 7mg, circulant librement et surtout liée aux protéines plasmatiques (albumine et globulines).
Si l’hormone mâle a actuellement des indications thérapeutiques bien précises, elle a pu être utilisée aux USA pour traiter….l’homosexualité et son dosage pour dépister les agresseurs sexuels est d’un intérêt moindre qu’il y a quelques dizaines d’années. Actuellement on estime qu’aux USA 1 million de body builders l’utilisent régulièrement.
L’utilisation de la testostérone sous forme injectable, orale ou percutanée donne d’excellents résultats dans l’hypogonadisme. Les résultats chez les patients ayant un taux de castration (autour de 0,50ng/ml) sont excellents avec amélioration de la libido, des érections et le maintien des caractères sexuels secondaires. Chez les patients présentant une dysérection et une hypotestostéronémie relative les résultats positifs ne sont que de 50%.
La recherche et la clinique ont conduit à découvrir les anti-androgènes. Certains comme l’acétate de cyprotérone ont un effet central qui réduit la libido ; ce produit est utilisé dans le traitement des agresseurs sexuels. 
Plus récemment il a été mis en évidence le rôle de la testostérone dans les troubles du désir sexuel…….. chez la femme.
L’histoire de la testostérone n’est sans doute pas finie.

A brief history of testosterone
E.Freeman J.of Urology 165: 371 feb 2001 
Sex,hormones and hysterectomy
D.Guzick New England Journal of Medicine 343: N°10 7sept.2000
Can male hormones really help women
M.J.Friedrich JAMA 283 N° 20 p 2643 24/31may
Andropause: a misnomer for a true clinical entity
A.Morales et coll J.of Urology 163 :705-712 mars 2000

 

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