Elle était à nouveau arrivée
en retard, essoufflée Pauline, jeune femme de 23 ans, étudiante, dont les
grands yeux bleu-clair semblaient apeurés lorsqu’elle s’installa
dans le bureau. Son regard fouillait la pièce, sa respiration
était retenue. Elle passait sans arrêt la main dans ses cheveux
non pas pour les réinstaller, mais comme pour chasser des peurs.
Elle commença par parler de ses difficultés à vivre, de ses doutes
et de son indécision, de cette terrible exigence qu’elle avait d’elle
même, mais qui l’amenait à renoncer dès qu’elle touchait
l’issue des projets qu’elle mettait en place, de son échec
universitaire.
Elle parlait de ce comportement très tranché qu’elle avait
dans sa relation aux autres et qui de fait l’isolait. Elle parlait de sa
souffrance.
Plus jeune enfant d’une famille de trois, elle a deux frères. A
l’âge de 9 ans un jeu avec son aîné (il a 15 ans à l’époque) se
termine par des attouchements et une découverte sexuels. Durant les deux années qui vont
suivre, ces jeux se reproduiront allant jusqu’à une sexualité coïtale.
Elle pourra dire à la fois ce sentiment de contrainte et de
désir diffus qu’elle ressentait, quand elle allait rejoindre son
frère dans sa chambre.
Le temps de la parole était venu pour elle. Le dire enfin aux
parents, lever le secret. Elle sentait qu’elle devait d’abord en
parler avec son père. Elle le décrit alors extrêmement gêné,
dit qu’il a un discours banalisateur sentant derrière un souci de
disculper le fils. Et c’est alors qu’il révéla qu’il avait eu lui-même
des jeux sexuels avec la plus jeune de ses sœurs, jeux sur la nature desquels il restera
silencieux mais suffisamment explicite. «on ne peut pas dire qu’ils
étaient complètement sexuels».
Alors seulement un souvenir lui revint, celui d’un lapsus répétitif
de son père qui, quand elle était petite, au lieu de la prénommer
PAULINE, la prénommait PASCALE, prénom de la plus jeune des sœurs
du père.
Entre inceste et «Oedipe», désirs indicibles.
|