Sexologos  n° 13

Mai - Juin   2002 

Entretien avec Jacques BUVAT

Tribune

 

Déficit Androgénique Lié à l’Age,
Y penser devant des troubles sexuels 
chez l’homme de plus de 50 ans.


Pour le Docteur Jacques BUVAT, spécialiste de la médecine sexuelle et de la médecine de la reproduction, le dosage de la testostérone doit être systématique en cas de troubles sexuels apparus chez des sujets de plus de 55 ans. En effet, il importe de reconnaître les patients qui tireront bénéfice d’une supplémentation androgénique.

Que sait-on des liens existant entre Déficit Androgénique Lié à l’Age (D.A.L.A.) et troubles sexuels ?
Jacques BUVAT : Le vieillissement masculin s’accompagne de troubles de l’érection ; rares avant 30 ans, la dysfonction érectile concerne 8% des hommes de 50 ans, 20% de ceux de 65 ans, et 40% de ceux de 70 ans (1). 
Parallèlement, une diminution du désir et une baisse qualitative et quantitative de l’éjaculation et de la spermatogénèse sont notées.

Les mêmes symptômes sont retrouvés chez l’homme hypogonadique. Chez ces patients, la testostérone améliore la libido mais aussi les érections, en particulier spontanées, nocturnes et matinales.
Or, le vieillissement s’accompagne fréquemment d’un déficit androgénique(1). 

Les corrélations entre symptômes sexuels, hormones et âge ont donc été recherchées. Une étude portant sur 220 sujets âgés de 41 à 93 ans a montré que la testostérone libre, la LH et le rapport testostérone libre / LH étaient significativement corrélés avec l’activité sexuelle, les érections nocturnes, la libido. Cependant, les coefficients de corrélation sont relativement faibles, ce qui suggère que la diminution de la sécrétion endocrine testiculaire n’intervient que de manière partielle dans les modifications de la sexualité observées avec l’avancée en âge (2). Dans une autre étude portant sur 77 hommes en bonne santé de 45 à 74 ans, la testostérone biodisponible, mais pas la testostérone totale était significativement corrélée avec le désir, l’excitation sexuelle, ainsi qu’avec les érections matinales et celles obenues lors des rapports. Cependant les corrélations étaient beaucoup moins significatives lorsque les données étaient ajustées en fonction de l’age, confirmant l’étude précédente (3). La faiblesse de ces corrélations chez le sujet sain n’exclut pas que le déficit androgénique joue un rôle important dans les problèmes sexuels de certains sujets âgés, ce qui apparaît évident dans certains cas cliniques.

Face à un patient de plus de 50 ans présentant des troubles sexuels, faut-il toujours rechercher un D.A.L.A. ?
Jacques BUVAT : Oui. 
En effet, d’une part un dosage rigoureux et répété de la testostérone totale montre que près de 9% des sujets de 50 ans ou plus présentant des dysfonctions érectiles ont des taux de testostérone totale franchement abaissés, inférieurs à 3 ng / ml. Ce chiffre de 9% peut paraître peu élevé. Mais si l’on se réfère au dosage de la testostérone biodisponible, considérée aujourd’hui comme le meilleur moyen de faire le diagnostic de Déficit Androgénique Lié à l’Age, près de 25% des patients de 50 ans avec dysfonction érectile sont concernés (1). 
D’autre part, le rôle des androgènes sur l’intérêt sexuel a été clairement démontré. Chez les sujets hypogonadiques bénéficiant d’androgènes, l’arrêt du traitement se traduit, dans les 2 à 3 semaines, par une diminution progressive de l’intérêt sexuel. L’effet des androgènes se ferait via la libido (1).
L’ensemble de ces données doit conduire à rechercher systématiquement un Déficit Androgénique Lié à l’Age, afin de proposer une prise en charge optimale des troubles sexuels. 

La testostéronémie doit-elle être demandée systématiquement dans le cadre du bilan d’une dysfonction érectile ?
Jacques BUVAT : Les dysfonctions érectiles sont complexes. Elles sont à la fois très fréquentes et très diverses dans leur intensité ; elles peuvent s’inscrire dans des contextes pathologiques variés (diabète ou maladies cardiovasculaires associées…).
Face à cette complexité, il faut opposer un bilan somatique et psychologique complet et soigneux : le dosage systématique de la testostérone s’intègre à ce bilan.
Les recommandations de la 1ère consultation internationale de juin 1999 sur la dysfonction érectile sont d’ailleurs claires : dans les tests diagnostiques recommandés figure, en plus de la glycémie à jeun (ou de l’hémoglobine glycosylée) et du bilan lipidique, le dosage de la testostérone. Un fort consensus se dessine en effet sur l’utilité de rechercher un hypogonadisme potentiellement corrigeable (4)). 

Quelle est, pour vous, la place de l’androgénothérapie dans la prise en charge des patients de plus de 50 ans avec troubles sexuels ?
Jacques BUVAT : La découverte de troubles de la sexualité en rapport avec le D.A.L.A. est une indication légitime à l’androgénothérapie substitutive. 
Mais parfois, les résultats sont décevants, notamment en raison du caractère multifactoriel des troubles sexuels. 
Même si je n’ai abordé que les troubles sexuels, rappelons que les conséquences du D.A.L.A. ne se résument pas à cela ; aussi je pourrais décider la poursuite du traitement si je constate l’amélioration de la symptomatologie non sexuelle (asthénie, bien-être général, troubles neurovégétatifs et de l’humeur)…

Dans le cas contraire, j’arrêterais le traitement par testostérone et m’orienterais vers des médicaments directement actif sur la fonction érectile, en sachant que dans certains cas, ces derniers n’ont une efficacité optimale que quand la testostéronémie est normale, ne serait-ce qu’au niveau de la libido ce qui peut conduire à réintroduire l’hormonothérapie substitutive.

Si une telle démarche me paraît assurer une prise en charge optimale, elle passe par un dosage systématique de la testostérone.


Kim YC, Buvat J et al. Endocrine and metabolic aspect including treatment. In : Jardin A. et al (eds). Erectile dysfunction. 1st International Consultation on erectile dysfunction. July 1-3, 1999, Paris.
Davidson JM, Chen JJ, Crapo L, Gray GD, Greenleaf WJ, Catana JA, Effects of androgen on sexual behavior in hypogonadal men. J. Clin. Endocrinol. Metab. , 1983,57 :71-77.
Schiavi R C, Schreiner-Engel P, White D, Mandell J. The relationship betweeen pituitary-gonadal function and sexual behavior in healthy aging men. Psychosomatic Medicine, 1991, 53: 363-374. 
Jardin A et al. Recommandations de la première consultation internationale sur la dysfonction érectile. In : Jardin A. et al (eds). Erectile dysfunction. 1st International Consultation on erectile dysfunction. July 1-3, 1999, Paris.

 

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