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19e Congrès Mondial de la WAS
Göteborg (Suède) Juin 2009
 

Sexual health and rights: a global challenge


Ce 19 e congrès, avec huit cents participants environ, a révélé de façon encore plus nette la multiplicité de la pratique sexologique.
Comme son titre l’annonçait, il a été beaucoup plus question d’éducation, de prévention, de politique au sens large, de santé sexuelle que de médecine ou de soins.
Nous, les cliniciens, étions nettement en minorité et de ce fait obligés d’élargir notre centre d’intérêt. Le précédent congrès, à Sydney en 2007, avait été, il faut le dire, plus satisfaisant sur le plan recherche et abord de la complexité de la pratique.
Un symposium intitulé : «entre santé sexuelle, médecine sexuelle et droits sexuels, qui sont les sexologues ? » résumait parfaitement cette problématique à travers les expériences européenne, sud-américaine et canadienne, cette dernière étant, comme nous le savons bien, clairement identifiée culturellement, socialement et politiquement.

Quelques points cliniques
 
Une décevante « gold medal lecture » de Julia Heiman sur ses recherches en sexualité féminine introduisait un symposium dont j’ai retenu le travail de Sophie Bergeron sur les dyspareunies ; la prévalence (entre 8 et 21%) en fait un symptôme de pratique quotidienne dont nous savons la complexité du traitement. Pour notre consoeur, une étude concernant 1425 femmes de 12 à 19 ans, lui a prouvé que 20% se plaignait de douleurs aux rapports (67% dès le premier) et 12% avaient une vestibulodynie.
Evidemment elle réfute le traitement chirurgical, d’autant que pour elle l’érotophobie est souvent la cause majeure de la douleur, c’est pourquoi elle préconise, à côté du traitement local, une thérapie (TCC) et un travail physique (relaxation, biofeedback, stretching, éducation, et désensibilisation), ceci impliquant nécessairement une prise en charge multidisciplinaire concomitante (non séquentielle).

Dans le même ordre d’idée (la sexualité féminine est une psycho sexualité) Eilen Laan a présenté une étude sérieuse sur l’anorgasmie ou la dysorgasmie (70% des femmes). Elle a souligné que les femmes, contrairement aux hommes, pouvaient s’engager dans une activité sexuelle coïtale sans que leurs organes génitaux soient «prêts» à le faire, et que cette «capacité» féminine à ne pas chercher ou demander plus de stimulation restait énigmatique (pourquoi faire ça ??), son étude (cohorte de 12 femmes mais expérimentation sérieuse) lui a permis de vérifier que l’obtention de l’orgasme demandait 10,86mn en moyenne, et que sa durée était de 23,93 sec. Comme on pouvait s’y attendre anxiété et dysorgasmie vont de pair.

A.M. Giraldi a brossé un rapide tableau des derniers consensus concernant les troubles sexuels féminins (la prochaine ICSM en juillet à Paris les précisera, tout comme la révision du DSM prévue en 2010). Pour elle, on ne peut se référer à un seul modèle (Masters et Johnson, H.Kaplan ou R. Basson) pour définir la sexualité féminine et il faut surtout prendre en compte la durée du trouble et faire impérativement le lien avec la qualité de la relation interpersonnelle ; venant d’une personnalité de la sphère «médecine-sexuelle-des femmes» c’est à souligner, on a vu combien de temps il a fallu pour prendre ce critère en compte pour la dysfonction érectile, ne pas s’en occuper dans les troubles du désir féminin serait un grand mensonge !!! A l’aube d’un essai de prise en charge médicamenteuse il faut rester vigilant…

Sur le plan de la sexualité masculine, rien de bien nouveau : on nous a parlé de quelques nouveaux IPDE5 en phase expérimentale plus ou moins avancée, d’un retour de recherche sur l’apomorphine ( ?), sur les anti Rho kinase, sur les facilitateurs de l’érection (agonistes des récepteurs de sérotonine 5HT2C) sur la gène thérapie et la recherche sur les tissus.

Il a été question de traitement de l’éjaculation rapide (la dapoxétine est sortie dans quatre pays européens) avec les partisans du traitement quotidien, du traitement à la demande et de la rééducation. Chacun ayant son avis sur la question, notre ami Pierre Assalian étant toujours partisan du traitement médicamenteux à long terme dans les éjaculations rapides très résistantes.

A ce propos j’ai eu le plaisir (toujours le même plaisir devrais je dire) à entendre Michael Perelman qui reste , dans la lignée de Helen Kaplan, sur sa ligne de conduite «intégration psychosomatique de la sexualité» et multidisciplinarité de la prise en charge ; je vais suggérer qu’il intervienne aux prochaines Assises de Reims , nos collègues n’étant pas tous familiers avec les publications américaines pourraient ainsi bénéficier d’un remue-neurones («integrated sex therapy is the only way») efficace !

Juste deux mots sur un symposium traitant de la neurophysiologie de l’amour, dont on déjà eu d’autres versions avec nos chercheurs français, il y a été confirmé l’importance de l’ocytocine : elle augmente la confiance en l’autre, réduit le stress, élude l’intérêt pour les stimuli liés à la peur, bref on en a sérieusement besoin pour avoir une chance d’accéder à la stimulation sexuelle (et au fantasme d’en tirer du plaisir) ; on nous a rappelé que l’amour est sous la dépendance de mécanismes cérébraux identiques à ceux des addictions (surtout ne vous faîtes pas désintoxiquer!) et que les hommes et les femmes n’avaient pas grand chose en commun dans leurs représentations sexuelles.
 

Quelle réflexion sur les droits sexuels et l’éducation ?
 
Le droit à choisir, le droit de se réclamer de sa propre identité et le droit au plaisir ont été les leitmotiv d’un grand nombre de sessions ; l’accent a été mis sur les besoins particuliers des adolescents, leur façon de chercher l’information et de parfois réfuter l’éducation : l’éducation à la sexualité a besoin d’être réaliste, positive et sans jugement.

Il ne faut pas se cacher derrière le mot «culturel» pour en fait accepter certaines choses, et ne pas confondre morale et éthique, ne pas se laisser aller à montrer son propre point de vue mais rester dans le domaine de «l’évidence-based knowledge».

Une loi récente interdit dans les pays scandinaves l’achat de moment de sexe (punit le client), ce qui a donné quelques communications en réaction : mélanger loi et moralisation renforce le dilemme du positionnement éthique, mais il faut malgré tout prendre en compte les variantes locales liées à la culture et la religion : il y a donc encore beaucoup à faire pour déterminer ce que sont réellement les droits sexuels et jusqu’où va le politiquement correct… la santé sexuelle dépendant du concept de santé, ses variables sont sous la dépendance des idées de valeur, fonctionnalité, normalité ; extrapolation de ce positionnement par exemple sur le religieux et le corps féminin ou sur les notions de «genre» et de «sexualité liée au genre».

Il faut également noter qu’a contrario la Nouvelle-Zélande a décriminalisé le commerce sexuel, et qu’au Canada vendre ou acheter du sexe n’est pas illégal.

Du fait de la petite centaine de bourses que le gouvernement suédois avait offert aux pays émergents pour que des professionnels puissent venir au congrès, il y a eu un nombre très important de posters ou de courtes présentations venant d’Afrique ou d’Asie.
D’intérêt inégal quant à la forme mais parfois surprenant sur le fond. Ainsi les droits à la santé sexuelle et à la «reproduction souhaitée» sont souvent lettre morte en Afrique : 19 millions d’avortements clandestins chaque année, 36 000 mortes, mutilations sexuelles dites «culturelles» avec des discours très équivoques parfois de la part de collègues présentant des papiers sur le sujet, ce qui nous a fait «bouillir».

Trois millions de femmes sont à risque chaque année, en particulier en Somalie, Égypte, Guinée, Sierra leone, Soudan, Djibouti ; une enquête a montré que dans les pays de la corne de l’Afrique les étudiants en médecine sont d’accord avec le principe de la mutilation sexuelle féminine ; raison invoquée : la coutume, la nécessité pour une femme de ne pas se montrer excitée ou risquer de l’être, ce sont les femmes qui prennent la décision pour leurs filles…

Dans certains pays comme l’Égypte où c’est devenu théoriquement illégal ce sont les professionnels de santé qui pratiquent les excisions (96% des femmes mariées, non-éduquées surtout), et enfreignent la loi, pour des raisons d’argent uniquement.

Enfin que ce soit pour évoquer l’inceste mère-fils, les abus sexuels chez les enfants des rues, la difficulté du traitement des pères violeurs ou incestueux, ou l’impossibilité pour les femmes indonésiennes d’avoir accès librement à la contraception, les violences homophobes dans les pays à forte culture religieuse, le relâchement ou même l’échec de la prévention du VIH, tous les orateurs ont réclamé une réelle politique de prévention et de santé sexuelle à l’échelle mondiale.

Un prochain numéro de Sexologos reprendra des communications intéressantes sur les sujets d’éducation sexuelle, prévention HIV et droits sexuels.

Pour ma part je repars de ce congrès avec le sentiment qu’il y a beaucoup à faire et qu’il faudra bien du courage et de volonté pour faire cesser l’hypocrisie.
 

 

TRENTE ANS DE WAS… Trente ans déjà !
 
Un symposium a réuni tous les présidents de la WAS depuis sa fondation à Rome en 1978, tous sauf Gilbert Tordjman récemment décédé.

Chacun a évoqué sa présidence, les efforts, les succès, les doutes, les échecs, les péripéties, les grands souvenirs ; ce ne fut pas nostalgique, et même si, comme dans toute société humaine, ce n’est pas rose tous les jours et ça laisse un peu pessimiste quant aux capacités des humains à la tolérance et l’honnêteté !

Nous nous sommes projetés dans l’avenir et nous nous sommes redit l’importance d’avoir une association mondiale pour parler de santé sexuelle ; l’avenir proche est entre les mains de la première femme nommée à la tête de la WAS : l’australienne Rosemary Coates.

Dr Nicole Arnaud-Beauchamps
Vice-présidente de la SFSC
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