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Assises Françaises 
de Sexologie
et de Santé Sexuelle
Strasbourg 2008 

Stratégies d'adaptation

CRISES DU COUPLE, 
FONCTION ET
DÉPASSEMENT


Les personnes qui viennent consulter un thérapeute de couple, soulèvent un problème de difficulté de couple. La difficulté peut être d’ordre sexuel mais elle est liée au contexte relationnel. En se plaignant de dysfonction cela s’inscrit dans ce contexte.
Au fil des années de travail avec les couples, la conviction m’apparaît que le couple est une organisation complexe. Celle-ci se met en place dès que les deux partenaires se pensent couple, la difficulté n’est pas la difficulté de l’un ou de l’autre c’est quelque chose qui se met en place entre eux et leur sert dans leur organisation de couple. Cette réflexion afin de vous démontrer que l’écoute s’est faite sur l’entre deux, le lien. En somme, c’est ce qui se passe entre eux plutôt que ce qui se passe entre chaque conjoint.

Et quand le thème de la sexualité sera abordé ce n’est pas les dysfonctions sexuelles qui seront mises en avant mais la fantasmatique du désir et comment il s’organise chez les deux partenaires. Afin de vous parler du couple, on va aborder : de la rencontre à l’engagement amoureux, de l’engagement à la crise et la sexualité face à ces situations.


De la rencontre à l’engagement amoureux

Un couple signifie la transformation amoureuse en engagement, toute rencontre amoureuse ne se transforme pas en couple et afin de se transformer en couple certains critères sont nécessaires.

Il faut que les deux partenaires se pensent couple et s’inscrivent ainsi dans une certaine durée avec un certain projet, voir de multiples projets. En se pensant couple ils se font reconnaître couple par leur entourage. Finalement un couple donne la naissance à deux personnes s’inscrivant dans une institution appelée le couple. La relation a donc ses dimensions affectives et sexuelles et va ainsi constituer un dedans et un dehors. Il y a l’existence à l’intérieur du couple et le monde extérieur, les conflits peuvent se trouver à l’intérieur de la relation ou entre le couple et l’entourage.
La façon dont le couple s’est construit peut être trop rigide, reflétant l’absence d’échange entre l’intérieur et l’extérieur, c’est le couple métro, boulot, dodo. Ce modèle de couple peut engendrer de la violence.

On peut voir aussi des couples qui ne construisent pas leur enveloppe et dans lequel le monde extérieur fait intrusion. Ce modèle est fréquent chez les jeunes, où au sein du couple tout est permis, il n’y a plus d’intimité et d’échange. Le couple doit allier le plaisir, la sexualité mais aussi la sécurité. Il doit donner des satisfactions à la sexualité qu’il organise dans une temporalité et doit renforcer la sécurité en participant à l’élaboration défensive des fonctions de chacun des conjoints.

Ces deux fonctions peuvent être antagonistes si bien que l’inscription d’une relation amoureuse dans la durée peut faire baisser le désir. Mais en devenant une relation de couple la relation amoureuse se structure et devient le lieu de dépôt des parties les plus archaïques de la personnalité de chacun. Comme tout groupement, en s’associant, on dépose au lieu de l’association des choses que l’on ne veut plus savoir, afin de constituer ensemble quelque chose de dynamique. Mais ce qui est déposé resurgit à un certain moment et de ce fait les associations rencontrent des difficultés relationnelles.

La relation de couple organise les parties inconscientes à l’origine du choix amoureux puisque souvent ce qui a fait attrait par delà du plaisir sexuel c’est une problématique archaïque commune. Un point de fixation infantile dont les mécanismes sont souvent complémentaires. Deux partenaires se retrouvent sur une problématique d’avidité affective pour l’un, sexuelle pour l’autre, ou s’en défendent. Le lien en construction a une fonction organisatrice et défensive. J’ai souvent dit que le couple était un comité de défense et de soutien. Il est à noter que chacun arrive dans le couple avec d’autres histoires de couple et chacun a donc des représentations différentes du couple. On a la première relation, la relation duelle, la relation à la mère ou à celle qui en a fait fonction afin d’assurer nos besoins et notre survie. Il y a encore la position de tiers exclu de la position des parents, mais encore nos modèles sociaux. Construire un couple consiste à mettre en commun ces représentations et à les transformer afin de construire une représentation commune du couple. Beaucoup de personnes y échouent.


De l’engagement à la crise

La première organisation va se complexifier au fil du temps. Cette complexité liée aux événements de la vie (les événements intérieurs à chacun des conjoints et les événements extérieurs) va mettre à l’épreuve ce premier équilibre de couple. Le couple va passer de fragile équilibre, en déséquilibre et nouvel équilibrage.

J’appelle cela le travail psychique du couple, on prend conscience que le couple est un organisme vivant qui aide au fil du temps à la maturation de chacun des conjoints. Les événements obligent à repenser notre position au sein du couple comme après le début de la vie commune ou d’une naissance.

Les crises reflètent un moment critique de réorganisation et, au fil du temps, le couple va vivre des crises à l’articulation d’un événement. Les personnes qui consultent nous amènent un événement et celui-ci va révéler la structure de couple ; ce à quoi ce couple a servi à chacun des conjoints. Et dans la crise on va reprocher à l’autre ce qui nous a amené à le choisir. La crise fait apparaître les composantes du choix amoureux, dans ces composantes on retrouve le côté narcissique et notre identité mais aussi le côté objectal qui nous fait sortir de nous-mêmes et déclenche la rencontre amoureuse, le plaisir amoureux avec l’autre.

A l’aide d’un exemple, on va se pencher sur une crise et sur les composantes du désir amoureux. Maurice et Brune consultent après 20 ans de vie commune en prétendant que cela roule et que cela a roulé, puis depuis quelque temps cela va très mal car la femme a engagé une relation homosexuelle. On pourrait croire que la relation homosexuelle en est l’enjeu mais en fait il n’en est rien. On retrouve là, toute la fantasmatique du couple.

En voici la trame : leur relation s’est construite lorsque la femme sortait d’une relation homosexuelle, relation liée à une femme supérieure hiérarchiquement (importance de sa mère), Maurice le conjoint la choisit à ce moment là. Il a pu dire qu’au fil de la vie de couple, son désir amoureux avait été mobilisé par l’idée de faire l’amour avec deux femmes. Outre le fait qu’il communiquait ces fantasmes à sa conjointe, le moment où il venait me voir c’était le moment où la réalité et le fantasme pouvaient se rencontrer. En général, il était pris d’un désir compulsif quand une amie de sa femme venait à la maison, il voulait avoir une relation avec elles deux, mais il sentait qu’ils étaient en danger.

On peut affirmer que l’hétérosexualité de leur couple était une défense contre l’homosexualité. L’homme a pu dire aussi qu’avant de rencontrer sa femme il avait eu des relations homosexuelles avec des hommes, l’homosexualité était donc partie prenante de leurs deux problématiques. Ils s’étaient trouvés afin d’organiser leur homosexualité dans leur hétérosexualité. A un moment de crise générée, existentielle, dans le travail mais aussi dans les systèmes de valeur, il n’était plus cet homme fort qui pouvait protéger sa femme des femmes. Si bien que le désir pour les femmes de sa conjointe avait resurgi à ce moment précis où son mari était en défaut. Le  fait que sa femme lui en parle, l’a mis d’avantage en difficulté A l’inverse de là protéger il n’a rien fait et tout c’est délité. Parallèlement à cela les relations sexuelles restaient excellentes entre eux.

Au niveau du plaisir ils en avaient tous les deux mais au niveau de l’homme, les relations sexuelles étaient devenues répétitives. 
Se trouvant face à un trouble identitaire : «était-il désiré en tant qu’homme ou en tant que femme ?», il demandait des relations sexuelles répétitives non pas pour le plaisir mais pour rassurer son identité d’homme.

Derrière cela, ils avaient chacun une relation à leur mère très compliquée. La femme parle d’osmose avec sa mère et confie qu’elle avait pris un conjoint afin de la protéger de sa mère. On retrouve ici tout le fonctionnement des couples, le couple par son érotisation permet le détachement des parents de l’enfance et continue cette séparation qui n’est jamais terminée. On sait bien comment dans les couples, les fantasmes de mères intrusifs sont présents. 

Un autre exemple met en scène une femme qui faisait attendre son conjoint, la plainte était du conjoint : «elle ne veut pas, elle refuse», jusqu’au jour où la femme a pu dire que le moment insupportable, c’était le moment après la relation où le désir était absent. A ce moment précis, elle avait l’impression de ne plus exister si bien que le refus permettait de maintenir l’attention le plus longtemps possible.


Conclusion

Le désir est porté par toute une organisation fantasmatique et la relation sexuelle peut avoir un tout autre sens que la recherche de plaisir.

 


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