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Assises Françaises 
de Sexologie
et de Santé Sexuelle
Strasbourg 2008 

Stratégies d'adaptation

DURABILITÉ DE LA 
SEXUALITÉ DU COUPLE


Il est important de distinguer deux situations cliniques différentes concernant la durabilité dans un couple.

Le jeune couple et la sexualité
De jeunes couples, se sentant menacés de ne pas bien utiliser leur sexualité, viennent à consulter. La démarche n’est jamais directement et exclusivement liée à des raisons sexuelles. Souvent ils commencent à se disputer même si au début de la relation ils s’aimaient beaucoup et étaient peu confrontés à de réels problèmes d’entente.

La situation les inquiète, ils craignent pour la durabilité de leur sexualité ou ils espèrent, misant beaucoup sur la sexualité, qu’elle garde une certaine vitalité afin de résoudre, éventuellement, un retentissement dans les disputes exprimées en dehors de celle-ci.

A ce moment là, le sexologue les prenant en charge, doit se vouer plutôt à une sorte de prévention de la non durabilité.

Voici quelques conseils émanant de ma pratique : il faut que le couple commence à se parler, pas de la sexualité en tant qu’acte sexuel mais de la conception que chacun a de la sexualité. Le couple doit s’interroger sur la conception de la sexualité et pas seulement celle qui a trait à la sexualité reproductive et érotique mais aussi sur la fréquence des rapports sexuels et sur le rythme. Ceci en pensant à l’avenir et pas seulement à l’immédiat. Le mâle n’a pas un rythme biologique imposé comme celui de la femme et il a tendance à se constituer un rythme de fréquence sexuel auquel il est très attaché, même si celui-ci devient monotone et extrêmement répétitif.
A l’inverse le rythme biologique féminin imposé par la nature pousse la femme, afin de s’en libérer, vers une sexualité surprenante, espiègle et irrégulière. Ceci est un motif de conflit à éclaircir. En outre, il faut penser dès que possible à exorciser le couple idéal.

Le couple idéal et les émotions
Ce couple relie toujours les émotions et les sentiments à l’impulsion sexuelle, on doit les informer de l’existence d’oscillations au niveau du rythme impliquant que par moment l’acte sexuel est favorisé par la mise en demeure des émotions et qu’au contraire parfois il y est renforcé. On doit donc accepter cette réalité. Il est intéressant de noter que toutes les émotions considérées comme négatives sont d’emblée estimées en tant que telles et ayant une influence néfaste sur la sexualité. Mais ceci n’est pas toujours le cas et cela est loin d’être toujours le cas. A titre de représentations :

On peut faire allusion à l’agressivité. Souvent, un couple qui se dispute et s’agresse verbalement pense que cela va nuire à sa sexualité. Ce n’est pas le cas, dans l’agressivité les émotions ont une certaine vie autonome et l’agressivité peut être commutée en propulsion érotique. Des couples le font spontanément, après une dispute ils se réconcilient dans un rapport sexuel, même si cette situation n’est pas toujours recommandable, il faut en tenir compte.

On peut trouver aussi de l’anxiété, l’anxiété de performance. Il faut savoir que l’anxiété n’est pas forcément à éliminer, elle est un fort stimulant érotique en soi. Mais on doit essayer de la commuter en quelque chose de favorable, un vent en poupe plutôt qu’un vent contraire.

La culpabilité est un état émotionnel extrêmement stimulant. De nos jours les personnes ne savent plus quoi transgresser afin d’alimenter la culpabilité. La culpabilité a deux visages, elle peut être inhibitrice mais aussi très stimulante.

Afin de finir dans l’exorcisation du couple idéal, on observe que le désir et l’orgasme vont toujours ensembles. En conséquence si on a le désir on a droit à un bon orgasme, en l’absence de désir, l’orgasme est menacé.

Mes pensées vont vers le Kama Sutra qui entretenait une «suma théologica» de l’art sexuel. Il prêche la dissociation du désir et de l’orgasme. Toute l’activité sexuelle que le Kama Sutra prêche et il n’est pas le seul traité oriental à prêcher cet état, c’est de viser un acte sexuel long dans sa durée en essayant soigneusement d’éviter l’orgasme. L’orgasme étant considéré comme un piège, une destruction du désir, plutôt qu’une alimentation du désir.

D’un autre côté, on peut voir la perspective plus connue, des couples qui consultent parce que leur sexualité ne marche plus. Ce sont les cas de couples observés le plus souvent. Que faut-il faire ?

Des suggestions ont été proposées tout au long de ce congrès et même déjà les années précédentes, on est aux assises du couple et on devrait assister à des conclusions plus pertinentes et plus percutantes l’année prochaine à Lille.

L’attention doit être requise me semble t-il, face au couple où la sexualité n’est plus une menace indirecte comme dans le premier type de couple étudié, mais une menace directe. Dans ce cas là, les dialogues conflictuels sont à l’intérieur de l’individu. En sachant que chaque homme possède une partie féminine et chaque femme une partie masculine, le conflit entre les deux partenaires est intériorisé. Ceci pas seulement dans les choses abstraites et psychologiques mais aussi d’un point de vue hormonale. On sait que la femme produit moins de testostérone et pourtant on dirait qu’elle sait mieux l’utiliser.
On ne connaît pas énormément de chose sur la fonction sexuelle des œstrogènes chez l’homme, mais on sait grâce à l’expérimentation médicale que les reins sont stimulés par les injections d’œstrogènes plutôt que par les androgènes. Cela agit à tous les niveaux sensitifs, et donc aussi avec l’administration médicamenteuse.
Le VIAGRA et ses cousins ont une efficacité indiscutable chez l’homme, contrairement à la femme, où le viagra a été un échec cuisant.
C’est grâce à des années d’activité professionnelle dispensées à l’université de Turin que j’ai
pu suivre les recherches de Pfizer concernant l’utilisation du VIAGRA d’un point de vue gynécologique.
On peut affirmer de façon élémentaire qu’il existe bien une partie féminine chez tout homme et une partie masculine chez toute femme et suite à cela, les conflits doivent être pris en charge de l’intérieur et pas seulement de l’extérieur.

Une deuxième chose qui est paradoxale, étant un psychanalyste, le terme de refoulement a été introduit indiscutablement par Freud, mais c’est à travers la sexologie que j’ai constaté avec une grande surprise, que le refoulement n’était pas exclusivement lié à des événements non désirés et à des souvenirs désagréables.
Tout paradoxal qu’il soit, il peut exister un refoulement du plaisir et un refoulement au niveau de la mémoire corporel de quelque chose d’agréable. On se souvient d’avantage d’une certaine agressivité et des mauvaises qualités de son partenaire. Cet état peut être lié à l’insuffisance de stimulations mais aussi au souvenir de quelque chose de désagréable dans les rapports de couple et engendrer face à cela le refoulement de l’aspect agréable qu’on ne veut plus voir.

Le plaisir est très fugitif comme l’orgasme il est le prototype de quelque chose d’extrêmement fugitif. Quand le plaisir est attrapé on est jamais sûr de pouvoir le garder, on se met donc plus volontiers en état d’attente de plaisir en se disant : «oui j’ai droit à du plaisir, je l’aurai» plutôt que : «Madame, Monsieur, vous l’avez tout de suite à vous de jouer».
Afin de finir, il est bon de s’interroger, en ce qui concerne la dialectique entre conscient et inconscient mais pas un inconscient de type Freudien conflictuel et un peu abstrait. A ce sujet, influencé par Schopenhauer, Freud ne nous a pas laissé en héritage quelque chose de positif, il pensait à la force inconsciente qui lui semblait beaucoup plus forte que le conscient.

Il fallait donc conscientiser l’inconscient afin de mieux le contrôler puisque fondamentalement c’était un inconscient ennemi. Mais on doit penser à un inconscient ami et cela ne peut être que le sommeil. Ce soir quand on s’endormira après quelques organisations mentales concernant la journée du lendemain on s’interrogera concernant l’utilité du sommeil. Mais en réalité ces interrogations doivent se renverser et nous donner à penser : «qu’est ce que le sommeil fera de nous ?». L’impression que les choses vécues dans la journée vont influencer le sommeil est erronée. A l’heure actuelle ne sommes-nous pas encore sous l’influence de la nuit précédente ? Et les neurones du sommeil ont peut-être une influence directe sur la vie sexuelle. Dans le sommeil, l’existence des rêves fait partie du monde imaginaire, d’ailleurs quand on rêvasse le jour, on est peu obnubilé contrairement à la nuit où on rêve davantage. Il peut-être intéressant de se raconter tous les matins le rêve fait la veille et je terminerai par un proverbe oriental :
«ce n’est pas parce qu’on dort dans le même lit qu’on est sûr de faire le même rêve.».


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