Sexologos  n° 28

Juillet  2007 

N. ARNAUD BEAUCHAMPS

Compte rendu
 

Retour sur Sydney.

 

  Le premier congrès mondial de santé sexuelle (18e congrès de la WAS) « Achieving Health, Pleasure and Respect » s’est tenu à Sydney (Australie) du 15 au 19 avril dernier avec la participation de 1600 sexologues du monde entier et d’une délégation française significative.
Sydney c’est loin… mais c’est une très belle ville et nous avons grandement apprécié l’implantation du palais des congrès à Darling Harbour, au milieu des bateaux et sous le chaud soleil automnal.
Ce qui me semble le plus important c’est que nous avons eu un vrai congrès de sexologie (extrêmement bien organisé soit dit en passant) avec toutes les dimensions que cela implique : la recherche et la médecine sexuelle, la santé sexuelle, la sexologie et la thérapeutique, et les aspects socioculturels de la sexualité humaine dans sa diversité.


Pour épouser les buts inscrits dans le titre, les quatre sessions plénières ont traité :
a) Du bénéfice de l’expression sexuelle sur la santé, le bien être et la qualité de vie, avec un appel de Beverly Whipple à mettre en avant les aspects positifs du comportement sexuel au lieu de se focaliser sur ses dangers et dysfonctionnements.
b) Du plaisir, dans ses aspects neurophysiologiques, dans son émergence autorisée chez la femme au milieu du XXe siècle, et dans sa relation à l’amour.
c) Du respect des droits sexuels et de la diversité, un des grands thèmes habituels des congrès de la WAS : le monde de la sexologie a quelque chose à dire à la société en ce qui concerne la morale et la tolérance au « différent » d) Et enfin dans une mise en perspective des avancées en médecine sexuelle il a été consacré, le dernier jour, un symposium au dysfonctionnement sexuel féminin et à ses réponses puisqu’il s’agit là de l’avenir de la recherche en sexologie.
La réponse à apporter aux troubles de la sexualité féminine liés à l’âge , sous forme de prescriptions d’androgènes en particulier, a fait l’objet d’un nombre important de communications, bien documentées, avec des séries convaincantes et la plupart des orateurs ont rappelé l’importance des androgènes sur la libido ; si les femmes sont écoutées maintenant dans leurs demandes justifiées de maintenir une vie sexuelle heureuse elles ne sont cependant pas toutes les sexy sexagénaires qu’un symposium enjoué nous a décrit : vieillir en ayant une vie sexuelle heureuse suppose que les femmes aient une vie affective adéquate, une image positive d’elles-mêmes, une bonne hygiène de vie et prennent un traitement hormonal : CQFD. A noter toutefois qu’une communication finnoise a démontré qu’à 70 ans, 75% des hommes contre 50% des femmes avaient un(e) partenaire sexuel régulier et qu’une communication australienne a prouvé qu’il valait mieux être régulièrement marié pour bénéficier d’une vie sexuelle plus  longue : CQFD bis.
Il m’est apparu, mais c’est dans l’air du temps à chaque congrès ces dernières années, que, particulièrement en ce qui concerne les dysfonctions féminines, il y a les partisans de la recherche de traitement pharmacologique, s’appuyant sur des questionnaires multiples et variés qui informent très spécifiquement, et les partisans de traitements plus intégratifs, associant même des techniques beaucoup plus traditionnelles (le tantra du lotus jade en trois niveaux est une très belle extrapolation du sensate focus !)


A ce propos, j’avais noté en majuscule sur mon carnet de notes cette phrase définitive «it’s always more elegant to perform an integrative treatment» mais le nom de son créateur m’est sorti de la mémoire ! qu’il en soit toutefois remercié pour toujours, cela restant selon moi le vrai bonheur de la pratique sexologique.
Toujours dans le même ordre d’idées un nombre respectable de communications sur la dysfonction érectile ont fait la part belle à l’importance du conseil psycho sexuel (terme anglosaxon spécifique) pour augmenter la compliance, l’efficacité à long terme et la satisfaction du couple dans le traitement de ce symptôme. Lequel symptôme est maintenant surtout étudié en termes de retentissement psychoaffectif et conjugal. La plupart des études sur les IPDE5 concernent les couples dorénavant et il faut bien reconnaître que c’est avec soulagement et satisfaction que nous voyons nos collègues américains réintégrer  evidence based medicine et sexothérapie. Sans oublier là aussi l’importance de l’action des androgènes chez l’homme âgé dont la pathologie est très intriquée, beaucoup d’orateurs ont abordé la question de la supplémentation hormonale dans ses indications, contre- indications et mésusages . . .
Il y avait un nombre relativement important de communications sur l’éjaculation prématurée (plus d’une vingtaine) et si notre collègue Mac Mahon, organisateur, a développé les (parfois indispensables) traitements bien connus, j’ai entendu d’une part un plaidoyer pour la sexothérapie comme prise en charge préférentielle et d’autre part une étude très sérieuse de 354 cas de chirurgie sur les nerfs afférents : les résultats sur le temps de latence éjaculatoire intra-vaginale semblaient très satisfaisant aux yeux de l’auteur (un chirurgien pour qui l’éjaculation prématurée primaire a toujours pour étiologie une hypersensibilité pénienne.)
Sur l’éducation, il a été refait référence au programme américain prônant l’abstinence jusqu’au mariage (que j’avais personnellement découvert au congrès mondial de Paris mais qui date de 15 ans) cette option semble se répandre dans de nombreux pays et elle produit des débats échauffés. Plusieurs présentations sur la jeunesse nippone (les japonais n’étaient pas très éloignés de chez eux et ont eu beaucoup d’orateurs) avec, comme toutes les jeunesses des pays industrialisés, ses atermoiements et ses violences. Une constatation : le fait d’envoyer des dizaines de SMS par jour est un facteur de création d’intimité et de rentrée précoce dans la vie sexuelle pour les jeunes, beaucoup plus qu’internet.
Je suis allée participer à plusieurs symposium évoquant justement l’usage du net dans les comportements sexuels (bons usages pour la rencontre, mauvais usage pour la pornographie accessible aux adolescents et seul vecteur d’information sexuelle parfois) et son usage pour la formation professionnelle et les méthodes de sélection des patients : je réfléchis beaucoup à cela en ce moment car je suis certaine de son utilité dans notre discipline, en particulier dans la formation des généralistes.
Un mot du symposium francophone de la SFMS qui traitait de l’importance de la taille du pénis, sujet sur lequel il n’y a pas beaucoup de véritables études documentées encore, mais sujet qui est loin d’être futile puisque la demande est internationale et que la réponse doit être précautionneuse, le sexologue ayant besoin là d’être tout à la fois attentif à la réalité physique, à la pathologie psychique et à la détresse des patients.
Un congrès mondial offre un éventail d’informations tel qu’il faut choisir. Dans l’ensemble j’ai trouvé que les réflexions présentées sur les violences sexuelles étaient riches d’enseignement malgré le filtre des différences culturelles (la souffrance est universelle) et comme toujours, j’ai été très étonnée en regardant les posters émanants de participants de pays qui ne fréquentent pas les autres congrès médicaux, par exemple les faits et les chiffres concernant le VIH en Iran, en Afrique ou en Asie devraient être plus diffusés. Tout l’aspect de la prévention (VIH, violence sexuelle, prévention de grossesses non désirées, éducation sexuelle) m’est apparu bien développé.
C’est en cela que c’était vraiment un congrès de sexologie : éclectisme et multidisciplinarité. Un grand plaisir.


En juin 2009 nous irons à Göteborg en Suède.

 



Nicole ARNAUD BEAUCHAMPS
Vice Présidente de la SFSC
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