Dysfonctionnement érectile (DE) : symptôme ou maladie ?

Docteur Pierre BONDIL



L'identification épidémiologique des multiples facteurs de risque de la DE (modifiables ou non) a facilité sa compréhension mais aussi modifié son approche diagnostique et thérapeutique tant à l'échelon individuel que collectif. L'intrication de facteurs organiques, psychologiques et environnementaux a permis d'introduire le concept de profil de risque de DE (1). La DE est ainsi en train de s'imposer comme un authentique marqueur clinique de l'état de santé globale, c'est à dire, sexuel, physique et psychique (OMS 1974) mais aussi de la qualité de vie d'où le deuxième concept de DE "symptôme / maladie" (2). Stricto sensu, la DE "symptôme" n'est qu'un phénomène subjectif révélateur d'un trouble fonctionnel ou d'une lésion (connus ou non, traités ou non). La DE est alors assimilable à une fenêtre qui s'ouvrirait sur de multiples et fréquentes situations à risque (surpoids, addictions, stress…) et / ou des pathologies chroniques (athérosclérose, diabète, dépression, iatrogénie…). L'enjeu étant la santé globale, ce concept met en avant l’intérêt d'un dépistage proactif (même si la DE n’est pas un problème pour le patient) car il peut révéler des pathologies méconnues ou de situations à risque, particulièrement cardiovasculaires. Ainsi, la survenue d'une DE après 40 ans doit être considérée de principe et jusqu'à preuve du contraire, comme un symptôme clinique d'atteinte cardiovasculaire (et peut-être d'alerte d'un accident aiguë) (1). La "DE maladie" se distingue de la DE "symptôme" car elle s'accompagne d'un "male habitus", c'est à dire un mal-être, une souffrance. Dans ce concept de "DE maladie", l'important n'est pas tant le symptôme en lui-même, mais le rapport que chacun a avec son symptôme et la manière dont il l'exprime en sachant que cette souffrance se caractérise par une grande variabilité inter et aussi intra-individuelle (notamment en fonction de l'âge et de la présence ou non d'une partenaire) (3). Ainsi, si tous les hommes ayant une DE n'en souffrent pas, la DE perturbe souvent leur personnalité affectant leur vie de couple, familiale, professionnelle. Qu'elles soient cause ou conséquence, ces perturbations émotionnelles et psychologiques témoignent d'une souffrance souvent mal ou non exprimée d'où l'importance : a) d'une prise en charge globale et non focalisée au seul organe, b) d'un réel dialogue médecin-patient (3). En pratique, en tant que marqueur pertinent de l'état de santé, la DE peut et doit être l'occasion pour l'homme, d'un bilan de santé globale incluant également une finalité de prévention et de promotion de la santé via un bilan étiologique raisonné et raisonnable fondé sur les données cliniques. 

1) Bondil P, Delavierre D : Facteurs étiologiques et facteurs de risque. In: La dysfonction érectile. P.Bondil ; Ed. John Libbey Eurotext; 2003 Paris (in press).
2) Bondil P : Prise en charge d'une dysfonction érectile. Panorama du Médecin ; 17 avril 2003, n° 4888.
3) Bondil P : Qualité de vie, mieux-être, devoir d'information et médecine humaniste. In: La dysfonction érectile. P.Bondil ; Ed. John Libbey Eurotext; 2003 Paris (in press).

CV

· Chef de service au CHG Chambéry, exerce une activité qui présente l'originalité de se répartir pour un tiers d'urologie, d'andrologie et de cancérologie. Dans le domaine de l'andrologie, il fait partie des experts nationaux ayant été notamment, rapporteur en 1992, au 86e congrès de l'Association Française d'Urologie sur le thème de "l'anatomie et la physiologie de l'érection". Depuis une dizaine d'années, il s'est particulièrement investi dans de nombreuses actions de FMC sur les troubles de l'érection pour les médecins spécialistes et généralistes en collaboration avec les Sociétés Savantes impliquées dans ce domaine..



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