ENSEIGNEMENT DE LA SEXOLOGIE, QUELS ENJEUX POUR DEMAIN ?

 

Professeur Pierre COSTA



Comme l’OMS l’a souhaité il y a presque 30 ans, la sexualité est maintenant reconnue comme partie intégrante et importante de notre santé. Un délai de 30 ans est certainement significatif pour la médecine d’aujourd’hui. La population française semble donc en droit d’espérer se voir proposer, en cas de troubles sexuels, une prise en charge adaptée et efficace. Les médecins devraient pouvoir penser prendre en charge un trouble de la sexualité comme ils se préoccupent d’une hypertension artérielle ou d’un diabète. Il n’en n’est rien. Les études les plus récentes montrent que seulement moins d’un quart des hommes qui souffrent d’un trouble de l’érection consultent et qu’un peu plus d’un tiers d’entre-eux se voient proposer un traitement par leur médecin. Ceci nous interpelle d’autant plus que plusieurs études ont confirmé l’importance du bénéfice apporté par la correction des troubles érectiles au niveau de la qualité de vie des patients. Dépister un trouble de l’érection peut aussi permettre, en examinant son patient et en proposant quelques explorations complémentaires, de découvrir des pathologies associées et de les prendre en charge dans une démarche de médecine préventive. Ainsi, 40% des patients suivis en cardiologie et présentant une baisse de leur érection, ont une coronaropathie et le bilan biologique peut révéler un diabète ou une cholestérolémie, tandis que l’examen clinique peut révéler un adénome de la prostate. Pourtant et malgré ce constat, plusieurs études récentes montrent que peu de médecins prennent l’initiative et abordent la question de la sexualité de leurs patients. En 2002, les Médecins généralistes français ont consacré 2% de leurs prescriptions aux troubles de la sexualité masculine. Leur implication en matière de troubles de la sexualité féminine est encore moindre.
Pourquoi une telle discrétion du corps médical français ? Les médecins n’ont-ils pas été informés ? Ne savent-ils vraiment pas qu’un trouble de la sexualité provoque une véritable souffrance ? bien sûr que oui ! Le problème n’est pas à l’information mais à la formation !
La formation primaire des médecins français en matière de sexualité est extrêmement insuffisante : 8 heures de cours, en tout et pour tout, incluant la physiologie, dans le programme de la Faculté de Médecine de Montpellier-Nîmes qui se veut en avance en matière d’enseignement de la sexualité … Avec cela une absence complète de mise en situation clinique lors des stages hospitaliers.
L’absence de formation explique la passivité voire le refus actuel de s’impliquer de la majorité des médecins français, qu’il s’agisse des Médecins Généralistes mais aussi bien sûr des Spécialistes dont seulement une minorité s’intéresse à la sexologie. 
Mais la France dispose de Sexologues, médecins et non-médecins, qui sont motivés et compétents. Cela doit-il nous permettre de nous dispenser de progresser en matière d’enseignement de la sexologie ? non car les études récentes nous indiquent que la préférence des patients est en grande partie accordée à leur médecin généraliste. 
Que proposer alors ? Faire de tous les MG de véritables sexologues, formés et compétents ? Non bien sûr ! La sexologie est une spécialité qu doit rester exercée de façon exhaustive par ses seuls spécialistes que sont les sexologues (comme toutes les autres spécialités médicales le sont). La réponse est double, dans le travail en réseau et dans la formation nécessaire et suffisante à la pris en charge des cas simples par tous les médecins intéressés (non sexologues). Les médecins non sexologues doivent accepter de référer leurs patients aux sexologues, médecins et non médecins. Ils savent déjà demander un avis cardiologique, neurologique ou urologique … Ils savent déjà utiliser à bon escient les compétences des psychologues, des kinésithérapeutes, des sage-femmes, des orthophonistes … Mais il ne faut pas qu’ils comprennent mal notre volonté qui n’est pas de les exclure du champ de la prise en charge des troubles de la sexualité, bien au contraire. Ils doivent pouvoir, s’ils le souhaitent, proposer une première pris en charge, aux patients qui leur semblent relever de leur compétence. Mais ils doivent pour cela acquérir une compétence. Nous nous devons de la leur proposer, dans le futur au sein de leur formation initiale, aujourd’hui et demain au cours de leur formation post-universitaire. 

Références : 

P. Costa, C. Avances, L. Wagner. Dysfonction érectile : connaissances, souhaits et attitudes.
Résultats d’une enquête française réalisée auprès de 10.000 hommes âgés de 18 ans à 70 ans. 
Progrès en Urologie, 2003.

Buvat J., et al. Les problèmes d’érection : une souffrance encore trop souvent cachée. Andrologie 2002.

Wilke JR et coll. Quality of life effects of alprostadil therapy for erectile dysfunction. J. Urol. 1977.
Litwin MS., et al. Health-related quality of life in men with erectile dysfunction. J. Gen. Intern. Med. 1998.

Pritzker MR. The penile stress test : a window to the hearts of man ? 72nd Scientific Sessions of the American Heart Association, November 7-10, 1999, Atlanta, Abstract 104561.

CV

Professeur d'Urologie de la faculté de Médecine de Montpellier-Nîmes, 
Chef du Service d'Urologie du CHU de Nîmes et actuellement 
Président de l'AIHUS et Coordonnateur du CCPIU de Sexologie.



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