Allocution d'ouverture
du XVe Congres Mondial de Sexologie
Paris 23- 28 Juin 2001

 


Monsieur le représentant du ministre de la Santé, Monsieur le Président de la World Association for Sexology, Monsieur le représentant de l'Organisation Mondiale de la Santé, Monsieur le Président du XV e congrès mondial, Mesdames et messieurs les Présidents des Associations organisatrices de ce congrès, Mesdames et messieurs les congressistes, Chers collègues, Chers amis, j'ai été extrêmement touché par l'honneur qui m'a été fait lorsque le Président de ce congrès, le Docteur Marc Ganem m'a demandé d'accepter de faire cette allocution d'ouverture. En tant que président de l'Académie des Sciences Sexologiques qui co-organise ce congrès avec la Fédération Européenne de Sexologie, la Société Française de Sexologie Clinique, l'Association Inter Hospitalo Universitaire de Sexologie, l'École Française de Sexologie, j'ai accepté de vous faire part en quelques minutes du résultat de plusieurs années de réflexion de notre Académie qui, au fil des années a abordé les principaux thèmes de Méta-sexologie et en particulier celui de la définition de ce que devraient être les qualités d'un véritable sexologue de notre temps. Comme les péchés capitaux ces qualités capitales sont au nombre de sept. Le courage, la neutralité, l’humilité, la qualification technique, la bienveillance, l’honnêteté et un solide sens de l'humour. Consacrons seulement quelques secondes à chacune d’entre elles.
Le Courage : il en faut beaucoup, dans beaucoup de pays du monde pour aborder le sujet tabou fondamental du sexe, de la liberté sexuelle et de la sexologie. Il faut savoir accepter d'affronter la suspicion et les sarcasmes, tout en restant à l'aise dans son milieu personnel et professionnel, pour continuer à pratiquer la sexologie en milieu hostile, malgré toutes les embûches, les oppositions, l'immobilisme et le conservatisme des pouvoirs en place, des institutions et des religions. Inéluctablement le sexologue est du côté des libertés individuelles et du respect de toutes les valeurs, quelles qu'elles soient. Ceci est, qu'on le veuille ou non, une prise de position politique qui déplaît fort aux conservateurs et dictateurs de toutes sortes dont le principe même est qu'un seul, le "leader" sait ce qui est bon pour tous, de gré ou de force, ce qui rend plus que problématique l'accueil d'un congrès mondial de sexologie par un tel régime. Le premier institut qui a été fermé puis détruit par l'Allemagne nazie en 1933 fut l'institut de sexologie de Hirschfeld, à Berlin., ne l'oublions pas. Le sexe est contestataire par nature, le désir inconscient ne connaît pas l'ordre social.
La Neutralité : tout être humain mérite le respect, fut-il le plus déviant voire le plus abject dans sa sexualité en particulier. C'est à la Loi et aux juges de dire si cela peut être toléré ou non par la société. Le sexologue ne doit pas prendre parti pour ou contre telle ou telle attitude ou conduite sexuelle. Mais n'oublions pas que les composantes émotionnelles et pulsionnelles conscientes et inconscientes des sexologues entrent inéluctablement en résonance avec celles des patients. En aucun cas, le sexologue ne doit s'y laisser prendre, même si c'est, sans aucun doute, un objectif très difficile à atteindre. Les excès d'amour et les excès de haine incontrôlés, ainsi que les fantasmes de toute puissance,
entraînent toujours des passages à l'acte du sexologue sur ses patients , passages à l'acte qui sont non seulement des inepties scientifiques et des erreurs thérapeutiques graves, mais aussi et surtout des fautes professionnelles et déontologiques certaines qu'on ne peut que condamner.
Une honnêteté : s'il est vrai qu'il n'est pas possible d'exercer la sexologie sans un solide bagage scientifique et sans cadre théorique et conceptuel , il n'est pas possible non plus de faire entrer un être humain dans le cadre strict d'un corpus théorique scientifique, si élaboré soit-il. C'est à la science de plier et de s'adapter à la formidable complexité des relations humaines, sexuelles en particulier si on admet, ce qui n'est pas mon cas, qu'il en existerait d'autres. Ce n'est pas aux patients de s'adapter à une théorie, si étayée soit elle, car nous savons bien qu'inéluctablement elle sera remise en question, voire battue en brèche, un jour ou l'autre. Ce que nous croyons vrai aujourd'hui s'avérera peut-être faux demain, et ce pour tous nos patients.
La qualification technique : la sexologie scientifique consiste précisément à acquérir le plus possible de savoir pour mieux en cerner le contenu, mais aussi pour en connaître mieux les limites et en particulier les limites de notre savoir et donc celles de notre pouvoir. Le fonctionnement sexuel humain est encore, soyez-en sûr, un mystère bien opaque et il est probable que dans vingt-cinq ans, au XXX e congrès mondial de sexologie (celui du cinquantenaire) qui aura donc sans aucun doute lieu à Paris, nos collègues de l'époque auront, certainement un sourire amusé quand ils penseront à nos théories actuelles forgées au millénaire précédent.
La Bienveillance : c'est la qualité essentielle du soignant car c'est elle qui motive tous ses actes professionnels. Non pas la bienveillance de ceux qui veulent le bien d'autrui malgré eux, quitte à leur imposer de force les pseudo solutions qu'ils croient bonnes pour eux, à leur place, mais la vraie bienveillance, celle qui scelle l'alliance thérapeutique véritable entre le sexologue libre et respecté et le patient également libre et respecté qui seul peut finalement définir ce qui est bien pour lui.
L'Honnêteté : s'il est légitime de gagner très bien sa vie avec son métier quand on l'exerce très bien, il n'est pas légitime d'exploiter la misère humaine pour son bénéfice personnel. La justesse en la matière est tout à fait essentielle à la bonne marche du processus thérapeutique et à sa bonne fin. Le tact et la mesure en matière d'honoraires sont absolument nécessaires au bon rapport, au juste rapport transférentiel diraient les psychanalystes, entre le sexologue et son patient. Ni trop ni trop peu car à la fin du traitement, le patient et le sexologue doivent se séparer en ayant le sentiment que ni l'un ni l'autre n'a été exploité et que chacun est quitte vis-à-vis de l'autre, chacun ayant joui des efforts de l'autre et des désirs de l'autre dans le strict équilibre que permet la déontologie.
La dernière qualité essentielle pour un sexologue est : un solide sens de l'humour : Chacun sait que les deux problèmes existentiels fondamentaux sont nos rapports à EROS et à THANATOS et qu'ils sont générateurs de toutes les problématiques psychosexuelles humaines mais aussi des conflits intra-psychique ou interindividuels et sociaux les plus graves. Il ne faut pas que le sexologue se laisse entraîner dans ou par la misère humaine dans laquelle il baigne sans arrêt inévitablement et inéluctablement. L'angoisse et la dépression des soignants sont non seulement préjudiciables aux soignants mais aussi à leurs patients. L'humour et le rire sont les deux aspects thérapeutiques qui soulagent le plus la condition humaine. Sigmund Freud à écrit des textes sublimes sur ce sujet et l'on sait que le rire est le propre de l'homme. Quand vous repenserez , dans vingt-cinq ans à ce congrès, j'espère certes que vous pourrez vous dire que vous vous y êtes bien instruit , mais j'espère surtout que vous vous direz : je m'y suis bien amusé.
Bon congrès à tous, vive Paris en été, vive la France! Amusez vous bien. Je vous remercie de votre attention.

 

Gérard Vallès



Retour