QUAND LA RÉALITÉ
 DÉPASSE LA FICTION

 

Le temps va trop vite et ne nous laisse pas assez de moments de réflexion, de détente, d’intimité.
Cette réflexion, vous l’entendez au quotidien venant de vos patients, dont le temps dévolu à l’intimité se réduirait, à les entendre, à une peau de chagrin.
Désir de s’échapper d’une sexualité qui leur convient de moins en moins, à l’intérieur d’un couple, ou conduite d’évitement projeté vers l’autre et qui revient trop souvent comme un boomerang, peu d’entre eux le savent ou plutôt désirent le savoir, car ils n’ont pas le temps.
Ah ce temps, cette horloge inéluctable de la vie, combien de formes différentes prend-il pour nous aider à vivre, nous faire vivre ou donner une plénitude à la vie, dont la sexualité est un des meilleurs fondements.

Le temps accéléré.
Il suffit d’assister dans tel ou tel congrès à l’énumération des dates principales qui ont rythmé le champ de la Santé Sexuelle, pour s’apercevoir combien les choses vont vite, combien les concepts sont vite obsolètes, combien l’accélération des connaissances permet un travail plus aisé au quotidien, combien les notoriétés passent (Vanitas, Vanitatis !), combien les patients changent dans leurs mentalités et leurs demandes.
L’accélération est encore plus évidente depuis l’apparition des médicaments sexoactifs en 1998 et nous assistons actuellement à un foisonnement d’idées, de concepts, de remise en ordre des approches sexologiques, surtout en ce qui concerne les femmes, dont nous avions besoin.

Le temps maîtrisé
Accélérer certes, mais aussi maîtriser les dérapages et voilà une de nos missions dont nous avons encore du mal à concevoir la portée, surtout au niveau de la médicalisation de la sexualité, de l’assimilation physiologique entre femmes et hommes, de la responsabilité de la prescription, de la nécessité d’une formation des généralistes et tant d’autres domaines encore …
Maîtriser le temps c’est surtout savoir prendre le recul nécessaire, à chaque instant, pour pouvoir répondre à ce que nos patients nous demandent, c’est-à-dire les aider à créer des espaces d’intimité, des « sas de décompression », qui peuvent leur permettre de quitter une activité prenante pour s’écouter AVANT de réécouter l’autre.

Le temps NIE.
C’est ce temps de l’amour, ce temps qui permet de pouvoir retrouver le lien amoureux, avant de rechercher la procréation.
La pilule a permis, de séparer la sexualité ludique de la sexualité de procréation.
Certes, mais combien de couples ont parfois dans des conditions difficiles, difficulté à garder cette sexualité ludique, quand ils sont en recherche, parfois pathétique d’enfant. L’aide médicale à la procréation fait des miracles, mais combien de couples détériorent ensuite leur sexualité, quand on ne prend pas le temps de leur expliquer que plus les médecins font intrusion dans leur vie, plus ils doivent s’isoler et s’aimer !
Je ne ferai qu’un commentaire sur le clonage, qui est l’exemple type du temps nié.
Ce qui fait le prix de la vie, c’est la mort qui nous interpelle afin que nous ne la laissions pas filer, ce qui fait le prix de l’autre, c’est sa différence, ce qui fait le prix de l’amour c’est qu’on se remet à chaque instant en cause pour le garder.
Le clonage a compacté le temps, l’image d’un corps censé être unique nous-même. Le clonage pourrait détruire l’éphémère fondateur de la sexualité, la notion d’appartenance à une filiation, l’envie de tout donner à l’autre, afin de préserver son propre espace temps. Espace dont nous avons tant besoin pour faire reculer en nous la peur de la mort, dont les effets délétères sont si évidents dans la pathologie sexuelle des individus et des couples qui viennent vers nous.

Le temps « traîne savate ».
C’est le temps à rebours de tous ceux qui en France, n’ont rien compris à l’accélération fédératrice de tout ce qui se passe dans le champ de la Santé Sexuelle.
Accélération nécessaire à tous ceux qui y oeuvrent et, pour qui la notion de travail en réseau devient indispensable, afin de donner le meilleur à ceux qui souffrent dans leur vie sexuelle.
Accélération dans la conception d’une vision d’ensemble de ce que pourrait être une sexologie adulte, dépouillée de ses querelles de « chapelles », adulte et mature, car partageant le quotidien et les idéaux.
La France a de tous temps été un grand pays « sexologique », ne la laissons pas s’oublier dans un corporatisme médical ou associatif stérile, au lieu d’aller vers un forum de partage, unissant toutes les composantes nécessaires à notre discipline, sans ostracisme, ni envie d’hégémonie.
Nous avons un devoir, nous qui pouvons nous exprimer de travailler ensemble, tout en respectant nos différences qui nous rendront encore plus riches, de ne plus nous taire et de dire haut et fort que ce serait dramatique d’attendre encore de trop, afin de nous rejoindre et de travailler ensemble.
Ce n’est pas qu’un vœu pieux, mais regardons autour de nous ! qui va assurer la relève derrière nous, où sont ceux qui acceptent de ne pas « faire un métier », mais de pratiquer un exercice ou un art de l’écoute de la souffrance des autres.
La logique comptable du morcellement n’a rien à voir avec ce que nous sommes censés faire, réapprendre à nos patients qui souffrent, le partage, des corps, des émotions, des rêves et peut-être, mais c’est tellement bon de rêver, d’un temps si intemporel, qui s’appelle l’AMOUR.




 Marc GANEM

 

         

Retour