ÉTHIQUE ET PRISE EN CHARGE DE BASE



Les actes du médecin sont donc éthiquement ceux d’un médiateur social qui prend en compte dans sa pratique son activité médicale mais aussi les coûts : individuel et social. Ainsi, la médecine, activité de service s’inscrit dans un système économique. Elle s’inscrit donc dans le champ de l’échange. Mais la forme de l’échange est toute autre : le contact tactile, la palpation de l’enveloppe corporelle est sans nulle autre pareille comme efficacité : l’intention y prévaut. La compétence du médecin rend l’asymétrie irréductible, toute tentative de la réduire n’ira qu’à l’échec dès lors que la pratique de la médecine ne sera pas acceptée par le corps social (par une prise en charge collective des coûts qui correspondent aux actes et non pas à la rentabilité de matériels utilisés au détriment de l’acte de construction d’un diagnostic, du choix de thérapeutiques adaptées et de préventions utiles) et les patients individuellement (confiance qui fait le libre choix du médecin). Elle n’ira à l’échec si les praticiens eux-mêmes ne pensent pas leurs pratiques, cela nécessiterait qu’ils visitent leurs pratiques et en recherchent le sens, véritable définition d’une réflexion professionnelle d’éthique médicale. 
Derrière son geste, le médecin est impliqué personnellement : d’un banal et systématique toucher rectal utile pour rechercher un cancer de la prostate peut se cacher un acte pervers, un abus sexuel même et quand il s’agit de toucher vaginal il en est de même ! La différence entre l’acte pervers et la nécessaire exploration de l’enveloppe corporelle jusqu’à son intrusion réside dans la méfiance ou la confiance qui se développe entre les personnes confrontées au pire : la nécessité de comprendre la souffrance et tenter de la réduire. C’est alors que l’écoute, la compréhension, le partage et le don prennent tout leur sens dans ce contexte. D’un accompagnement la société réclame de plus en plus expressément le guérir, comme si cela était possible, comme si l’on pouvait arrêter le temps qui nous façonne : nous sommes dans la grande subjectivité. Le rapport à l’argent doit être abordé. L’argent n’a aucun rôle spécifique ni de fonction définie, il n’est qu’un système de reproduction sociale sans qualité et qui peut les greffer toutes. C’est un moyen universel vide de tout sens et un gouffre que rien ne peut combler. Dans sa vulnérabilité, le malade souffrant est anomique, il perd ses liens avec le réel et se concentre sur sa douleur, le don qui s’inscrit dans la relation médecin malade peut également s’exprimer. C’est un autre moyen d’approcher également l’universel qui se réalise dans l’obligation réciproque. Ce qui circule alors est moins important que ce que l’on échange financièrement : ce sont des liens que l’on échange et qui affermissent singulièrement le lien de la personne vulnérable à l’autre, représentant de la société dans sa profession.

 

Christian HERVE



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