TRENTE ANS 
DE MÉDECINE SEXUELLE 
POUR UNE RIGIDITÉ RETROUVÉE



Juillet 1974 : premier congrès mondial de Sexologie à Paris. Trente ans déjà depuis le débarquement de Masters et Johnson en France, et avec eux l’espoir d’un renouveau thérapeutique. Peut-être les sexotherapies vont-elles améliorer ces problèmes d’érection qu’échouent à corriger les rares moyens de l’époque : psychanalyse, testostérone, yohimbine, et depuis peu prothèses péniennes. En fait elles vont vite décevoir dans cette indication, mais elles fournissent une théorisation intelligible pour les patients, et beaucoup d’éléments qu’on aurait du intégrer d’emblée dans une approche globale des troubles de l’érection. 

Parallèlement la riposte organiciste au tout psy en vigueur depuis le début du siècle se met en place. La théorie vasculaire conduit aux essais de revascularisation des corps caverneux. Il faudra 15 ans pour que s’impose le caractère illusoire de cette approche chirurgicale imaginée par les futurs fondateurs de l’ISSIR. C’est pourtant de ce creuset que jaillit la première révolution physiopathologique et thérapeutique.

Septembre 1982, Copenhague. Troisième conférence internationale sur la revascularisation des corps caverneux : pétrifiés nous entendons Ronald Virag expliquer comment son infirmière a accidentellement induit la première érection pharmacologique en branchant une perfusion de papavérine sur le pénis de l’impuissant qu’il opérait, et comment il traite maintenant ses patients par injections intracaverneuses. Bientôt Brindley va exhiber lors d’une conférence magistrale à l’AUA son pénis érigé par l’injection de phénoxybenzamine qu’il s’est administrée, et Adrian Zorgniotti va combiner les deux découvertes en mettant au point les auto-injections de papaverine-phentolamine. Le rôle fondamental du muscle lisse caverneux éclate au grand jour, les progrès physiologiques en résultant sont stupéfiants. Pour la première fois l’érection est maîtrisable mais au grand étonnement des urologues qui l’ont mis au point, moins de 20% des patients adoptent ce traitement si performant, et les évaluations à distance montrent que plus de la moitié l’abandonnent rapidement.

Il faut encore 10 ans pour qu’au début des années 90, un effet secondaire inattendu du sildenafil, à l’essai dans l’insuffisance coronarienne, engendre une seconde révolution pharmacologique. Cet excès d’érections inapproprié dont se plaignent les coronariens britanniques met la puce à l’oreille des chercheurs de Pfizer. Le Viagra va en naître, et avec lui de nouvelles avancées vertigineuses dans la physiologie de l’érection, la découverte des relations fondamentales entre dysfonction érectile et dysfonction endothéliale, et le premier traitement des problèmes d’érection à la fois acceptable et efficace pour la majorité des patients. Lors de sa mise sur le marché en 1998, la maîtrise pharmacologique de l’érection est simplifiée, et semble enfin répondre aux attentes des patients.

Il aura donc fallu 30 ans pour passer de la psychanalyse à la Médecine Sexuelle, d’une approche psycho-comportementale sans résultat déterminant à une restauration pharmacologique performante de la rigidité confirmée par l’Evidence Based Medicine. La souffrance morale, sexuelle et relationnelle de millions d’hommes et de couples peut aujourd’hui être soulagée. L’homme n’a plus à redouter le vieillissement sexuel. Mais alors pourquoi ces taux d’abandon élevés rapportés par plusieurs études si le traitement oral est aussi performant ? : plus de 50% à un an dans des séries traitées par des généralistes ou des urologues. Restaurer la rigidité ne suffit t-il donc pas au bonheur de l’homme ? Ou peut-être avons-nous manqué quelque chose, et fallait-il aussi l’aider à redonner un sens à sa relation sexuelle.

 

Jacques BUVAT



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