Sexologos  n° 25

Juillet   2006 

Marc GANEM

Publications

 

Ménopause, désirs et plaisirs 

 

 

La perte de la fécondité à la ménopause a une lourde signification symbolique et de ce fait les incidences sur la sexualité sont fréquentes et difficiles à cerner car le comportement sexuel a toujours été régi par des normes religieuses et sociales. La vie sexuelle dans l’ensemble se modifie et les rapports sexuels prennent une signification nouvelle parfois difficile à appréhender. Alors que dans certaines sociétés, la femme accède à un rang plus élevé lors de la ménopause, le monde moderne lui impose de rester attirante, mince et surtout dynamique, tant dans ses activités socioprofessionnelles, que dans sa vie personnelle et sexuelle.

 

EN CE QUI CONCERNE MÉNOPAUSE ET SEXUALITÉ, NOUS SAVONS UN CERTAIN NOMBRE DE CHOSES.

 

- La baisse de l’estradiol plasmatique qui conditionne l’attractivité sexuelle conditionne en partie aussi les troubles de l’humeur.
- La diminution des androgènes qui sont rappelons le, les vecteurs du désir, est moins prononcée chez les femmes qui restent actives sexuellement.
Il existe aussi une baisse de la dopamine, neuro transmetteur activateur du réveil sexuel, au niveau du système limbique du fait d’une plus grande vulnérabilité des femmes ménopausées au stress.
- Baisse de la testostérone et de la dopamine sont responsables ensemble d’une perte d’intérêt et d’une fatigabilité, nuisibles à une mise en route des conduites sexuelles.
- Une baisse des lubrifications vaginales intervient dans 60 % des cas.

 

Tous ces points m’ont amené à suivre deux groupes de femmes :

* 30 femmes ménopausées depuis plus d’un an et qui n’ont pas désiré de traitement hormonal substitutif.
* 30 femmes, elles aussi ménopausées depuis un an et qui ont démarré un traitement hormonal substitutif.
J’ai suivi toutes ces femmes pendant au moins deux ans avant la ménopause, pendant leur première année de ménopause et après, et c’est le but de l’étude, pendant une période de deux ans pour l’ensemble d’entre elles. Elles étaient toutes en couple stable et avaient une
sexualité qu’elles qualifiaient au départ de l’étude comme parfaitement adaptée et bien insérée dans une dynamique personnelle et de couple. Ceci est un point intéressant car il y en avait un bon nombre d’entre elles qui n’avaient jamais eu d’orgasme vaginal, mais qui étaient contentes d’avoir une sexualité agréable et orgasmique par le clitoris. Il faut quand même que je cite ce chiffre car il est intéressant : 63 % des femmes en périménopause n’ont jamais connu d’orgasme vaginal.
Ce qui ne veut pas dire et vous l’entendrez plus tard, qu’elles ne le connaîtrons pas !
 

Un certain nombre d’items ont été retenus
*LE DÉSIR.
* LA LUBRIFICATION SEXUELLE.
* LA DISPONIBILITÉ SEXUELLE.
* LE PLAISIR ET/OU L’ORGASME
* LA SATISFACTION DU PARTENAIRE ET LES BÉNÉFICES AU NIVEAU DU COUPLE.

 

A - LE DÉSIR
 70 % des femmes ont, pendant l’année d’installation  de la ménopause, noté une baisse de leur désir. Cette  baisse n’a jamais été brutale ou insidieuse, mais elle s’est faite par “petits bonds” comme me l’a dit l’une  d’entre elles, comme si l’entrée en ménopause s’acceptait  par paliers.
 * Il existe ensuite une autre année où les courbes du  désir entre les deux groupes, se superposent à peu près avant de diverger.
 * En effet, un des effets à moyen terme  du THS est d’agir sur le désir, non pas  directement, mais par le biais d’une  levée du stress, de l’anxiété, et par une  relative “protection” vis à vis des symptômes  dépressifs. Le THS semble aider  à préserver du non désir, ou quand  celui-ci existe, à l’exprimer plus rapidement  dans le temps pour permettre  d’en parler dans le couple. Cette gestion  à l’intérieur du couple a permis, au groupe sous  THS d’éviter l’indifférence libidinale totale qui est  arrivée dans 7 des cas dans le groupe témoin et qui . témoigne d’une évolution dépressive avec résignation
 et réduction globale de tous les niveaux d’activité.
 En étudiant de plus près le discours des femmes, on  s’aperçoit qu’il existe deux désirs.
Le premier pulsionnel et directement relié aux  androgènes, dont on connaît le rôle de restauration  quand ils sont administrés, et ce de façon rapide.
Le second que l’on peut appeler le désir en miroir  ou le désir en réponse au désir et qui est vraisemblablement  sous la dépendance des estrogènes et des androgènes.
 Ce désir, qui n’est pas une acceptation du désir de  l’autre, est une composante jusqu’alors peu étudiée.
 
 
 Il semble que le THS permettre de maintenir cette  capacité qu’ont les femmes de gérer le deuxième pallier  de leur désir, quand le premier commence à devenir défaillant. Ce désir en miroir, elles le décrivent  comme un désir de fusion, de complétude. Elles ont
 alors conscience de ce désir qu’elles pensent être le  premier désir de la femme, le désir pulsionnel ne  venant que se surajouter pour leur plus grande joie  d’ailleurs. Ce désir est important à faire reconnaître  car s’il n’a pas été balayé par les problèmes de couple,
 il faut absolument s’attacher à le conforter d’abord  entre autres par un THS, afin d’éviter de donner  d’emblée de la testostérone qui ne ferait qu’aggraver à  ce stade une situation libidinale paradoxale.

 

B - LA LUBRIFICATION VAGINALE

Identique dans les deux groupes à ce qu’elle était dans l’année d’installation de la ménopause, elle en diffère pour les femmes non orgasmiques dès le 3e mois d’instauration du THS. En effet, les femmes sous THS retrouvent une lubrification vaginale de meilleure qualité en quantité et en rapidité d’apparition. Il faut rappeler qu’une jeune femme de 20 ans met 15 secondes à lubrifier totalement son vagin alors que physiologiquement une femme ménopausée met 3 à 4 minutes. Ce point est essentiel car il est la source de bien des difficultés sexuelles du couple du fait des partenaires
à éjaculation rapide, et qui précipitent un rapport sur un vagin sec alors que la femme est désirante.
Une femme ménopausée a besoin de temps pour lubrifier son vagin, qu’elle soit ou non sous THS et l’erreur que font les hommes est de considérer que la lubrification vestibulaire, synonyme de disponibilité sexuelle ludique, est automatiquement synonyme de la lubrification vaginale proprement dite et qui est synonyme de disponibilité coïtale.
Le problème peut s’aggraver et s’amplifier quand il y a prescription immédiate d’androgènes qui très rapidement accroissent la lubrification vulvaire, sans pour autant réduire de façon rapide, et en harmonie avec un niveau d’estradiol retrouvé sous THS, le temps d’installation de la lubrification vaginale, qui reste dans le meilleur des cas allongé au delà, voire de deux minutes. Le THS agit sur le volume et la durée de la
lubrification et ceci est important pour expliquer pourquoi un nombre non négligeable de femmes sous THS ont pu récupérer un orgasme vaginal, alors que d’autres arrêtaient leur rapport du fait d’une dyspareunie pour sécheresse vaginale relative ou totale.

 

C - VOYONS MAINTENANT CE QU’IL EN EST DE LA DISPONIBILITÉ SEXUELLE.
 

C’est un concept dont nous parlons peu dans nos communications car il fait, et je vous l’accorde, un peu macho. Néanmoins et cela n’a pas été la moindre de mes surprises de cette étude, il a été réactivé par mes patientes qui en ont fait un élément central de leurs
préoccupations.
La disponibilité sexuelle peut avoir deux visages :

* La disponibilité au coït.
* La disponibilité au rapport amoureux.


  - La première est celle qui est la plus fragilisée pendant la période de la ménopause car elle repose directement sur des éléments de couple et des éléments intra psychiques. C’est elle qui disparaît le plus rapidement surtout chez les femmes non orgasmiques et non hormonées. Cette inaptitude coïtale a longtemps fait dire que les femmes ménopausées ne voulaient plus faire l’amour, mais là encore la réalité est différente dans le discours des femmes. Au delà des défauts de lubrification voire des dyspareunies, la non disponibilité coïtale est pour les femmes bien souvent (1/3 des cas) une période qui pourrait être “psychologique” et durer entre 3 et 6 mois après le début de la ménopause.
Elle pourrait correspondre à une mise en place de nouveaux schémas coïtaux, hors procréation dans l’esprit des femmes. Cette période, essentiellement présente chez les femmes non orgasmiques, existe cependant aussi chez les femmes orgasmiques dont environ 50 % disent changer leurs habitudes sexuelles avec une place réduite pour le coït proprement dit. La mise en place d’un THS permet très rapidement de gommer, voire d’effacer dans le temps cette période qui peut faire des dégâts au niveau du couple. Les femmes sous THS ont, nous l’avons vu, une plus grande aptitude à maintenir leur désir en miroir. Elles acceptent dans près de 7 % des cas un raccourcissement des préliminaires et une disponibilité au coït, qui est largement supérieure au groupe témoin, en ce qui concerne un deuxième rapport, surtout quand le premier été ponctué d’une éjaculation prématurée.
Cette disponibilité au coït est à différencier de la disponibilité au rapport amoureux qui englobe l’aptitude à maintenir une variété de positions sexuelles et une capacité à garder des relations buccales ou buccogénitales dont on connaît la grande labilité.

  - Cette disponibilité au rapport amoureux a tendance à s’émousser très peu chez les femmes qui ont des rapports orgasmiques et des rapports fréquents.
Elle disparaît cependant petit à petit la plupart du temps chez les femmes non orgasmiques ou ayant une fréquence de rapports peu élevée à l’entrée de la ménopause.
Un des bienfaits, tardifs certes, du THS est de pouvoir maintenir un degré de disponibilité érotique accru, semble t-il, du fait que l’estradiol agit sur la mémoire et les aptitudes cognitives. L’apprentissage de conduites ludiques est préservé par le maintien de taux d’ estradiol et de testostérone corrects.

 
D - ABORDONS MAINTENANT LE PLAISIR ET/OU L’ORGASME


Plaisir et désir ne sont pas liés, pas plus que désir et orgasme, ou plaisir et orgasme. La réalisation de l’acte est tout à fait possible en l’absence de désir pulsionnel et peut déboucher dans les deux groupes sur un plaisir réel et émotionnel voire sur un orgasme surtout quand cet orgasme était présent dans la vie amoureuse du couple.
Ceci étant, cet orgasme à la ménopause est légèrement différent de celui vécu auparavant.
Son temps d’obtention est allongé dans les deux groupes et le THS ne permet qu’un petit raccourcissement de ce temps et après au moins six mois de traitement.
Sa qualité d’impact émotionnel sur le corps est légèrement émoussé et les femmes qui jouissent disent ressentir moins leur orgasme. Le THS influant très peu ou n’influant pas sur ce ressenti.
Les femmes qui ont plusieurs orgasmes vaginaux ont tendance à voir ceux-ci se raréfier voire à disparaître et il y a à cela peut être deux raisons :
- Certaines décrivent l’installation d’une phase qui semble correspondre à la phase réfractaire de l’homme.
- La durée allongée du rapport sexuel pour obtenir un orgasme, fait que, bien souvent, les hommes éjaculent et perdent leur érection peu de temps après l’orgasme de leur compagne et ce de façon plus régulière qu’auparavant.
Quinze des femmes, tous groupes confondus, ont obtenu leur premier orgasme à la ménopause.
Débarrassées de leur sexualité procréatrice, elles se lancent à corps, non pas perdu mais retrouvé ou enfin trouvé, dans une sexualité dont elles ont tout le temps de rêver dans leurs fantasmes et qu’elles n’ont jamais mise en application.

 

E - LE CINQUIÈME ITEM ÉTAIT LA SATISFACTION.

Garder une sexualité heureuse fait désormais partie des attentes des femmes à la ménopause. Le spectre de la vieillesse et de la mort s’éloignant, elles viennent et viendront, de plus en plus nombreuses dans nos consultations ou dans les discussions de femmes, à évoquer le meilleur anti-stress et anti-vieillesse qui est la sexualité.
A nous de savoir les écouter et de savoir éventuellement les guider seules ou avec leur compagnon vers une sexualité qui ne soit plus une sexualité de défi ou de rapports de force mais une sexualité de COMPLÉTUDE.
Les bénéfices secondaires à une sexualité bien vécue seront grands et on peut en attendre :
1 - En premier une diminution de l’anxiété et des réactions dépressives, comme si les actions conjuguées du THS et de la sexualité permettent à l’inconscient de mieux gérer un syndrome du nid vide, une perte d’emploi, voire une intervention chirurgicale majeure comme l’hystérectomie ou les cures d’incontinence urinaire, quand ce n’est pas un divorce.
2 – Le deuxième bénéfice secondaire est qu’il existe alors, car il existe toujours, un moins grand décalage chez les femmes qui récupèrent désir et plaisir entre leur corps fantasmé et leur corps réel. Ceci est d’une grande aide en thérapie pour permettre de nouveau l’expression d’une sexualité conviviale, à travers une nudité acceptée ou réacceptée.
3 - Le troisième bénéfice secondaire et non des moindres est au niveau du partenaire : Il y a moins de troubles érectiles et du désir chez les partenaires des femmes sous THS avec adjonction de testostérone en temps utile et si nécessaire, car la sexualité reste plus active à cette période.
4 - C’est alors que le COUPLE qui en sort grandi vainqueur. Ce dernier bénéfice est peut-être le plus important, car il marque la stabilité dans le changement et non l’instabilité dans la cassure.

 

C - CONCLUSION

Ménopause, désirs et plaisirs ne sont plus des acteurs en négatif de la vie des femmes et des couples.
Une approche globale de cette période permettrait aux femmes de savoir garder leurs désirs et leurs plaisirs, car nous disposons maintenant de prises en charge médicamenteuses adaptées et efficaces.



Dr Marc Ganem, Paris.

 

Retour