Sexologos  n° 21

Mars   2005 

ANDRÉ BONALY

Publications

 

Le temps et l ’image
dans la sexualité

 

Les différentes approches de la sexualité ont souvent traité des images mentales. Dans cet article,
nous allons introduire la construction d ’images neuronales (mémoire fractale) en prenant en compte la continuité et la décomposition en séquences dans le temps fractal de chacun.
La mémoire fractale est l ’accumulation dans le temps des courbes fractales construites dans le présent à un instant t à partir de neurones reliés entre eux. Le rappel de chacune de ces courbes (n-i )neurones souligne la non fiabilité de ce que nous pensons être vrai. Cette distorsion vient du temps des ruptures, appelé temps fractal. A partir de nos perceptions, nous conservons les ruptures d’état à un instant t, qui deviennent des ruptures de temps, mais nous ne mesurons pas la durée du temps.

Nous classerons ces courbes fractales en 3 familles :
-celles qui constituent l’image personnelle ;
-celles qui constituent l’image donnée aux autres et ;
-celles qui constituent l’image induite par les autres.
On fait alors correspondre l ’image personnelle au temps fractal de chacun, temps des ruptures appartenant au passé,l ’image donnée aux autres correspond à la communication que l ’on établit avec l ’extérieur de soi. Elle est dans le temps linéaire, temps commun à tous.

 


 

La construction de la sexualité :

 

La communication entre l’enfant et le monde extérieur à lui-même, ne commence pas au moment de sa naissance. Lors de la gestation dans le ventre de la mère, le foetus met en place des filtres au niveau de la construction des perceptions. Ces filtres sont le point de départ du temps fractal. Cette construction et cette consolidation se feront tout au court de sa vie.
A la naissance, il a un passif de reconnaissance au niveau des perceptions mais lié au ressenti et aux émotions de la mère. Il y a une continuité à la naissance avec celle-ci. Par contre, la
perception du monde extérieur à lui-même, va se faire avec des contraintes d’acquisition plus ou moins importantes. Parmi les premiers éléments rencontrés dans ce monde extérieur, se trouve le père ; Il permet de créer un langage, des codes, des structures nouvelles aux perceptions qu’il avait
jusqu’à présent. C’est pour cela que l’on attribue à la représentation paternelle la symbolique liée aux mathématiques, à la physique, aux sciences rationnelles, ou à tout autre concept.

Le rôle du père dans cette construction dépend de plusieurs facteurs. Il peut de lui-même aller vers l’enfant ou ne pas y aller. Et réciproquement l’enfant ira vers le père, si la mère ne l’empêche
pas d’y aller. La dynamique de la sexualité dépendra de la réussite de ce comportement dans le temps.
L’enfant garçon sera plus pénalisé dans cette dynamique non structurée si le père est absent ou non sollicitant. La fille idéalisera l’image de l’homme, sans jamais pouvoir entrer en contact avec lui. Il lui manquera les outils au niveau de l’échange dans les perceptions et dans la conceptualisation
des émotions. Dans les deux cas le ressenti de la sexualité sera exprimé par l’intérieur en solitaire..

 

Le temps sexué :
Le temps de la femme est un temps cyclique. La globalité de son ressenti se déplace en même temps da ns le temps linéaire. La femme accédera à sa sexualité en fonction de cette globalité exprimée à chaque instant t.
Le temps de l’homme est fractionné, chaque section de temps a un début et une fin. Il n’y a pas forcément de continuité entre la fin d’une section et le début de l’autre. Sa sexualité est une succession de séquences, conceptualisées ou non, contrôlées ou non, d’une séquence à une autre pour surmonter cette différence temporelle : alcool, drogue, tabac, boulimie, anorexie, médicaments….
En général, les traitements se feront sur les ruptures dans le temps entraînant un décalage entre
les courbes fractales des différentes images. Ces deux ensembles sont soumis quotidiennement au jugement de l’image induite par les autres. La construction, l’équilibre et la durée de la sexualité dans le temps consistent à gérer le décalage entre les deux temps. (voir le schéma des deux temps).

 

Cas particuliers :
L’éjaculation précoce chez l’homme est la résultante de deux facteurs : l’acte est réalisé à l’avance par une modélisation interne à l’individu, l’autre facteur est qu’il n’y a pas d’échange au niveau des perceptions dans le rapport sexuel.

L’impuissance, en dehors des pathologies liées à la physiologie est un refus d’être jugé par l’autre, l’image donnée aux autres est trop importante. Il ne peut pas y avoir d’échec, donc on préfère ne rien faire (perfectionnisme, orgueil).

La frigidité chez la femme s’accompagne d’un décalage entre le temps fractal (jeune fille) et le temps linéaire (devenue mère) sans être passée par l’acquisition de l’identité de la femme et de ses attributs. La pratique de la sexualité
devient alors une contrainte, puis un devoir, puis un rejet,
entraînant une séparation avec la pratique sexuelle. Il y a souvent une dichotomie entre l’image de la bonne mère et l’image de la femme sexuelle. Les deux ne pouvant cohabiter dans le même temps.

 

Les dérives sexuelles sont résumées dans les exemples cités ci-après. Ils sont le résultat d ’une
analyse du modèle des deux temps et des trois images lors de la construction de la sexualité d ’un individu.

 

CAS CLINIQUES :

 

• Cas 1 : père absent
• Pour l’enfant garçon
- boudeur ;
- reste sous dépendance du ressenti de la mère ;
- ne construit pas son image d’homme ou construit une image négative ;
- fuit les conflits car ils ne sont pas structurés en communication, ils sont soumis à la rupture “blanc ou noir” ;
- impulsif ;
- meilleure communication avec la femme en générale, avec la mère cachée dans le femme ;
- délègue l’anticipation à la femme ou aux autres dans le temps fonctionnel.
• Conclusions cliniques :
Le garçon qui a subi l’absence du père sera plutôt un romantique, grand séducteur, mais aura des rapports sexuels tardifs. Il pourra être sujet à l’éjaculation précoce et plus généralement, souffrira d’une fragilité de l’érection, d’un désir
sexuel peu affirmé ou refoulé.
C’est également dans cette typologie que l’on retrouve les tendances homosexuelles.
 

• Cas 1 : père absent

• Pour l’enfant fille
- idéalise le père non rencontré dans la communication ;
- subit le temps linéaire de l’homme, de la société, des pouvoirs de la société ;
- recherche de l’homme idéal dans la relation amoureuse (image du prince charmant) ;
- peut devenir mère sans passer par un état de femme consciemment vécu, selon le milieu culturel :
- par provocation,
- par réaction.
Conclusions cliniques :
La fille ayant subi l’absence du père va rechercher sa féminité à travers la maternité et la grossesse.
Elle recherchera une relation idéalisée et pas forcément sexualisée.
Avec un désir sexuel plutôt inhibé : pas de sodomie, pas de fellation, pas de masturbation ; la sexualité sera souvent liée à la reproduction.
Elles peuvent souffrir de frigidité ou de vaginite. On retrouve aussi dans cette typologie des femmes qui se sont tournées vers une sexualité de contrainte comme la prostitution.
 

•Cas 2 : mère prépondérante et envahissante

• Pour l’enfant garçon
- difficulté à aller vers le temps du père, lié à un père faible en général ;
- non autorisation de la mère à laisser aller le garçon vers le temps du père ;
- temps émotionnel non structuré ;
- reste au stade élémentaire de la communication
affective et émotionnelle notamment avec les femmes ;
- bouderie, non gestion des conflits ;
- pas d’anticipation, pas de gestion du temps réel, pas de concrétisation des actes.
Conclusions cliniques :
Le garçon qui a subi une mère prépondérante et envahissante aura un penchant pour l’homosexualité, qu’elle soit vécue ou latente. On retrouve également chez ce sujet une perturbation
de l’identité, voire un transsexualisme.
A l’âge adulte, cet homme pourra souffrir d’impuissance, de dysérection ou d’éjaculation prématurée. Il se positionne sur un mode de séduction soit charmeur, soit enfantin, avec des
relations multiples et peu abouties.
 

•Cas 2 : mère prépondérante et envahissante

• Pour l’enfant fille
- il peut y avoir rejet de la mère dans un premier temps, mais elle construit malgré elle la même image dans le futur ;
- comportement identique dans les associations affectives ;
- comportement de soumission totale pour ne pas devenir comme elle.
Conclusions cliniques :
Comme pour le garçon, la fille ayant subi une mère envahissante et prépondérante sera sujette à une homosexualité latente qui peut se traduire par une masturbation compulsive
avec fantasmes homosexuels. Ces femmes présentent 
fréquemment une inhibition du désir, une anorgasmie ou une frigidité. Leur sexualité est plutôt tardive et minimale. Ces femmes sont sujettes à la dépression de la ménopause
 

Cas 3 : père fort

• Pour l’enfant garçon
- 1. temps linéaire dominant :

- difficulté à réaliser les images qu’il s’est construit qui sont trop fortes par rapport à ses moyens ;
- cela entraîne souvent :
- un sentiment d’échec,
- culpabilité,
- manque de confiance en soi,
- image induite par les autres trop importante,
- difficulté à être dans le présent.
Conclusions cliniques :
Le garçon ayant subi un père fort (temps linéaire dominant) évolue vers des relations sado-masochistes, se présentant comme une personnalité passive, impuissante. Il choisira
de préférence une femme castratrice avec laquelle il pourra vivre son masochisme narcissique.
Il est souvent sujet à des masturbations compulsives et à l’impuissance, il veut bien mais ne peut pas.
 

Cas 3 : père fort

Pour l’enfant garçon
- 2. temps ressenti dominant :
- rejet des structures,
- il veut tout, tout de suite, sans apprentissage,
- ne construit pas mais détruit par insatisfaction permanente,
- recherche du sentationnel,
- image personnelle forte mais non structurée,
- image induite par les autres importante,
- image donnée aux autres subie.
Conclusions cliniques :
A l’âge adulte, le garçon ayant subi un père fort (temps ressenti dominant) évoluera vers un machisme et un narcissisme très prononcés.
Il peut même avoir des tendances psychopathes. Il peut se présenter comme un Don Juan ou comme un masochiste soumis.
On retrouve chez ce sujet qui n’a pas forcément besoin de rapports sexuels, une éjaculation prématurée.
 

Cas 3 : père fort

• Pour l’enfant fille
- 1. temps linéaire dominant :
- en fusion avec le temps maternel,
- dominance du ressenti féminin sans pouvoir l’exprimer dans le temps de l’homme,
- peut ne pas trouver de communication pour transmettre ses émotions et sa féminité,
- ou au contraire, être dans une image de substitution d’être un homme.
Conclusions cliniques :
La fille ayant subi un père fort ( temps linéaire dominant) présente une sexualité très intellectualisée. Elle sera fréquemment anorgasmique ou insatisfaite. Elle peut évoluer
vers la nymphomanie par insatisfaction permanente.
Cela lui permet également de régler ses comptes avec les hommes. Elle aura des tendances à l’homosexualité vécue ou latente.
 

Cas 3 : père fort

• Pour l’enfant fille
- 2. temps ressenti dominant :
- recherche d’une association pur briller à ses côtés ;
- la représentation de la jeune fille peut être plus importante afin de devenir plus vite une femme ;
- l’image donnée aux autres est sur représentée ;
- importance de l’image induite par les autres pour être aussi brillante que le père ;
- accède difficilement à l’expression de son ressenti.
Conclusions cliniques :
A l’âge adulte, la fille ayant subi un père fort (temps ressenti dominant), se présentera comme une femme séductrice et dominante.
Peu enclin aux rapports sexuels, soutenant l’idée que le sexe est «sale», elles auront des tendances au vaginisme. Ce sont des femmes clitoridiennes qui arrêtent souvent le rapport
sexuel avant la pénétration. On retrouve fréquemment
ces femmes unies dans des mariages de convenance, qui n’ont des rapports sexuels que par nécessité, et cessent d’en avoir une fois qu’elles ont eu des enfants.
 

Cas 4 : mère effacée

Effacée avec pouvoir affectif :
• Pour l’enfant garçon
- il cherche le pouvoir par derrière sans le dire;
- possibilité de créer une communication perverse vis-à-vis de la gente féminine, car le garçon agit comme la mère dans la relatin affective ;
- mauvaise image de l’homme, le père étant souvent solitaire ou absent ;
- possibilité du refus de sa position d’homme.
Conclusions cliniques :
Chez ce sujet, on retrouve une hétérosexualité à composante sadique. L’autre est un «sujet-objet». S’il se marie tôt, il accumule les relations extra-conjugales. Il présente des tendances perverses et une homosexualité refoulée.
 

Cas 4 : mère effacée

Effacée sans pouvoir affectif :
• Pour l’enfant garçon
- la mère donne l’image d’une femme qui subit tout, de la mère “martyre” ;
- rejet de la mère et de la femme par le garçon ;
- OU identification totale ;
Conclusions cliniques :
A l’âge adulte, le garçon ayant subi une mère effacée sans pouvoir affectif, recherche des femmes dominantes. Il présente des tendances masochistes et fétichistes. D’une grande pauvreté sentimentale, il a tendance à se rabattre sur des sites pornographiques. Il est sujet aux masturbations compulsives. Il peut devenir homosexuel ou avoir une absence totale de sexualité.
 

Cas 4 : mère effacée

Effacée avec pouvoir affectif :
• Pour l’enfant fille
- construction d’un ressenti négatif dirigé vers soi ou vers les autres ;
- image d’une femme qui subit mais qui manipule, pouvant influencer sur le choix d’un homme soit dominant (physiquement) soit faible.
-• construction d’une image de mère qui demandera beaucoup à ses enfants
Conclusions cliniques :
On retrouve dans cette typologie des femmes qui ont une tendance à la victimisation : cela peut être des femmes battues, mais ce sont assez fréquemment des victimes consentantes.
Elles peuvent être manipulatrices et mettre en échec toutes leurs relations de couple, hétérosexuelles ou homosexuelles. On retrouve chez ces femmes une compensation dans le rôle maternel, elles sont mères avant d’être femmes.
 

Cas 4 : mère effacée

Effacée sans pouvoir affectif :
• Pour l’enfant fille
- construction d’une image négative de la femme ce qui peut entraîner une attitude de révolte contre tout ce qui agresse la femme en générale, contre toute injustice ;
- selon l’image du père, le combat peut être mené contre l’homme en particulier;
- elle peut rejeter la féminité et la maternité.
Conclusions cliniques :
On retrouve dans cette typologie des femmes à tendance homosexuelle et féministe, ainsi que dans les mère célibataires (volontaires).
Elles survalorisent volontiers le rôle de l’homme dans l’acte sexuel et le stigmatise en être violent, notamment dans les combats féministes. Elles ont en général peu de désir sexuel ou sont anorgasmiques.
 

Cas 5 : mère absente

• Pour l’enfant garçon
- idéalisation de la mère et de la femme;
- il fait des constructions mentales, des rêves, mais peu de concrétisations dans les faits ;
- il est le plus souvent en attente des autres ;
- il a un sentiment d’injustice permanent.
Conclusions cliniques :
Le garçon ayant subi une mère absente rencontre à l’âge adulte des difficultés affectives
qui s’expriment par des troubles érectiles et /ou / une éjaculation inadaptée, souvent précoce,
voire une impuissance. Ces troubles apparaissent très tôt avec une incapacité à formuler son désir propre. Il aurait tendance à demander la permission et à s’enquérir du résultat.
 

Cas 5 : mère absente

• Pour l’enfant fille
- elle peut se substituer à la mère selon les cas et les circonstances ;
- elle peut se créer une mère de remplacement à qui ressembler ;
- recherche sa féminité par comparaison avec les autres (la trouve parfois moins bien) ;
- elle peut vouloir être mère très tôt (en fonction des circonstances).
Conclusions cliniques :
La fille ayant subi une mère absente se retrouve fréquemment en dépendance affective.
Elle cherche un homme compréhensif et maternel, des relations affectives sans besoin de sexe. Malgré un désir sexuel faible, elle a tendance à avoir des relations précoces qui peuvent la mener soit vers des grossesses et donc des IVG à répétition, soit vers la prostitution.
On retrouve dans cette typologie des jeunes filles qui ont connu et accepté l’inceste paternel.
 
 

 

CONCLUSION :

 

Les différentes classifications permettent de montrer que l’introduction de deux variables, le
temps de chacun représenté par le temps fractal et les images neuronales, rend possible la modélisation des observations cliniques rencontrées au quotidien. Certes, elle n’est pas exhaustive mais elle pourrait le devenir avec votre collaboration.
 
 

 

Un décalage de temps entraîne un décalage d’image :
schéma des 3 images


Le temps des ruptures ou temps fractal va gérer l’imaginaire de la sexualité. Un arrêt dans le temps fractal induit la non construction d’un nouveau futur incluant l’évènement de rupture. Le temps linéaire des autres continue, mais le temps émotionnel est arrêté.
De ce fait on peut se retrouver avec un temps correspondant à, une sexualité d’un adulte de 40 ans et une construction d’images neuronales d’un enfant de 8 ans. Dans ce cas la communication sexuelle avec le monde extérieur à la personne se fera avec le outils et le ressenti d’un enfant de 8 ans..

 

Le principe des compensations ou les dérives sexuelles :

La fractale dans l’imaginaire de l’image personnelle sera liée dans l’image donnée aux autres. Si le costume choisi est proche de la fractale de l’image personnelle, la sexualité sera personnellement normale.
Si le costume est très éloigné, l’expression de la sexualité peut se faire dans les extrêmes et la personne peut utiliser des processus de compensation pour masquer ce décalage. Ces compensations peuvent être de tout ordre : névrose, psychose, perversité, liaison particulière et l’individu peut faire appel à différents soutiens.

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