ÉDITORIAL

 

Responsabilités.

 

Être Président de la SFSC depuis 10 ans, m’a amené à faire un bilan dont je souhaiterais partager avec vous un des aspects qui est notre responsabilité de thérapeutes.

Voici la définition actuelle de la Santé Sexuelle, agréée par l’OMS.

La Santé Sexuelle est un état de bien-être physique, émotionnel, mental et social associé à la sexualité. Elle ne consiste pas uniquement en l’absence de maladie, de dysfonction ou d’infirmité. La Santé Sexuelle a besoin d’une approche positive et respectueuse de la sexualité et des relations sexuelles, et la possibilité d’avoir des expériences sexuelles qui apportent du plaisir en toute sécurité et sans contraintes, discrimination ou violence. 
Afin d’atteindre et de maintenir la Santé Sexuelle, les droits sexuels de toutes les personnes doivent être respectés, protégés et assurés.

Comme vous le voyez, cette définition intègre l’ensemble des aspects et l’on peut facilement envisager la Médecine Sexuelle comme n’étant qu’une partie de cette définition.

Pour nous qui sommes des thérapeutes, le symptôme sexuel nous pose donc plusieurs problèmes :

Est-il la conséquence d’une anomalie organique ?
Est-il la cause de troubles psycho comportementaux, comme le renoncement, l’évitement, l’abandon, la dépression et les conduites d’addiction (nourriture, alcool, drogue et violence).

Arrêtons-nous à la violence :
. Une femme sur dix est victime de violences conjugales en France, cinq sur dix en Russie.
. 652 homicides de femmes, entre 90 et 99 en France (50 % par mari avec souvent des frustrations sexuelles pouvant déboucher sur 4 % de viols).
Enfin le symptôme sexuel trahit une INADÉQUATION de couple, car la Santé Sexuelle, c’est aussi un indicateur important de la santé globale d’un couple.

Ce d’autant, que le Silence est notre ENNEMI.
1) Le Silence des hommes avant tout.

Trois hommes sur quatre ne parlent jamais de leurs problèmes d’érection ou d’éjaculation prématurée.

Actuellement, deux millions d’hommes en France souffrent de dysfonction érectile de façon régulière et assez importante pour perturber leur vie familiale.

Seulement 500 000 d’entre eux sollicitent un soutien et une prise en charge globale. 75 % se murent dans un silence destructeur ou vivent avec un état de fait qui est « banalisé » afin de ne pas ébranler les couples.

2) Le Silence des femmes ensuite.

Qui commence à se lever, car elles étaient confinées à un désir en miroir et enfin commencent à exprimer leur désir pulsionnel.

3) Le Silence des couples.

Qui bien souvent gèrent leurs symptômes sexuels entre eux afin de ne pas faire imploser leurs bénéfices secondaires sadomasochistes.

70 % des divorces et des ruptures ont lieu dans les deux ans après la naissance d’un enfant et plus de 60 % des causes s’avèrent avoir trait à une mauvaise gestion de la sexualité pendant ou au décours de la grossesse.

La constitution même des couples, quand nous la décodons dans nos consultations, témoigne souvent de QUIPROQUOS par rapport à la place que chacun accorde à la sexualité, oubliant que l’acte d’amour est avant tout un acte de SEPARATION et non d’ACCAPARATION.
C’est en se séparant du meilleur de soi-même que l’on peut arriver à cette « FUSION » tant recherchée.

Faire l’amour c’est aussi exprimer son respect de la vie et des droits sexuels de l’autre.

4) En dernier lieu, le silence des médecins et des thérapeutes est terrible, car il ne permet pas encore l’éclosion de la parole dans les consultations.

Comme vous le voyez la Santé Sexuelle s’invite à chaque instant dans nos consultations, mais aussi dans notre vie au quotidien avec les rapports sexuels à risque. Les infections sexuellement transmises (IST) sont devenues la deuxième pathologie mondiale d’après l’OMS.

Le VIH/SIDA est en progression constante dans tout le monde, y compris la Chine, tout le Sud Est asiatique et la Russie.

Que dire du fait que 66 % des cas de Sida sont concentrés en Afrique Subsaharienne, ce qui touche seulement 2 % de la population mondiale !

60 % des budgets sont attribués à cette région pour des résultats catastrophiques, essentiellement du fait d’une corruption galopante.

*

Quelques chiffres de la BARBARIE humaine et surtout des hommes.
Chaque minute dans le monde :
. 190 femmes ont des grossesses non désirées, 
car pas d’accès à la contraception.
. 650 IST par absence de préservatifs.
. Une femme meurt, par défaut de soins obstétricaux.
. 10 mutilations sexuelles sont commises sur des filles.

J’ai tenu à vous donner ces chiffres impressionnants, car la Santé et les droits sexuels sont un problème mondial qui malheureusement n’évolue pas ou peu du fait des rigidités.
* Rigidités Politiques.
Outre la corruption dans tous les pays du monde et en particulier en Afrique, qui fait que 15 % seulement de l’argent n’arrive en fait sur le terrain, que dire de l’aveuglement des donateurs institutionnels qui n’osent pas shunter l’échelon politique, de peur de « gêner » leurs diplomaties.

Tant que cet argent ne sera pas géré de façon CONJOINTE par des scientifiques des pays donateurs et des scientifiques locaux, nous ne pourrons espérer faire progresser cette pandémie qui commence à s’exporter en Europe.
* Rigidités Institutionnelles.
Tant que l’Éducation Sexuelle sera dispensée trop tard, trop peu et sans le concours actif des parents, trop souvent démissionnaires, elle participera à toutes ces rigidités.
Ce d’autant qu’elle « oublie » de parler des limites du corps aux enfants, ce qui éviterait bien des actes d’inceste et de pédophilie.
Elle oublie aussi de parler de l’AMOUR, du partage et du bonheur à avoir du plaisir dans une sexualité mature.

En effet, elle ne parle actuellement, et ce dans tous les pays du monde, que de reproduction et de prévention de la mort à travers la sexualité !

C’est déjà bien, mais absolument pas suffisant.
* Préjugés (ce n’est pas bien de libérer le plaisir).
* Coutumes
Que dire des mères africaines qui vendent leurs filles vierges à des hommes porteurs du Sida, sous prétexte qu’en faisant l’amour avec une vierge, ils se « purifient ».

Que dire de ces gouvernements qui refusent de livrer l’AZT au moment de l’accouchement, condamnant presque à coup sûr ces bébés.

Que dire de ces trafics de sang contaminé.

Que dire du relâchement de la prévention et des campagnes d’information en France, car le Sida est devenu, grâce aux trithérapies, une « banale » (le mot fait froid dans le dos !) affection de longue durée.
 

 

En conclusion
Je dirai en contrepoint de toutes ces rigidités que la faiblesse est peut-être une forme d’espoir, et l’inverse sera toujours difficile à vérifier.

Être thérapeute, c’est assumer son humilité et ses faiblesses, c’est ce qui fait la force de ce qui nous réunit tous.

Toutes ces réflexions me sont venues à l’esprit après quatre ans de Présidence de la WAS (World Association for Sexual Health) et dix ans à la SFSC, grâce à quoi, j’ai parcouru le monde et pu découvrir que la misère sexuelle est UNIVERSELLE.

Dans la Genèse, il est dit « au début étant le sens », je pense qu’il vaut vieux dire pour nous thérapeutes « au début était la solitude», car en fait, nous n’avons bien souvent que le verbe pour meubler notre solitude face aux patients.

Le verbe est là aujourd’hui et nous ne serons plus jamais seuls.

 

PLUS JAMAIS LE SILENCE

 

 

Tel est le slogan que je souhaite laisser à nos successeurs afin que, dans quelques années, l’AMOUR trouve sa juste place dans ce monde, avec le RESPECT et la DIGNITÉ que chaque être humain est en droit de demander et d’obtenir.

Dr Arnaud SEVENE
Membre du Conseil de la SFSC
Directeur d’enseignement au DU de sexologie de Paris V.

 

 

 

Éditoriaux 

Sexologos N°23

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