ÉDITORIAL

 

Où en est la sexologie française ?


Connaissant la passion qui m’anime encore, jeune retraité que je suis, quand il s’agit de militer pour la sexologie en général et la sexologie française en particulier, notre cher Président de la S.F.S.C et de la W.A.S. Marc Ganem m’a demandé d’écrire l’éditorial de ce numéro. La plupart d’entre vous, chers lecteurs, me connaît et s’attend vraisemblablement à être étonné, j’espère que ce sera le cas.

En effet, où en est la sexologie française ? La Vérité est qu’elle n’est pas brillante.

Elle ne brille en effet pas par sa réputation ternie par les médias qui ont tôt fait de généraliser l’opprobre qui ne menace qu’un seul, et encore faudrait-il que la chose soit jugée dans les règles avant de pouvoir faire jurisprudence sans que, pour autant, la suspicion puisse être généralisable à la profession toute entière comme certains n’ont pas manqué de le faire.

Elle ne brille pas par le nombre des sexologues véritablement formés et compétents.

Elle ne brille pas non plus par la qualité de la recherche scientifique que seuls quelques francs-tireurs mènent çà et là avec des succès divers.

Elle ne brille pas, malgré les efforts des responsables, par ses publications dont la santé chancelle au gré du bon vouloir des annonceurs, des tarifs postaux et de la qualité scientifique des textes pour le moins hétérogène.

Elle ne brille pas par son unité. Chaque responsable d’association, chaque responsable d’enseignement, chaque chef de service hospitalier, chaque professeur, chaque universitaire et bien d’autres, aussi bien à Paris qu’en province, aussi bien en banlieue que dans les petites et grandes villes, chacun tente de tirer la couverture et la notoriété à lui pour ses ouailles.
Chacun tente avec des succès divers de mettre la main, le plus souvent avec les meilleures intentions du monde, je n’en doute pas, sur les DU, DIU et autres formations initiales et/ou continues post-universitaires.

Elle ne brille pas, malgré les apparences souvent trompeuses, par ses colloques et autres manifestations régionales ou nationales.

Elle ne brille pas vraiment par ses enseignements désertés par les praticiens de terrain qui ont bien d’autres sources de savoir et bien d’autres chats à fouetter.

La seule exception, brillamment et véritablement réussie avec un vrai retentissement national et international fut le XVeme congrès mondial de Paris en juin 2001.

Là, l’union fit la force, là, la sexologie française toute entière fût à l’honneur d’avoir réussi une telle manifestation à un tel niveau. Soyez en tous, absolument tous, remerciés, y compris toutes les sociétés organisatrices et l’industrie pharmaceutique.

Mais, malgré ce succès certain, mais ponctuel, pendant ce temps-là, la sexologie purement pharmacologique à l’anglo-saxonne ne cesse de marquer des points à coup de millions de dollars et/ou d’euros. 


Est-ce cela que nous, sexologues européens en général et français en particulier, nous souhaitons pour nos patients et pour nous-mêmes ?

Nous sommes tous d’accord, je suppose, pour dire que la sexualité humaine n’est pas analysable seulement en termes de biologie moléculaire ou de pharmacologie, fût elle psychose ou sexo pharmacologie.

Nous sommes tous d’accord, je suppose, pour dire que la sexualité humaine ne peut en aucun cas être extrapolée de la sexualité animale, reproductive pour l’essentiel.

Nous sommes tous d’accord, je suppose, pour dire que la sexualité humaine a des dimensions avant tout psychiques, conscientes et inconscientes et qu’en l’état actuel de nos connaissances, aucune chimie et aucune physiologie ne sauraient en rendre compte de façon satisfaisante.

Alors ?


Alors j’en appelle à l’honnête homme humaniste qui sommeille en chacun d’entre vous et qui désire, j’en suis certain, d’abord et avant tout, le bien de nos patients.

Je suis certain que nous sommes tous d’accord pour admettre que nous traitons des patients, des êtres humains pour qui le symptôme et le sens sont liés, et non des « troubles érectiles » et autres dysfonctions sexuelles, si tant est que ces dysfonctions ne soient pas les moins mauvais compromis possibles pour éviter bien pire.

Il est temps, grand temps de nous unir, de réunir nos forces pour l’intérêt général et le bien commun, Il est temps, grand temps, sans renoncer à nos particularités légitimes d’aller à la rencontre les uns des autres, Il est temps, grand temps d’ouvrir un véritable dialogue entre nos associations, sociétés et autre groupe plus ou moins représentatif, en laissant au vestiaire nos rivalités et nos ambitions, même justifiées, qui font le jeu de tous ceux qui ne pensent pas que les troubles sexuels soient un problème d’hygiène et de santé publique et en profitent pour laisser la santé physique, psychique, sexuelle et sociale subir la loi du marché.

Nous devons réunir ce qui est épars. J’en appelle à tous pour que chacun, au sein de son groupe ou tout seul milite activement en faveur de ce qui nous rapproche plutôt que pour ce qui nous divise. Finissons en des chapelles et autres groupuscules.

Donnons nous les moyens de prétendre à notre juste place et à notre juste représentativité qui sera notre force et donc celle de ceux qui font appel à nous : nos patients.

Les pouvoirs publics et les décideurs de l’industrie ont absolument besoin de trouver en face d’eux des interlocuteurs compétents et unis pour prendre des décisions qui soient adaptées, justes et efficaces, comme cela a été le cas lorsque, unis , nous avons obtenu enfin, après dix ans de lutte, la création du DIU, dont on sait par ailleurs les imperfections liées aux rivalités féroces dont certains des acteurs, dans l’ombre, sont les auteurs, ce qui n’est bon ni pour la profession ni pour les patients.


Du haut de ma retraite et de ma barbe blanche, j’en appelle donc à des 

États généraux de la sexologie 

Dès cette année ou l’an prochain, en plus ou à la place de nos réunions parcellaires, sur le thème :

Quelle sexologie pour l’Europe et pour la France de demain ?

Tentons ensemble, en invitant nos voisins européens si possible, d’en analyser tous les aspects et de faire des propositions constructives.


Renonçons, pour une fois à la science et à ses vanités et essayons un peu de préparer l’avenir.
Que tous les dirigeants et militants actuels de toutes les structures et de tous les groupes aient le courage de se donner rendez-vous au moins une fois, publiquement, pour imaginer ensemble, innover, réformer et unir librement tout ce qui peut l’être pour le bénéfice de tous.

Si je n’avais pas été un idéaliste passionné, je n’aurai rien fait de ce dont je suis fier quand je me vois vieillir dans le miroir. Et une des choses dont je suis fier c’est d’avoir contribué, à ma mesure, à installer si peu que ce soit, la sexologie dans notre vaste monde, et ce sans avoir, je l’espère, ni blessé ni agressé ni abaissé personne.

Je vous souhaite à tous de trouver, à travers la sexologie à relancer, autant d’enthousiasme, autant de plaisirs, autant de joies fraternelles que j’en ai eu à la lancer.

Docteur Gérard Vallès

 

 

 

Éditoriaux 

Sexologos N°15

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