BILLET
D’HUMEUR
de Claude ESTURGIE.
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L’arrestation
soudaine en Suisse de Roman Polanski qui y séjournait depuis de nombreuses
années, suivi de la polémique autour de Monsieur Frédéric Mitterrand, doit, me
semble- t’il, donner à penser aux sexologues que nous sommes. Ce qui est en
train de se passer démontre, s’il le faut encore, qu’en notre époque
hyper-médiatisée l’information devient dés-information parce qu’elle est
transformation. Transformation et confusion, confusion qui surfe sur des
réflexes de peur et des préjugés que l’on pouvait espérer d’un autre âge.
Il n’est évidemment pas dans mon propos de défendre la pédophilie, le viol, la
prostitution ou le tourisme sexuel, mais seulement comme l’a fait en d’autre
lieu Paul Bensussan, de dénoncer des amalgames hâtifs et dangereux, destinés à
satisfaire et rassurer le plus grand nombre dans le conformisme de la bonne
conscience et l’hypocrisie de la bien pensance.
Que Marine Le Pen joue son rôle de walkyrie aryenne offusquée ne saurait étonner
personne, mais que les chevaliers roses du P.S. viennent lui prêter main forte
peut paraître surprenant à moins que ce ne soit simplement révélateur.
Revenons aux faits. Roman Polanski, réalisateur de ce bouleversant chef d’œuvre
qu’est son film « Le pianiste » a eu il y a trente ans une relation sexuelle
avec une adolescente de treize ans. Il a eu tort. Y a t’il eu viol ? Comme moi
mes chers collègues, vous devez recevoir en consultation des jeunes filles de
treize à quinze ans qui ont déjà eues des relations sexuelles consenties avec
des garçons de leur âge ou plus âgés. Est-ce un mal ? Est-ce un bien ? Cela
dépend des lieux et des époques, la Juliette de Shakespeare avait treize ans
quand l’alouette chantât.
S’il est évident que le viol véritable est une atteinte abominable à la
personne, nous assistons actuellement à l’extension de ce mot à des situations
très diverses, souvent discutables, extension qui peut avoir sur la « victime »
autant que sur l’auteur de cet acte des conséquences désastreuses car cela peut
devenir pour elle un écran qui lui évite la démarche permettant de chercher les
causes plus profondes et plus réelles de son mal-être.
Paul Bensussan a raison de dénoncer la confusion entre déviance et délinquance
et de dire au grand public ce que nous savons bien, que les criminels sexuels
les plus redoutables sont des psychopathes à la sexualité défaillante et non pas
des monstres hyper-sexués.
Au fait Madame Le Pen vous n’ignorez pas que, qui plus est, Roland Polanski est
juif…
Je voudrais maintenant parler du déplorable procès d’intention fait à Frédéric
Mitterrand.
Cet homme d’une grande culture est l’auteur d’un très beau roman intitulé «La
mauvaise vie». J’espère que vous l’avez lu, le narrateur y parle entre autres de
son goût pour les garçons et incidemment d’expériences exotiques avec des
prostitués mineurs. Il s’agit d’un roman non pas d’une confession ou d’une
autobiographie. Il n’est pas besoin d’être professeur de littérature pour savoir
qu’un romancier utilise le réel pour le transposer, le déplacer, le condenser
comme le fait selon Freud le travail du rêve et que Monsieur de Charlus n’est ni
Robert de Montesquiou- Fézensac ni Marcel Proust lui-même.
«Mais le lot de douleur qui nous est imparti n’est-il pas en soi assez
insupportable pour n’avoir pas à l’amplifier par la fiction, pour n’avoir pas à
donner aux choses une intensité qui dans la vie, est éphémère et parfois même
non perçue ? Pour certains d’entre nous, non.
Pour quelques rares, très rares personnes, cette amplification qui se développe
de façon hasardeuse à partir de rien, constitue la seule assise solide, et le
non-vécu, l’hypothétique, exposé en détail sur le papier, est la forme de vie
dont le sens en vient à compter plus que tout. C’est de Philip Roth dans son
dernier roman, encore un juif, Madame Le Pen.
Depuis des siècles on ne brûle plus les auteurs sur un bûcher mais on pourrait
peut-être encore brûler leurs livres, il y en aurait pas mal : Dostoievski, La
confession de Stavroguine et puis les Chants de Maldoror, les livres d’André
Gide, Wilde, Montherlant, Jouhandeau, Nabokov, Matzneff, j’en oublie.
Cela ferait un joli feu.
Cela ne vous rappelle rien Madame Le Pen ?
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POST
- SCRIPTUM
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Quelques semaines se
seront écoulées entre la parution de SEXOLOGOS et
l’«affaire» Polanski - Frédéric Mitterrand, le procureur
de Los Angeles lui-même a revu à la baisse ses accusations
contre Roman Polanski en ne retenant plus que des «relations
sexuelles illicites avec une mineure», la dite «victime a clairement
indiqué qu’elle souhaiterait qu’un terme soit mis aux
poursuites visant Roman Polanski» Le Figaro du 24 Octobre
2009. Je rappelle que Polanski a déjà fait 42 jours de prison aux
USA. Je ne retire rien de ma critique contre les amalgames
médiatiques trop rapidement pratiqués devant des faits qui
demandent d’être toujours situés dans leur contexte au lieu
d’être livrés en vrac au public entretenant ainsi la peur et la
névrose populiste sécuritaire.
Par ailleurs mon indignation devant le procès d’intention fait
dans l’opinion au ministre Frédéric Mitterrand reste la même
(l’esprit de Vichy est-il donc encore si présent en France ?) et je
me réjouis que le Président de la République ait su s’y opposer.
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Dr Claude ESTURGIE
Président de l’Académie des Sciences Sexologiques
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Réponse à Claude ESTURGIE par Arnaud SEVENE
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