Sexologos  n° 31

Juin  2008 

Jacques CHAUMERON 

 

 

Chronique des 
rencontres annoncées.
 

 

Dans la salle d’attente elle ne s’était pas assise. Contre la fenêtre elle regardait la ville. Cheveux brun en cascade sur les épaules qu’elle avait dénudés malgré la saison plutôt froide. Robe légère qui balançait au rythme de ses pas quand elle s’est dirigée vers le bureau. Seules les bottes qu’elle portait, rappelaient le temps automnal. L’étole qu’elle laissait traîner derrière elle au bout de ses bras et le reste de sa mise évoquaient la lascivité d’une autre saison.
Hésitante au regard des fauteuils disposés face au bureau, elle me dit dans un charmant sourire qu’elle préfère le divan pour s’assoir. Bien que destiné à d’autres usages, elle s’y installe. En amazone question de me faire face. Je n’avais jusque là pas évalué sa corpulence bien qu’imposante mais noyée dans le mouvement de ses vêtements. Bien sûr, mes fauteuils…
Elle s’était longuement demandé si elle devait honorer ce rendez-vous pris il y a quelques mois. C’était un conseil de son nutritionniste.
Mais qu’allait-elle pouvoir dire à un psychiatre ?
Silence. Puis, le ton presque badin et les yeux qu’elle avait noirs, pétillants, elle commence.
Elle aimait les choses sucrées et maigrir pour elle restait une gageure. Après tout, elle se trouvait belle comme ça et plaisait aux hommes. Mariée, mère de cinq enfants, elle avait jusqu’ à ces dernières années, consacré son temps à la maison, à la famille. La cinquantaine passée, elle voulait un peu plus penser à elle.
Pourtant, elle ne se voyait pas élégante. A ma question sur le sens de sa démarche auprès d’un nutritionniste, cette réponse inattendue : «Si j’étais élégante, je serais prostituée». Alors le discours se libère. Elle parle de sa sensualité, de son plaisir de plaire, de ses choix vestimentaires vaporeux, de sa découverte des sites de rencontres sur internet et ses amants de passage avec lesquels elle partage des « moments suaves » dans les hôtels de la région et qui parfois viennent de loin pour passer un instant avec elle.
Ses joues parfois rougissent, comme une coquetterie.
Elle parle de ses découvertes comme d’une fête. Peut être un peu trop complaisante. Elle s’imagine en princesse accueillante et dans son élan me livre son pseudonyme : « Sirène du Nil ».
Elle était effectivement d’une autre saison et rêvait d’autres contrées. Prêtresse d’un temple d’ailleurs, enveloppée de mousseline et entourée de plateaux de pâtisseries orientales!


(à suivre…)
 

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