Sexologos  n° 19

Juillet   2004 

Jacques CHAUMERON  

 

 

Chronique des 
rencontres annoncées
.

 

Quand il s’est levé, j’ai remarqué sa stature. Grand, massif, le cheveu épais et en désordre, la barbe encadrant le visage et soulignant le regard vif, il s’avançait d’une démarche balancée. Un bûcheron sorti d’une forêt.
Encore jeune, pas la quarantaine. Un léger sourire accompagnait une poignée de main ferme.
Comment pouvait-il en être autrement? En s’installant devant le bureau, il a du reculer sa chaise pour installer ses jambes. Le personnage pourtant n’était pas tranquille, et quand il sortit de ses poches les feuilles de papier où il avait posé quelques notes, il était facile de remarquer un léger tremblement d’émotion.

D’abord, il me dit les disputes, les tensions, les conflits, les séparations de nombreuses fois brandies. Une lettre d’elle où était le compte des reproches. Une lettre de lui où il avouait ses erreurs, ses faiblesses, ses travers. Il avait pourtant déjà pensé à venir consulter. Mais là, ça sonnait comme un ultimatum.
Peut être n’aurait-il pas franchi le pas si elle ne l’avait surpris avec le chien.

Ensuite, il raconta ses conduites de travestissement. Très tôt déjà. Quand enfant il se racontait des histoires où, laissé seul dans la maison, il s’inventait cambrioleur, fouillait la chambre des parents et se parait des trophées qu’il y dénichait. Les sous-vêtements et les vêtements de sa mère. Les scénarios ont changé, mais l’habitude
demeure. Avec les vêtements de sa compagne.


La première fois? Il s’en souvient. Sa mère avait réparé sa peluche et l’avait rembourrée avec de vieux bas. C’est en enfilant l’un d’eux qui dépassait qu’il avait ressenti une violente émotion.


Et le chien? Son regard me quitte à la recherche d’improbables notes sur ses feuilles qu’il avait déjà pliées. Il avait plusieurs fois observé l’animal se léchant, et avait vite ressenti le désir de se faire lécher aussi (“sucer” dira t-il). C’est lors d’un tel passage à l’acte que sa compagne le surprend.


Il en était là. Entre objet transitionnel et objet fétiche. Entre une relation au “non-moi” qui n’est pas encore “l’autre” et une relation au “non-autre” qui n’est pourtant plus tout à fait lui.



( à suivre.....)

Retour