Sexologos  n° 17

Janvier   2004 

Jacques CHAUMERON  

 

 

Chronique des 
rencontres annoncées
.

 

Quand j’ai ouvert la porte de la salle d’attente, c’est le scintillement qui m’a surpris. Comme une pièce illuminée, soudain. Peut-être ses yeux. D’un bleu très clair, juste un peu métallique, comme je pouvais m’imaginer l’eau d’un fjord. Le plissement d’un sourire accentuant l’effet. Le bonhomme avait certes de l’âge. La roseur du nez et la couperose des joues en gommaient l’outrage. Il avait le visage rehaussé par l’encadrement d’une chevelure blanche longue où se mêlait une barbe bouclée. 

J’accompagnais le vénérable jusqu’à mon bureau où il prit, avec aise, sa place. La voix était tout à la fois ferme et douce avec un accent du nord qui la faisait presque chanter; d’ailleurs le ton n’était pas triste. 
Il en vint directement au fait. Son souci: la laisser, encore cette année là, toute seule. Jamais ils ne s’étaient, au fond, résolus à ce rituel qui les laissaient une grande nuit l’un sans l’autre. Le reste du temps toujours ils s’enlaçaient et ce n’était pas que le froid qui les joignait. Mais bien la chaleur quand ils se prenaient, qui allumait le creux de son ventre. Bien que pas toujours efficace, cette chaleur n’en était pas moins voluptueuse. Son autre regret, disait-il, qu’on la dénommât “la mère” lui qui la prénommait “Aurore”.

Je n’ai pu ce jour là que réciter quelques banalités et lui assurer que 364 nuits étaient sans aucun doute un bel hommage. Aurore n’en serait que plus lumineuse ce matin là où il rentrerait.
Il avait à peine posé sur ses épaules sa houppelande rouge cernée d’hermine qu’il était déjà parti. Le temps d’aller à ma fenêtre et je ne vis, de dos, que sa hotte dans le bruit carillonnant d’un attelage surprenant.

Autant vous dire, chers amis, qu’il me fallu, ce jour là, un peu de temps pour reprendre le cours des choses.

Bon Noël et Joyeuses Fêtes à tous



( à suivre.....)

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