Sexologos  n° 16

Juillet   2003 

Jacques CHAUMERON  

 

 

Chronique des 
rencontres annoncées
.

 

Couple plus très jeune, la quarantaine, installé de chaque côté de la table dans la salle d’attente, chacun le nez dans une revue. Quand ils s’installent dans le bureau, lui retire légèrement la chaise comme pour mettre un peu de distance. Recul.

Il est tout en rondeur, le visage aussi avec son sourire figé. Immobile, seuls ses yeux s’animent.
Elle parait frêle, le visage crispé. Le regard fixé au sol, seul son corps s’agite comme si elle ne trouvait pas son aise.

Le silence d’abord pour souligner la difficulté de cette rencontre. Puis c’est elle qui commence.
Elle parle de ces années de psychothérapie qui l’ont fait se retrouver un peu , rompre avec cette douleur et toute ces marottes et vérifications qu’elle avait mises en place pour se détourner de la souffrance.
Il dit son attente, son impression d’inutilité durant toutes ses années. Être là sans ne pouvoir rien faire.
Elle renchérit sur l’impuissance qu’elle ressent à redevenir ce qu’elle était avant, avec lui. Sur ce désir perdu, ce “pas envie d’avoir envie”.
Il dit son impatience toujours plus grande, son alanguissement, mais ses sentiments aussi qu’il ressent à son égard, intacts.
Elle insiste sur son agacement quand il la touche, son corps qui se replie, cette contrainte qu’elle éprouve alors. Sentiment de panique et de dégoût.
Il parle de ses précautions, de ces approches timides qui deviennent presque honteuses avec le temps qui passe. De ses frustrations, du fait qu’il ne se sent plus un homme. Plus son homme.
Elle dit qu’il faut encore du temps. Peut-être.
Il précise que ça fait dix sept ans déjà. L’âge qu’a leur dernière fille. Juste après la naissance il avait senti le changement.
Elle ajoute que deux mois avant cette naissance son père était mort; une mort brutale avec laquelle elle vit depuis. Un suicide; une pendaison.

Il continue à lui parler d’amour.
Elle persiste à lui parler de mort..

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